Photo « Ubba »
François Berléand se souvient de Jonathan Zaccaï, sur la pièce « L’enfant Do » de Jean-Claude Grumberg, mise en scène par Jean-Michel Ribes, comme d’un comédien délicieux et drôle, inquiet de son avenir, dans l’attente d’obtenir une réponse de François Favrat, pour jouer dans le film « Le rôle de sa vie ». Engagé sur ce film, il nous offre une nouvelle fois la confirmation de son grand talent, tenant jeu égal avec Agnès Jaoui et Karin Viard : il est Mathias Curval, un arboriculteur compétent, secret et lucide devant le jeu des apparences, partagé par l’amour pour une comédienne célèbre et pour une femme réservée qui dévoile un beau talent d’écriture en devenir, une performance pour un rôle formidablement juste. On découvre ce Belge, né le 22 juillet 1970 à Bruxelles, en 1990 dans « La révolte des enfants », où il tient le rôle de »Grande Gueule », fort caractère d’une maison de correction pour enfants et jeunes adultes. Ce lieu carceral, qui se veut humaniste, telle une « colonie paternelle », par son directeur utopiste – André Willms -, subit la loi d’un maton sadique joué avec délectation par Michel Aumont. « Grande Gueule », meneur évident d’une mutinerie, se retrouve dépassé par un adolescent raisonneur. La fougue de son interprétation laisse déjà présager la forte présence de Jonathan Zaccaï. Il retrouve ensuite un personnage de premier plan dans la co-production franco-polonaise « Coupable d’innocence » en maître-horloger, accusé à tort de l’assassinat d’un aristocrate, mais le film connaît une audience confidentielle. C’est avec « Petite chérie », en 1999, qu’il trouve l’un de ses meilleurs rôles, dans un personnage calculateur à froid, il faut le voir tel un oiseau de proie guetter sa prochaine victime, puis jetant son dévolu sur le personnage de Sybille (Corinne Debonnière), pour mieux exploiter son mal de vivre et subsister aux crochets de ses parents (Patrick Préjean et Laurence Février) qui trouvent malgré tout une satisfaction de voir enfin leur fille « casée ». Il est réellement impressionnant dans ce rôle, devenant de plus en plus odieux, même si au final, il ne se révèle pas le personnage le plus monstrueux du film… Suit un rôle plus romantique dans « Reine d’un jour » de Marion Vernoux, puis « Bord de mer » (caméra d’or à Cannes en 2002), où il joue avec brio un personnage de maître-nageur falot d’une station balnéaire, résigné sur son sort, en opposition avec le désir de changement de sa femme, Marie (Hélène Fillières). On le retrouve en professeur timide, objet de fascination d’un adolescent alors qu’il tombe amoureux de sa mère jouée par Ariane Ascaride, dans « Ma vraie vie à Rouen » d’Olivier Ducastel & Jacques Martineau. Dans « Le tango des Rashevski » comédie dramatique subtile sur la question de l’identité du judaïsme d’une famille unie, en frère non pratiquant du personnage de Nina (Tania Gabarski, propre fille du réalisateur), aimée d’Antoine, qui veut changer de religion en guise de preuve d’amour (Hippolyte Girardot). Jonathan fait preuve d’une belle énergie et d’humour dans ce film humaniste, superbe réussite dans la lignée des meilleures comédies de l’âge d’or du cinéma italien. A noter qu’il retrouve ce même thème de la mémoire au théâtre dans la pièce de Jean-Claude Grumberg, et bien que n’ayant jamais joué sur les planches depuis l’école, se retrouve très à l’aise face aux formidables François Berléand – qu’il retrouvera comme beau-père dans le film « Le plus beau jour de ma vie » – et Chantal Neuwirth, en jeune père chômeur.
