Atom Egoyan ayant reçu une consécration internationale avec ses films intimistes, nous a livré ces derniers temps des films ambitieux « Le voyage de Félicia », « Ararat », où l’on retrouvait bien sa patte, mais qui n’ont pas rencontré un large public. Avec ce film « La vérité nue », « Where the truth lies » en V.O., on sent bien que cette œuvre de transition, adaptation d’un roman de l’Anglais Rupert Holmes « Somebody loves you » paru en 2004, et une concession transitoire dans laquelle il a dû penser pouvoir amener son univers. Sélectionné à Cannes, il en est revenu bredouille et le film laisse finalement un peu sur sa faim. Le film narre un drame survenu dans la vie de deux comiques célèbres : Lanny Morris, capable de tous les débordements – Kevin Bacon remarquable – et Vince Collins, un anglais assez impulsif, caché derrière un personnage assez flegmatique – Colin Firth, dont on sent un peu trop la composition -, sorte d’équivalents  Dean/Lewis et Jerry/Martin, sauce débauche. Le projet est ambitieux, ce que l’on croit vrai ne veut pas dire que l’on possède la vérité, il y a une critique virulente du show bisness décadent– La réaction virulente de Lanny Morris dans un restaurant chinois, ne le fait pas passer pour un client odieux parce qu’il est juste célèbre. La réflexion est habile où se trouve l’humain derrière la représentation. L’idée brillante d’Egoyan est de confier le rôle d’une toute jeune journaliste arriviste mais en quête de vérité, et indirectement témoin d’un fait divers à la très jeune Alison Lohmann, plus adolescente qu’adulte, sa détermination tranche face à deux comédiens blasés et à bout de souffle qu’elle retrouve dans les années 70.

Le film fait d’habiles aller-retour, d’une soirée marathon consacrée au Téléthon, en 1959 animée par le célèbre tandem, qui sera le théâtre d’un drame, et les années 70, où la jeune journaliste profite d’un hasard pour accéder à une vérité qu’elle devine cachée, en profitant de l’opportunité d’une auto-biographie signée par Vince Collins, qui devrait lui apporter une belle somme substantielle. Curieusement cette histoire de traversée du miroir – l’ « Alice » de Lewis Carrol étant conviée dans cette histoire -, finit par engendrer un ennui poli. Certains personnages sont schématiques, la mère blessée, le valet corvéable à merci, et Atom Egoyan peine à rendre la sensualité des scènes sexuelles qui deviennent très mécaniques. Pourtant la réflexion sur la compromission des artistes avec la mafia, l’aveuglement de fan sur une vedette que l’on adule, l’impunité de certains artistes cherchant une fuite dans la vie dissolue. Reste une performance de Kevin Bacon qui a bien négocié sa nouvelle maturité ces derniers temps, et Colin Firth qui arrive à composer une sorte de Dean Martin britannique assez convaincant. Si Atom Egoyan arrive à rendre l’atmosphère de l’industrie du spectacle, il peine un peu avec l’intrigue presque policière, et la musique presque « Herrmannienne » de Mychael Danna n’arrange d’ailleurs rien. Atom Egoyan est indéniablement un grand metteur en scène, mais semble être ici en période transitoire, attendons la suite…