Danielle Godet dans « Un couple » (Jean-Pierre Mocky, 1960)

 

 

Yvan Foucart après son portrait de Maurice Régamey, nous fait l’amitié une nouvelle fois  de rendre hommage suite au décès de la comédienne Danielle Godet. 

 

Danielle  GODET : Un chemin parsemé de roses et d’épines

 

Parisienne, Danielle naît le 30 janvier 1927 non loin de la place de la Nation, fille d’un papa industriel et d’une maman au foyer, pianiste douée et fervente des musiques de Ravel et de Debussy en particulier, lesquelles berceront  toute la douce enfance de Danielle, encore Dany.

Encouragée par sa maman, Danielle lorgnant davantage vers la scène de l’Opéra, se retrouve néanmoins, suivant le vœu et l’insistance maternelle, devant un clavier de piano et suit les cours privés d’un professeur à domicile. Elle brille honorablement au Concours Léopold Belland à la salle Gaveau et sort avec un premier prix, il est vrai de satisfaction.

La guerre éclate, le père étant mobilisé, s’empresse de mettre toute sa petite famille agrandie d’un petit frère pour Danielle, à l’abri dans la zone libre.

Démobilisé, le père revenu à Paris, Danielle entre en sixième au Lycée Hélène Boucher du Cours Vincennes à Paris.

A 14 ans, n’ayant pas renoncé aux entrechats et aux fouettés, elle entre dans un cours de danse classique ayant comme compagnes et voisines de barre, Brigitte Auber et Christiane Minnazolli.

Plus tard, une amie l’entraîne aux cours d’art dramatique donnés par Jean Martinelli et Marie Ventura, deux éminents sociétaires de la Comédie Française.

Elle a seize ans, renonce à la danse, se concentre sur ses études de philo, obtient le bac de justesse et se rapproche dès l’année suivante du théâtre.  Elle fréquente les cours de René Simon où ses condisciples s’appellent Pierre Mondy, Robert Hossein, Geneviève Page et Marcelle Derrien.

Elle se trouve par ailleurs en compétition avec cette dernière pour le principal rôle féminin de l’hommage au cinématographe muet que rend René Clair avec Le silence est d’or. Finalement, c’est Marcelle Derrien qui obtient le rôle et le cinéaste lui offre un maigre rôle de consolation ainsi qu’une réplique à Maurice Chevalier dans l’un de ses meilleurs rôles dramatiques.  

L’année suivante s’annonce sous de meilleurs auspices car Alexandre Esway, réalisateur d’origine hongroise ayant commencé sa carrière en Angleterre avant de la poursuivre de l’autre côté du Channel, lui fait confiance et la dirige dans le rôle principal de L’idole auprès d’Yves Montand. Esway est satisfait, mais son film ne récolte qu’un succès très mitigé, ce qui incite Danielle à retourner chez René Simon afin d’y parfaire ses connaissances.

Henri-Georges Clouzot prépare Manon et Danielle est l’une des prétendantes avec Dany Robin et Cécile Aubry. C’est cette dernière qui hérite du rôle et des exactions bien connues de l’exigeant cinéaste.

A défaut, elle fait partie de la distribution de J’irai cracher sur vos tombes, le pamphlet polémiste de Boris Vian au Théâtre Verlaine. A ses côtés, entre autres : Daniel Ivernel, Christian Marquand, Véra Norman et Jacqueline Pierreux.

Remarquée par Alexandre Korda, celui-ci lui demande de rejoindre ses studios de  Londres pour The Elusive Pimpernel et y tenir le rôle d’une jeune aristocrate française sauvée de la guillotine auprès de David Niven et de Margaret Leighton. La presse anglaise apprécie son interprétation et lors de la « Royal Performance », tenue un peu plus tard comme c’est la tradition en présence de la reine et du prince consort, la surnomme « new Madeleine », allusion très flatteuse à l’actrice américaine très populaire sur l’île, Madeleine Carroll.

