Je me souviens d’un article des Cahiers du Cinéma de 2002, concernant le tournage du dernier film de Michelangelo Antonioni. On sait depuis que ce film est une initiative des producteurs d’utiliser le prestige du cinéaste, en rajoutant à cet inachevé deux autres épisodes, Pedro Almodovar était d’ailleurs envisagé. Nous avons donc à faire à un produit manufacturé un poil racoleur, continuant la mode assez nostalgique des années 60 des films à sketches.

La condescendance de la critique envers « Il filo pericoloso delle cose », l’épisode d’Antonioni, est curieuse, comme si son mutisme dans la vie et son grand âge l’avait privé de son talent. Il n’en est rien, l’acuité de son regard est intacte, les deux comédiennes : Regina Nemni et Luisa Ranieri sont d’une sensualité sans artifices. Le cadrage des lieux et la description d’un couple qui s’étiole, nous donne l’envie d’en voir plus. On retrouve Christopher Buchholz, dont j’avais apprécié la lucidité sur son métier lors d’une avant-première en 2001 du film d’Yvan Gauthier « Les aliénés », mais que l’on ne voit que trop rarement sur nos écrans. Cette œuvre d’Antonioni me semble le meilleur de l’ensemble.

Luisa Ranieri et Christopher Buchholz dans « Éros »

« Equilibrium », le sketch de Soderbergh est loin d’être déshonorant, exercice de style certes, mais efficace, avec en prime un acteur simplement génial Alan Arkin, qui arrive à composer un truculent psychiatre voyeur, continuant la conversation avec son patient – Robert Downey Jr, assez déglingué -, tout en organisant son vice.

Wong Kar-Waï retrouve avec « La main » un style certes plus concis que son 2046, une sensualité, dans dévoiler un morceau de chair, jouant sur le fétichisme des étoffes,  mais on ne peut pas parler de renouvellement. On pense évidemment à « In The Mood for love ». L’obsession d’un amour retenu plus forte qu’un amour vécu est saisissante. La description d’une frustration du jeune tailleur– à l’exemple des bruits de coïts entendus à travers les murs à travers les murs . Dans le rôle de l’aimée, une courtisane, Gong Li est sublime de beauté. Las, le tout me semble l’œuvre d’un cinéaste doué mais auto-aveuglé par la persistance de son talent, en nous distillant un ennui poli. Ce n’est donc pas le chef d’œuvre annoncé finalement. L’ensemble est à classer dans la rubrique film hybride mais intéressant.