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Le spectateur lui sera toujours redevable, la moindre de ses apparitions anime l’ensemble et nous amène dans un univers déjanté. Dans « Hellphone », il est irrésistible en proviseur « cartoonesque », amateur de poissons rouges, trônant dans un bureau, infatué de lui même pour finir par être malmené par la puberté de Jean-Baptiste Maunier dont un téléphone portable satanique est tombé amoureux – Christophe Lambert et son porte-clefs criant à tout bout de champ « I love you » dans le film homonyme de Marco Ferreri, peut aller se rhabiller… -. En œnologue surlignant sa compétence, hallucinant de roublardise, il arrive même à réveiller Russel Crowe dans le pachydermique « Une bonne année » en suscitant la méfiance, et dans « Incontrôlable » il est un médecin ayant gravi depuis longtemps la plus haute échelle de la folie, laissant Michael Youn sidéré d’avoir son corps qui parle avec la voix de Med Hondo.

Je vous propose simplement de lui porter un culte, l’acteur qui nous sauve de l’ennui  pour nous amener directement dans la jubilation.

Cela fait un petit moment qu’il nous est familier, on se souvient de ses mémorables scènes d’engueulades avec Catherine Frot dans « Escalier C », amusant Robin Renucci par leurs éternelles disputes. Yves Boisset en fait un moment l’un de ses acteurs fétiches.

C’est avec Édouard Baer qu’il connaît un regain de popularité, notamment avec le cultissime « Centre de visionnage » de l’émission « Nulle part ailleurs » sur Canal plus dans le but de contribuer à son amélioration dans la mesure où il y aurait lieu de le faire » (sic ! ) de 1997 à 1999. Il fallait le voir en éternel rouspéteur, il incarne le sentencieux Me Morissard, qui a même droit à sa phrase culte : « Je suis une merde ! ». A l’aise dans l’univers Baerien, il nous livre toujours de véritables morceaux d’anthologies, en collaborateur fatigué dans « La Bostella » et en narrateur lunaire et envahissant dans « Akoibon ».

Il participe aussi à la série de Nicolas & Bruno « Cogip 2000 », version pré- « Bureau », il figure aussi dans l’originale émission « L’œil du cyclone », toujours pour Canal + et perturbe même sérieusement la campagne électorale 2007 – qui n’arrête pas de nous faire rire jaune d’ailleurs -, dans des détournements pour le site de Karl Zéro. Multicarte, il a une carrière prestigieuse au théâtre, avec les plus grands metteurs en scène, comme Jorge Lavelli, André Engel, Roger Planchon ou Bernard Murat. Il fut aussi le directeur de la compagnie théâtrale du « Chapeau ».

Il vient véritablement du moule cassé des « excentriques du cinéma français » chers à Raymond Chirat et Olivier Barrot, on l’aurait vu volontiers animer de sa folie quelques films des années 30 à 60. Le délire chez lui n’est jamais loin, et le rencontrer c’est une entrée directe dans l’insolite, comme son personnage de l’inconnu du cimetière dans « Je pense à vous ». Il est le convoyeur toujours en train de faire des quêtes et répondant au doux sobriquet de « Butagaz » dans « Le convoyeur » et le bon copain s’amusant de sa libido dans « Monique ».

On le retrouve aussi en président haineux sous perfusion qui ne s’exprime que par « borborygmes », et en fantôme homosexuel, trompant son éternel ennui en repassant sans cesse, tous les vêtements qu’il trouve.

On ne lui aura finalement pas souvent demandé d’être dans une tonalité « normale » à l’instar du père qui retrouve le goût de vivre dans « La maison de Nina » et du prof soucieux d’équitation dans « Danse avec lui », que l’on devine sensible et pudique, ne montrant pas sa joie de retrouver le personnage joué par Mathilde Seigner après des années d’absences.

