L’annonce de la diffusion de « Bon voyage » sur France 2, ce dimanche 17 avril me ramène trois ans en arrière… C’était à Bordeaux, lieu propice aux tournages que débutait le septième film (en 35 ans !), de Jean-Paul Rappeneau, « Bon voyage ».

Réputé pour son perfectionnisme on lui doit « La vie de château » (1966), « Les mariés de l’an II » (1970), « Le sauvage » (1975), « Tout feu, tout flamme » (1981), « Cyrano de Bergerac » (1990) et « Le hussard sur le toit » (1995).

Pour avoir rencontré, un jour, l’ingénieur du son Pierre Gamet – au CV prestigieux, il a tourné avec Resnais, Truffaut, Pialat, Corneau, etc… -,  ainsi que son assistant le très simpathique Bernard Chaumeil, j’ai pu être témoin du début de ce tournage.

L’histoire en Mai 1940, un homme (Grégori Dérangère, excellent dans « La chambre des officiers » et « Mille Millièmes », alors que de nombreux réfugiés se retrouvent à Bordeaux, devra choisir son amour entre une actrice en fuite pour avoir assassiné son amant, et une étudiante résistante (Virginie Ledoyen), au cœur de l’aventure de la « bataille de l’eau lourde » .

Peter Coyotte, en dignitaire américain, Gérard Depardieu, en ministre, Yvan Attal en combinard, Michel Vuillermoz et Edith Scob, complétent la distribution.

Isabelle Adjani

L’histoire bien que dramatique prend une tournure de comédie, comme souvent chez Rappeneau. Homme massif, précis, il dirige son monde avec maestria, malgré les difficultés d’un tournage au cœur de Bordeaux (Le jardin public, l’Opéra), et un temps peu clément, le son direct étant privilégié. Mais François Truffaut définissait le cinéma comme l’art des contraintes. La reconstitution de l ‘ambiance inquiète et la précipitation générale est surprenante – Le moindre détail, sans doute invisible à l’écran est étudié, un fromager de poche, par exemple -, le dialogue est digne d’une partition musicale.

Isabelle Adjani est forcément sublime – son personnage est inspiré de l’actrice Mireille Balin, partenaire de Jean Gabin dans « Gueule d’amour » -. Elle se montrait détentue , évitant par contre le regard du public. Croiser son regard au détour d’un travelling, vous donne une drôle d’émotion – Bien qu’ayant raté le seul jour de tournage de Gérard Depardieu -seule  une de mes collègues avait vu son « nez » au détour d’un immeuble, il tournait dans son quartier -,  j’ai vu une Virginie Ledoyen radieuse, Peter Coyote d’une disponibilité rare et Grégori Dérangère (le James Stewart français selon Rappeneau) devait trouver avec ce rôle confirmation de son talent. Yvan Attal, discret venait observer le travail de Jean-Paul Rappeneau, les jours où il ne travaillait pas. Il excelle dans son rôle de débrouillard face à l’adversité.

Le moindre second rôle est formidable, tel Patrick De Guillebon (le mari de Judith Godrèche dans « L’auberge espagnole », il était assez nerveux avant les prises, Michel Vuillermoz, ludion, pouvant apporter à Jean-Paul Rappeneau, son univers ou le « local de l’étape » Daniel Villattes de Langon, 70 ans, qui avec humour déclare « quand on a besoin d’un vieux schnock, on fait appel à moi ».

Il y aurait beaucoup à dire mon souvenir sur ce petit morceau de tournage, du brio des techniciens à l’amabilité des cascadeurs, Olivier Vitrant, Patrick Médioni, Gilles Conseil, Michel Carliez, Michel Julienne. Il faudrait faire un site ou un livre sur ces prolifiques discrets… Les figurants avaient une docilité et une patience d’ange. Sauf un, suffisant, terne et obscur, déclarant avoir critiqué devant lui, le formidable Michel Boujenah, sur le tournage d’un épisode de « Mathieu Corot ». L’aigreur aide à dire des conneries (Ce que je peux aisément reprendre à mon compte).

J’avais pu discuter un peu avec Jean-Paul Rappeneau, sa manière d’être encore insatisfait de ces anciens films et comprenant Claude Sautet remontant encore ces films à la fin de sa vie.

La comédie ses lettres de noblesse grâce à des gens comme Jean-Paul Rappeneau, qui garde une humilité sur son œuvre, et si le rire est définit souvent comme malséant. Ce fut une des belles surprises de 2003.

L’acuité du regard de Jean-Paul Rappeneau vers un ciel grisâtre, reste pour moi un formidable souvenir.