Elle gagne l’Italie pour Taxi de nuit qui marque sa rencontre avec Philippe Lemaire, le sémillant jeune premier de l’époque, qu’elle retrouve l’année suivante pour Nous irons à Monte-Carlo, la suite voulue par Jean Boyer et Ray Ventura eu égard à l’immense succès populaire que fut Nous irons à Paris.

Seulement voilà, les deux complices ne retrouvent pas la magie du précédent, et si le public regrette l’absence de Françoise Arnoul dans cette mouture, il fait néanmoins la connaissance d’une elfe bien craquante et jolie, mais dont il ne discerne pas encore l’aura qu’elle va immanquablement dégager sur le cinéma international. Cette gracieuse sylphide qui ravit Danielle n’est autre qu’Audrey Hepburn.

Danielle enchaîne avec Les trois mousquetaires version Hunebelle pour laquelle elle interprète la toute douce Constance Bonacieux auprès d’un autre séducteur, encore et toujours jeune premier,  Georges Marchal.

Suit une vingtaine de films, des comédies, bonnes et mauvaises : Ces sacrées vacances; C’est une fille de Paname (où elle retrouve Philippe Lemaire entre-temps marié et divorcé de Juliette Gréco); Arènes joyeuses avec Fernand Raynaud; des polars, bons et moins bons, parmi une belle brochette de truands de série B : Votre dévoué Blake, Rapt au deuxième bureau ou Y’en a marre (et il y a de quoi) du Belge Yvan Govar, etc.

Par contre, Les honneurs de la guerre un film antimilitariste de Jean Dewever, tourné sur les bords de l’Eure à défaut de la Venise verte près de Niort, lui laisse un très bon souvenir.

Et ce sera le dernier, car la suite n’est vraiment pas en adéquation avec son talent.

La fin des années 50 ne seront pas les meilleures. Insatisfaite de ses films et de ses amours, Danielle broie du noir et se réfugie dans la boisson.

Seule lueur réjouissante, Robert Lamoureux la fait teindre en brune avant de lui faire rejoindre son quatuor de « fringantes pouliches » (dixit Jean-Jacques Gautier) dans sa pièce La brune que voilà aux côtés d’Odette Laure, de Michèle Mercier et de Françoise Brion. La pièce est créée à Bruxelles,  récolte un très large succès reconduit au Théâtre des Variétés à Paris (1958).

Deux ans plus tard, il s’ensuit une version cinématographique que signe l’auteur pour laquelle seule Michèle Mercier retrouve son rôle. Danielle ayant été remplacée par Perrette Pradier.

Un tout dernier film, Joy, une co-production franco-canadienne à la recherche d’un succès comparable à celui d’Emmanuelle lui réserve le rôle de la maman de l’héroïne, Claudia Ury.

Seulement voilà, Serge Bergon alias Bergonzelli n’est pas Just Jaeckin et Claudia, toute ravissante qu’elle soit, n’est qu’une pâle copie de Sylvia Kristel qui, elle-même, n’est qu’une pâle copie de… ?

Le rideau se ferme sur cette réalisation déprimante et pataude et une présence inconsistante chronométrée à deux minutes et vingt secondes. Pour Danielle, ce n’est évidemment pas la meilleure sortie. Quoi qu’il en soit, sa carrière est définitivement close.

Une fin injustement imméritée. A 56 ans, meurtrie par les blessures et les dépressions, le beau diamant a perdu de son éclat.

Loin des paillettes du show-biz, du miroir aux alouettes, elle s’enfonce, repliée et recluse, dans la déprime et l’oubli quasi total.

On n’entendra plus jamais parler d’elle, même pas de sa façon la plus discrète de nous quitter en Ile-de-France, victime de sa longue maladie.

