La désormais régulière sortie de l’œuvre de Jean-Pierre Mocky en DVD est aussi l’occasion de découvrir ses films les plus méconnus. Ces derniers temps, ses films sortent uniquement dans son cinéma « Le Brady », ou restent inédits comme « Touristes, oh yes » film « tatiesque » et muet sur un groupe de touristes hollandais. Le réalisateur finissait plus par être connu par ses coups de gueules et ses provocations que par ses films propres. J’ai ainsi le souvenir de lui signant son livre « Mister Flash » dans le Virgin de Bordeaux, et déclarant que les pédophiles ont pour raison première de vouloir, par cette perversion vouloir, éviter d’être contaminer par le sida ! On aimerait pouvoir tordre le coup à sa réputation de bâcler ses films. Elle n’est finalement que très peu fondée, s’il tourne vite, il soigne quand même ses effets. Il aime bien, on le sait, tirer à boulets rouges sur les institutions. Prenons comme exemple le film « Les araignées de la nuit » diffusé en 2002 et toujours inédit à télévision. Il prend pour cible le financement des hommes politiques en campagne électorale, avec une sorte de pré-science, vu les mauvaises surprises au premier tour en 2002 -. Dans le film des 5 candidats à la Présidence – du nombre de 5, « Dugland, Dupont, Durand, Dubois,… » -, aucun ne se distingue véritablement pour gagner les élections. Un mystérieux groupuscule « Les araignées de la nuit », tente d’en supprimer certains par la force… Certes les coutures sont un peu lâches, on a vite fait de deviner par la voix et la silhouette de qui se cache derrière le masque à gaz de la mystérieuse araignée, chef de cette organisation maffieuse. Le film souffre d’un manque de moyens évidents, de par sa post-synchronisation un peu schématique. Reste que Mocky a un incroyable talent pour installer un climat, trouver des lieux de tournages originaux, et dénonce à sa manière, même si c’est un peu à l’emporte-pièce le cynisme ambiant. Le scénario tient plutôt la route, il est cosigné par l’excellent André Ruellan. On suit donc ce jeu de massacre avec un plaisir évident. Il y a bien sûr de nombreuses invraisemblances, comme les membres de la société secrète ont même un tatouage d’araignée comme signe de distinction, ce qui n’est pas idéal, convenons-en pour rester discret.  

Jean-Pierre Mocky & Patricia Barzyk

Mocky puise dans l’esthétique de la série B, avec un plaisir renouvelé et une certaine désinvolture. On retrouve aussi avec plaisir le Mocky Circus, qui hélas s’amenuise un peu avec les années, malgré de nouveaux venus – Jackie Berroyer pour une simple apparition en légiste en grève, Rodolphe Pauly azimuté, Ludovic Schoendoerffer en journaliste, etc… -. Les habitués se livrent à des numéros réjouissants, d’Hervé Pauchon, tueur débrouillard et bondissant, Dominique Zardi, homme politique suffisant et coiffé d’une improbable perruque, Michel Bertay politicard infatué de lui-même, François Toumarkine excellent en policier cauteleux et corrompu, Jean Abeillé en préfet de police indolent, les étonnantes Nadia Vasil et Evelyne Harter, en respectivement femme et sœur possessives d’hommes politiques, Maurice Vallier, perdu de vu ces derniers temps en homme blasé, etc… Mocky lui-même se réserve le rôle principal dans un registre proche d’ « Un linceul n’a pas de poches », en électron libre revanchard, il réserve à son actuelle compagne Patricia Barzyk, un rôle complexe d’où se dégage son charme habituel. Les bonus sont hélas de plus en plus léger, deux entretiens assez mal sonorisé avec Patricia Barzyk et Mocky lui-même. Mais on peut retrouver une curiosité, avec, assurément, la bande-annonce la plus cheap de tous les temps… Sur une image vidéo de mauvaise qualité on retrouve la course de fond de quelques candidats… nus. Le film étant mal distribué, Mocky l’a donc élaboré avec les moyens du bord. Même sur le mode mineur, Mocky reste Mocky et déploie souvent des trésors d’inventions, même avec un tout petit budget. Saluons encore une fois, son mordant, sa drôlerie, son irrévérence et son originalité constantes.