Tommy Lee Jones promène sa gueule burinée dans un rôle donquichottesque de Pete Perkins, contremaître. On pouvait difficilement envisager cette sensibilité en voyant ses rôles hollywoodiens. Il est inspiré par Guillermo Arriaga, scénariste habituel et inspiré d’Alejandro Inarritu. Il signe une œuvre d’une grande humanité, teinté d’humour et noir. Avec obstination, il a réussit à monter ce film, sans concession, saluons une fois n’est pas coutume, l’apport de la société « Europacorp ». C’est ici sa seconde réalisation, une visite sur le site IMDB nous signifiant qu’il a réalisé un téléfilm, sorti en 1995, « The good old boys », un western qu’il interprétait avec une prestigieuse distribution (Sam Shepard, Terry Kinney, Frances McDormand, Sissy Spacek). On pense à John Huston, comme cela a été beaucoup dit, son intérêt pour les marginaux, ou à Sam Peckinpah. Le réalisateur a un regard chaleureux sur sa petite communauté de laissés pour compte. Tommy Lee Jones a mérité son prix d’interprétation à Cannes, qui a également récompensé le scénario également, mais il aurait été judicieux de le donner ex aequo à Barry Pepper, quelque peu malmené dans le film, qui joue Norton, policier des frontières antipathique et zélé, qui vient d’arriver avec sa femme dans ce territoire. Il se montre particulièrement effrayant, allant jusqu’à casser le nez d’une jeune clandestine récalcitrante.
Barry Pepper & Tommy Lee Jones
Le film dépeint plusieurs destins, du paysan clandestin, Malquiades Estrada, digne et qui se lie d’amitié avec Pete. Nous sommes ici loin des clichés du western, les canyons pouvant devenir ici très vite menaçants et les grands espaces n’étant que des promesses de fuites, vers un ailleurs moins amer. Il y a un souffle, magnifié par la superbe photographie de Chris Menges. On retrouve une véritable réflexion sur les clandestins mexicains, et leur rapport avec la frontière américaine, sorte d’Eldorado fantasmé, une fois passé les épreuves initiatiques et une peinture corrosive des États Unis. On s’attache à des destins de solitaires, d’oubliés du grand rêve américain et qui font preuves de grandeur en voulant ne plus subir leurs sorts. Tous les personnages sont d’une justesse remarquable, du vieil homme isolé que ne visite plus son fils, qu’il croit mort des suites de son cancer – Levon Helm, guitariste légendaire, à la serveuse en mal d’amour – Melissa Leo -, la jeune femme déracinée de Norton – January Jones -, Dwight Yoakam en shérif débonnaire – légende du country -, essayant de vivre dans une existence assez déterministe et Julio Cesar Cedillo qui donne le nom de son personnage au film « The three burials of Melquiades Estrada », en mexicain réservé. Si on peut signifier quelques réserves à la construction du scénario, on ne peut que louer le talent et la générosité de son metteur en scène, signant une œuvre lyrique et désespérée, parfois métaphysique. Une réussite !