Heureusement, il nous reste le souvenir romanesque de la douce Constance telle que nous l’avait imaginée Alexandre Dumas père…

 

@   Yvan Foucart (Dictionnaire des comédiens français disparus) + source, entre autres « Si tu n’es pas gentille tu ne feras pas de cinéma » (Ed. France-Empire, 1981)

 

 

Danielle GODET et de Jean RAYMOND lors de la version théâtrale de « Les hommes préfèrent les blondes » au Théâtre des Arts à Paris

 

Filmographie : 1942  L’homme sans nom (Léon Mathot) – 1945 L’idiot (Georges Lampin) – 1946  Ploum ploum tra la la (Robert Hennion) – Le silence est d’or (René Clair) – 1947  L’idole  (Alexandre Esway) – 1948 Une femme par jour (Jean Boyer) – The Elusive Pimpernel / Le chevalier de Londres (Michael Powell et Emeric Pressburger) – 1949 La souricière (Henri Calef) – 1950  Taxi di notte / Taxi de nuit (Carmine Gallone) – Identité judiciaire (Hervé Bromberger) – 1951  Nous irons à Monte-Carlo (Jean Boyer) – Monte Carlo baby, version anglaise du précédent (Jean Boyer et Lester Fuller) – 1952  Quitte ou double (Robert Vernay) – 1953 Les trois mousquetaires (André Hunebelle) – Boum sur Paris (Maurice de Canonge) – L’aventurier de Séville (Ladislas Vajda) – 1954  Votre dévoué Blake (Jean Laviron) – Chéri-Bibi (Marcello Pagliero) – 1955  Ces sacrées vacances (Robert Vernay) – 1956 C’est une fille de Paname (Henry Lepage) – 1957 Cuatro en la frontera / De l’or dans la vallée (Antonio Santillán) – Le souffle du désir (Henry Lepage) – Paris clandestins ( Walter Kapps) – Arènes joyeuses (Maurice de Canonge) – 1958  Rapt au deuxième bureau ( Jean Stelli) – Nuits de Pigalle (Georges Jaffé) – Amour, autocar et boîtes de nuit (Walter Kapps) – 1959  Monsieur Suzuki (Robert Vernay) – Y’en a marre / Le gars d’Anvers (Yvan Govar) – La Reina del Tabarin / Mariquita, fille de Tabarin / Mariquita, la belle de Tabarin (Jesus Franco) – 1960 Un couple, de Jean-Pierre Mocky – Le capitaine Fracasse (Pierre Gaspard-Huit) – Les honneurs de la guerre (Jean Dewever) – 1961 Horace 62 (André Versini) – 1962 Autopsia de un criminal / Autopsie d’un criminel (Ricardo Blasco) – El innocente / 6 heures, quai 23 (José Maria Forn) – 1965  Kommisar X : Jagd auf Unbekannt / Le commissaire X traque les chiens verts (Frank Kramer) – Un bellissimo novembre / Ce merveilleux automne (Mauro Bolognini) – 1969  El enigma del ataúd  / Les orgies du Docteur Orloff (Santos Alcocer) – Los amantes de la isla del diablo / Les amants de l’île du diable / Quartier de femmes (Jesus Franco) 1977  Sale rêveur (Jean-Marie Périer) – 1983 Joy (Serge Bergon). Télévision (notamment) : 1955  Captain Gallant of the Foreign Legion :  The lady from Zagora (Jean Yarbrough) – 1969  Minouche (Maurice Fasquel & Rinaldo Bassi) – 1972  Les chemins de pierre (Joseph Drimal) – 1973  Du plomb dans la tête (Roger Dallier) – 1975  Un souper chez Lauzun (Georges Lacombe) – 1978  Les héritiers : Photos de famille (Juan Luis Buñuel) – 1980  Fantômas : Le mort qui tue (Juan Luis Buñuel) – 1982  De bien étranges affaires : Un homme ordinaire (Juan Luis Buñuel) – 1983  La route inconnue (Jean Dewever).