Comme souvent pour les comédiens, c’est Bertrand Tavernier qui l’utilise avec le plus de subtilité, en lui offrant le rôle d’Yves Fontaine, dans « Holy Lola ». Il est un père adoptif rigoriste, maladroit et buté, s’évertuant à faire répéter l’alphabet à sa fille adoptive, braquant toute la petite communauté des Français cherchant à adopter au Cambodge. Trop probe finalement, il ne va pas comprendre une société de compromission qui le dépasse, et derrière une attitude sur la défensive, il n’arrive pourtant pas à cacher sa trop grande humanité. Dans « Cherche fiancé tous frais payé », il vole allégrement, avec Isabelle Gélinas, la vedette du couple Alexandra Lamy-Bruno Salomone. Dans le rôle du mari trop idéal pour ne pas cacher quelques failles, il excelle quand ses excès de boissons révèlent chez lui des penchants homosexuels. Dans « Cortex », il est un malade qui perd sa mémoire, mais qui reste avisé d’une situation trouble malgré son handicap. Dans «  »Hello Goodbye » », il est un médecin vivant en Israël et amateur de taxidermie, qui promet un peu trop rapidement un poste de gynécologue à notre Gégé Depardieu national un peu chloroformé. Il compose un « Beria » saisissant en deux scènes dans « Une exécution ordinaire ». Dans l’une, il se renseigne auprès d’un médecin prisonnier politique de l’état de santé de Staline, et dans l’autre, assez drolatique, il visionne avec ce dernier un film de John Wayne, avec une traduction simultanée décalée.

Au final, son apparence tranquille cache toujours quelques secrets bien gardés, comme le voisin de Kad Merad, qui semble très contrarié qu’il ait une inclinaison pour Christiana Reali dans « Le grand méchant loup », ou le père de famille qui a peur de ne pas y arriver dans « Tirez, la langue mademoiselle ». Il est toujours à l’aise dans le délire, en centurion ivrogne dans la quatrième mouture d’Astérix, ou le retraité qui termine « façon puzzle » dans « 9 mois ferme ».

Quoi qu’il en soit, nous avons beaucoup à attendre de ce fabuleux comédien, capable de toujours nous expédier dans de hautes sphères délirantes.

Gilles Gaston-Dreyfus

Gilles Gaston-Dreyfus dans « Bad timing »

Filmographie : 1983  La fiancée qui venait du froid (Charles Némès) – 1984  Escalier C (Jean-Charles Tacchella) – 1986  Lévy et Goliath (Gérard Oury) – Edwige et l’amour (Cécile Decugis, CM) – Le moustachu (Dominique Chaussois) – 1987  Bernadette (Jean Delannoy) – La travestie (Yves Boisset) – 1988  Les cigognes n’en font qu’à leur tête (Didier Kaminka) – Radio corbeau (Yves Boisset) – L’étudiante (Claude Pinoteau) – Vampitreries (Éric Delatour, CM) – Envoyez les violons (Roger Andrieux) – Le dénommé (Jean-Claude Dague) – 1989  Chanson à ma mère (Deva-Sugeeta Fribourg, CM) – 1990  Déminage (Pierre-Oscar Levy, CM) – La double vie de Véronique ( Krzystof Kieslowski) – La tribu (Yves Boisset) – 1991  La gamine (Hervé Palud) – Les improductifs (Pierre Isoard, CM) – Mauvais garçon (Jacques Bral) – 1992  La fille de l’air (Maroun Bagdadi) – Décroche, Pénélope ! (Sylvie Flepp & Didier Fontan, CM) – 1993  Neuf mois (Patrick Braoudé) – 1994  Interview (Benoît Di Sabatino, CM) – 1995  (Sic) (Matthieu Poirot-Delpech, CM) – Sept ans et  demi de réflexion (Sylvie Flepp, CM) – 1997  La vieille barrière (Lyèce  Boukhitine) – Qui va Pino va sano (Fabrice Roger-Lacan, CM) – 1998  Moi j’ai pas la télé (Raphaël Meltz & Pauline Bauer, CM) – Les frères Sœur (Frédéric Jardin) – 1999  Sur un air d’autoroute (Thierry Boscheron) – La Bostella (Édouard Baer) – 2000 Cy-belle (Grégory Baubeau, CM) – Laissez passer (Bertrand Tavernier) – Un oiseau dans le plafond (Cécile Macherel, CM) – 2002  Pauvre de moi (Olivier Gorce, CM) –  L’esprit du jeu (Philippe Dorison, CM) – Bois ta suze (Thibault Staib, CM) – Monique (Valérie Guignabodet) – 2003  Le convoyeur (Nicolas Boukhrief) – Mariages ! (Valérie Guignabodet) – Holy Lola (Bertrand Tavernier) –  2004  Akoibon (Édouard Baer) – Sanctus (Alain Boegner, CM) – La maison de Nina (Richard Dembo) – 2005  Incontrôlable (Raffy Shart) – Roucoulements sourds et inquiets (Jean-Christophe Thormann, CM) – Enfermés dehors (Albert Dupontel) – Poltergay (Éric Lavaine) – 2006  Je pense à vous (Pascal Bonitzer) – A good year (Une grande année) (Ridley Scott) – Danse avec lui (Valérie Guignabodet) – Hellphone (James Huth) – Mr. Bean’s holiday (Les vacances de Mr. Bean) (Steve Bendelack) – 2007  Cherche fiancé tous frais payés (Aline Issermann) – Cortex (Nicolas Boukhrief) – Les dents de la nuit (Vincent Lobelle & Stephen Cafiero) – Hello Goodbye (Graham Guit) – Les vieux sont nerveux (Thierry Boscheron) – 2008  Sale timing (Olivier Barma, CM) – 2009  Une exécution ordinaire (Marc Dugain) – Gardiens de l’ordre (Nicolas Boukhrief) – Divorces (Valérie Guignabodet) – Un mystérieux mystère (Céline Macherel, CM, + scénario) – Machination (Arnaud Demanche, CM) – 2010  Station Pir (Gilbert Glogowski, CM) – 2011  Astérix et Obélix : Au service de sa majesté (Laurent Tirard) – 2012  Le grand méchant loup (Nicolas & Bruno) – Tire ta langue, mademoiselle (Axelle Robert) – Neuf mois ferme (Albert Dupontel) – Parenthèse (Bernard Tanguy, CM). Voxographie : 2009  Logorama (H5 , Hervé de Crécy , François Alaux & Ludovic Houplain, CM, animation).

