Il serait dommage de passer à côté de ce film promis à une vie courte dans le système actuel des diffusions de film, il était pourtant idéalement programmer pour que l’on y amène les enfants. C’est un conte intemporel, narré par la voix de Gamil Ratib. Changement de registre pour Bourlem Guerdjou donc après « Vivre au paradis » (1998) qui dans un contexte plus dramatique mettait en scène Roschdy Zem en ouvrier du bâtiment immigré qui souhaite que sa famille le rejoigne. La superbe photographie de Bruno de Keyzer met en valeur la beauté et la diversité des paysages du Maroc. Le réalisateur a réussi à trouver un souffle épique, trop rare dans notre cinéma, de par sa manière de filmer les lieux, les personnages et les chevaux avec beaucoup de justesse. Le traitement est réaliste, dans ce peuple berbère, ceux qui ont l’approche et la connaissance des chevaux, ont la clé pour survire dans le désert. La petite Zaïna vient de perdre sa mère, séquestrée par un seigneur des lieux, le cruel Omar, elle s’échappe de son emprise pour retrouver son vrai père, Mustapha, qui ignore son existence.
Sami Bouadjila & Aziza Nadir
Le film est porté par deux des meilleurs comédiens actuels. Simon Abkarian qui insuffle une humanité à un personnage qui pouvait être caricatural. Il a suivi un entraînement intensif pour ce film avec les chevaux, il personnifie un être qui souffre derrière une apparente froideur, ce comédien continue à nous surprendre à chacun de ses films. Sami Bouadjila – que le réalisateur, Jean-Pierre Sinapi avait rapproché dans une interview télé avec l’élégance d’un Marcello Mastroianni, ce qui me semble très juste -, est à la fois digne et émouvant dans l’impuissance d’affirmer cette paternité nouvelle qui semble lui tomber du ciel. La confrontation de ces deux comédiens très crédibles, est d’autant plus superbe, que le metteur en scène a trouvé la jeune Aziza Nadir, petit miracle de finesse, et enjeu des deux hommes qui se bat malgré la tristesse d’avoir perdu sa mère Selma, une herboriste dont le besoin de liberté sera nié dans une société trop patriarcale. Elle symbolise une rébellion, une émancipation, une vitalité, laissant deviner à son personnage un grand avenir, malgré la place qui lui est promise. Le final atteint un paroxysme, ce qui compte tenu des contraintes de ce type de tournage. Des scènes intimistes à celles d’une foule survoltée, le réalisateur trouve toujours le ton juste. Malgré quelques maniérismes, on ne serait trop que conseiller cette œuvre forte et prenante.