Avant-première, ce jeudi 1 Juin, à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux d’ « Avril » premier long-métrage du réalisateur Gérald Hustache-Mathieu, en sa présence, et celles de Sophie Quinton, Clément Sibony et de la productrice Isabelle Madelaine. Le film est une bouffée d’air frais dans le tout venant du cinéma français. Avril est une jeune novice, qui s’apprête à prononcer ses vœux dans un austère couvent. Enfant trouvée, elle avait été confiée à une petite communauté rigoriste de religieuses. Sœur Dominique – Miou-Miou remarquable, quittant une résignation subir pour se rebeller sans heurts – qui a remarqué son talent de peintre. Avril dessine dans des missels, elle blanchit les pages avant d’y faire de petits tableaux. Elle n’a connu que ce mode monacal, quasi carcéral, dominée par la personnalité de Mère Marie-Joseph. C’est l’étonnante Geneviève Casile, qui dès son premier plan où elle rattache ses cheveux, campe habilement son personnage. C’est un, mélange d’autorité, aigreur, et autoritarisme. Le petit monde du couvent semble hors du temps, malgré l’égide de son austère mère supérieure. Elles sont toutes solidaires et humaines comme Sœur Céleste, attachante vieille religieuse – Monique Mélinand faisant preuve d’émotion et d’intelligence, son réalisateur l’avait remarquée dans « Le coup de la girafe » -. Avril doit subir un isolement de quinze jours dans une petite chapelle frigorifiante, avant de devenir « ad vitam eternam » religieuse. Sœur Dominique qui instille quelques idées de liberté – à l’image de la fleur « qui ne connaît que son verre d’eau ». Elle a une grande révélation à faire à Avril, avant qu’elle ne fasse son choix… Filmé avec un aplomb et une sensibilité rares dans notre joyeux cinéma hexagonal, plus prompt au formatage ces derniers temps que de faire preuve d’une véritable invention. Son réalisateur Gérald Hustache-Mathieu s’impose dès les premiers plans. J’avais le souvenir d’un ton original dans son court-métrage « Peau de vache », sans avoir vu son autre court « La chatte andalouse », tous deux avec Sophie Quinton récompensée à Clermont-Ferrand, avec un prix d’interprétation pour ce dernier. Elle est pour son auteur une muse, elle ici toujours aussi remarquables après ses prestations ténues dans « La nourrice » ou « Qui a tué Bambi », ou « Poids léger » où elle était la sœur de Nicolas Duvauchelle. On devrait d’ailleurs la retrouver en prostituée dans le prochain film de son réalisateur qui déclare vouloir jouer avec d’autres clichés. Avril va vouloir sortir de son couvent suite à la révélation de son aînée, sans vouloir trop déflorer l’histoire – l’avantage de voir le film en avant-première, car la bande-annonce dévoile beaucoup de l’intrigue -.
Sophie Quiton
Elle va rencontrer un jeune marchand de couleurs itinérant, affable et débrouillard – Nicolas Duvauchelle, avec un personnage plus serein qu’à l’accoutumé mais toujours aussi convaincant -, elle part en Carmargue, à la recherche de son frère jumeau, abandonné en même temps qu’elle. C’est Clément Sibony qui joue ce rôle – curiosité il est né le même jour que Sophie Quinton en juin 1976 -, toujours prompt à jouer avec son image – il était étonnant dans le téléfilm de Serge Moati, vu il y a peu sur Arte « Capitaine des ténèbres », en révolte contre Manuel Blanc. Il vit une aventure homosexuelle décomplexée avec le dynamique Jim, ludion dont la bonne humeur est communicative – Richaud Valls, vu dans quelques rôles ombrageux qui se révèle ici très étonnant, il est selon son réalisateur aussi vif que son personnage. Avril apprend à découvrir le monde, à la manière de petits pas de bébé, même si elle confit que tout va un peu trop vite pour elle… Le réalisateur capte la sensualité de ses personnages, et avec beaucoup de subtilité, montre la découverte d’Avril avec son corps avec beaucoup de finesses, à la découverte du sable, de la vivacité de l’océan – il y a des scènes vraiment magnifiques -. Le film mêle poésie – l’idée inversée de « Fellini Roma » de tableaux qui réapparaissent, beauté picturale – il y a un hommage au peintre Yves Klein avec son tableau « Anthropométrie » -, cocasserie – incroyable Claude Duty en jésuite décalé, que Gérald Hustache-Mathieu avait rencontré lors d’un festival -, ou l’histoire du chien qui conduit – je vous en laisse la surprise -. Le film a une très grande force et cohérence, tout en jouant avec les conventions. Les spectateurs restés après débat ont constaté la grande émotion de son réalisateur, ayant une attention pour chacun et une grande ferveur à défendre son film. On ne peut que saluer l’acuité de ses choix, et du travail sur les sensations, les sons, les voix ou les lieux, où le petit jeu pour mélanger les époques – on met un peu de temps avant de savoir quand se passe l’action -. Pris par la flamme de son personnage, je n’ai donc pas eu le loisir de discuter avec Sophie Quinton, un peu fatiguée car enceinte, ou Clément Sibony pourtant tous très disponibles. La rencontre avec son metteur en scène qui ressemble à son film, complétait un excellent visionnage. Proposé en contre-programmation contre l’overdose footesque de ce mois, la productrice énergique veut privilégier les spectatrices,. Laissez vous tenter par ce film original, il vaut que l’on prenne la peine d’entrer dans un univers attachant. Sortie prochaine le 14 juin.