Dans « Le plus beau jour de ma vie »
Il est désormais très demandé, en raison de la richesse de son registre. Dans « Les revenants « , au sujet original – une petite communauté se demande comment intégrer chez eux des zombies ! – il a une présence incroyable, en ancien mort inquiétant, mari de Géraldine Pailhas. Angoissant et sur actif, il apporte une atmosphère fantastique, dans un jeu minimaliste. Tour de force, il passe dans la même année du registre léger de la comédie de Julie Lipinski, à celui noir et lucide de Jacques Audiard. En jeune premier désinvolte dans « Le plus beau jour de ma vie », il forme un couple incertain avec Hélène de Fougerolles, avec un bel abattage. Ballotté par les événements, il subit les situations et les compromissions, avec de petites lâchetés – le mariage à l’église accepté au chevet de sa grand-mère -, et les influences des copains proches. Dans « De battre mon cœur, s’est arrêté », il est Fabrice, un marchand de biens, associé à Romain Duris et Gilles Cohen, aux méthodes violentes, et personnage veule, mari infidèle d’Aline – Aure Attika -. Il affronte ce rôle d’une antipathie redoutable avec panache et réalisme. Il est pressenti pour jouer dans le film de Steven Spielberg « Mossad » première version de « Munich », mais il ne participe finalement pas au casting final. Sa pratique de haut niveau du violon lui permet d’être l’interprète idéal de l’inventive comédie « Toi et moi », où il campe un musicien romantique tombant amoureux de Marion Cotillard. C’est sa troisième collaboration avec Julie Lopez-Curval, qui s’amuse à dynamiter les codes du roman-photo. Dans le téléfilm en deux parties « La blonde au bois dormant », hélas un peu conventionnel, il montre une nouvelle fois son grand talent, dans le rôle d’un policier bordelais dont la personnalité est assez trouble et qui finit par séduire le personnage joué par l’excellente Léa Drucker, qui recherche sa soeur disparue. Les rôles s’étoffent, comme dans « Vent mauvais », où il est un informaticien en intérim dans un supermarché, qui derrière une nonchalance apparente comprend les règles du lieu. Il est impressionnant dans « La chambre des morts » – il avait remplacé pour ce film son compatriote Jérémie Rénier au pied levé -, en ami de Gilles Lellouche révélant sa véritable personnalité au détour d’un accident. Entre violence et lâcheté, son jeu y est d’une grande force. Dans « Les yeux bandés », son personnage retrouve son frère de lait incarné par Guillaume Depardieu, après des années d’absence. Partagé entre sa nouvelle vie et la volonté de défendre son frère accusé de viol, il est rattrapé par son passé. Il retourne à l’ambiguïté dans « Élève livre » en professeur pervers utilisant son autorité pour se livrer à la transgression avec un jeune adolescent – Jonas Bloquet -. Il nous donne à nouveau une composition très fine face à ce rôle particulièrement périlleux -. Il excelle dans la comédie douce amère et subtile « Simon Konianski », sortie en 2009, en professeur de philosophie désoeuvré retournant vivre chez son père – Popeck dans son plus grand rôle -. A la ferveur d’un voyage initiatique qu’il fait avec son fils, il comprendra l’importance du vécu de son père, ancien déporté, par son histoire avec laquelle il se sentait encombré. Son personnage assez immature est à la fois drôle et émouvant. Toujour inventif Jonathan Zaccaï apporte beaucoup à ses personnages, l’idée de la minerve venant de lui selon le réalisateur Micha Wald. Ce comédien modeste et abordable, ne réalisant pas son entrée dans « la lumière » peut prétendre à une reconnaissance internationale. Audacieux, il est sans contexte un des meilleurs acteurs de sa génération. Chacun de ses films est une nouvelle occasion de montrer la subtilité de son jeu. Il a signé avec bonheur deux court-métrages dont une comédie déjantée avec « Sketches chez les Weiz » en 1999, mais aussi « Comme James Dean » qui reçoit le prix Orange 2005, ce qui devrait augurer chez lui de nouvelles belles perspectives.
Jonathan Zacccaï, photo © R. Schroeder
Filmographie : 1990 La révolte des enfants (Gérard Poitou-Weber) – 1991 Coupable d’innocence / Kiedy Rozum Spi (Marcin Ziebinski) – 1994 3000 scénarios contre un virus : L’attente (Daniel Vigne, CM) – 1995 Luc et Marie (Philippe Boon & Laurent Brandenbourger, CM) – 1999 Petite chérie (Anne Villacèque) – Sketches chez les Weiz (+ réalisation, CM) – Very basic instinct (Vanessa Zambernardi, CM) – 2000 Reines d’un jour (Marion Vernoux) – Les déclassés (Tony Baillargeat) – 2001 Mademoiselle Butterfly (Julie Lopez-Curval, CM) – Bord de mer (Julie Lopes-Curval) – Ma vraie vie à Rouen (Olivier Ducastel & Jacques Martineau) – Je suis venu pour elle (Ivan Taïeb) – 2002 Le tango des Rashevski (Sam Gabarski) – 2003 Le rôle de sa vie (François Favrat) – Les revenants (Robin Campillo) – 2004 Les parallèles (Nicolas Saada, CM) – Le plus beau jour de ma vie (Julie Lipinski) – De battre son cœur s’est arrêté (Jacques Audiard) – Entre ses mains (Anne Fontaine) – 2005 Toi et moi (Julie Lopez-Curval) – Paris je t’aime [épisode « Le 8 à 8 d’Angelina Jolie »] (Christoffer Boe, sketche coupé au montage final) – 2006 Vent mauvais (Stéphane Allagnon) – Les yeux bandés (Thomas Lilti) – Par amour (Aure Attika, CM) – 2007 La chambre des morts (Alfred Lot) – Élève libre (Joachim Lafosse) – 2008 Simon Konianski (Micha Wald) – 2009 Blanc comme neige (Christophe Blanc) – Quartier lointain (Sam Gabarski). Comme réalisateur : 1999 Sketches chez les Weiz, court-métrage – 2006 Comme James Dean, court-métrage.
Théâtre : 2002 L’enfant do de Jean-Claude Grumberg, mise en scène de Jean-Michel Ribes.
Télévision (notamment) : 1995 Highlander : Take by the night (Paolo Barzman) – 1996 Strangers : costumes – Lifeline – 1997 Sous le soleil (plusieurs réalisateurs) – 2005 La blonde au bois dormant (Sébastien Grall) – 2008 A New York thing (Une aventure New-Yorkaise) (Olivier Lecot).
Remerciements à Jonathan Zaccaï & François Berléand (Mise à jour du 10/08/2009)