Télévision : 1984  Deux filles sur un banc (Alain Ferrari)-– 1986  À nous les beaux dimanches (Robert Mazoyer) – La dame des dunes (Joyce Buñuel) – 1987  Marie Pervenche : La dernière patrouille (Claude Boissol) – 1988  L’éloignement (Yves-André Hubert) – La belle anglaise : S’il vous plaît chauffeur – Palace (Jean-Michel Ribes) – 1989  Le retour d’Arsène Lupin : La robe de diamants (Nicolas Ribowski) – A tale of two cities (Un comte de deux villes) (Philippe Monnier) – 1990  Haute tension : Meutre en douces (Patrick Dromgoole) – Notre Imogène (Sylvain Madigan) – 1991  Navarro : Mort clinique (Gérard Marx) – Strangers dans la nuit (Sylvain Madigan) – C’est quoi ce petit boulot (Michel Berny) – Aldo tous risques : Mascarade (Michel Lang) – 1992  Aldo tous risques : La guigne (Michel Lang) – 1993  L’affaire Seznec (Yves Boisset) – Charlemagne (Id) (Clive Donner) – Ascension express (Nicolas Ribowski) – 1994  Couchettes express (Luc Béraud) – 1995  Le juge est une femme : Dérive mortelle (Claude Grinberg) – 1996  Le galopin (Serge Korber) – Maigret a peur (Claude Goretta) – 1997  Une femme en blanc (Aline Issermann) – Navarro : Le parfum du danger (Nicolas Ribowski) – Un et un font six : Crise de confiance (Franck Appréderis) – Un et un fonx six : Ca passe ou ça casse (Franck Appréderis) – 1998  Une grosse bouchée d’amour (Michaëlla Watteaux) – Venise est une femme (Jean-Pierre Vergne) – 2000  Marc Eliot : Ces flics qu’on dit sauvage (Patrick Jamain) – 2001  Thérèse et Léon (Claude Goretta) – La mort est rousse (Christian Faure) – 2002  La kiné : Double drame (Aline Issermann) – 2003  Cogip 2000) (Nicolas & Bruno) – Louis Page : Un enfant en danger (Chantal Picault) – 2006  Sartre, l’âge des passions (Claude Goretta) – 2008  Central nuit : Comme des soeurs (Olivier Barma) – 2009  L’éloignement (Emmanuel Murat, captation en direct) – 2010  Les Bleus : premiers pas dans la police (Chambre avec vue) (Olivier Barma) – 2012  Trafics (Olivier Barma & Laure Diaz, série) – Fais pas ci, fais pas ça (Saison 5) (Gabriel Julien-Laferrière) – 2013  Kaboul Kitchen (Frédéric Berthe & Frédéric Belekjdian).

Dernière mise à jour du 12/10/2013