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Georges Aminel & Benoît Régent – Photo © Claude Angelini

Annonce de la mort de Georges Aminel, le 29 avril dernier, confirmée par François Justamand aux « Gens du cinéma ». Ce comédien, originaire de la Martinique, de son vrai nom Jacques Maline, fut le premier acteur noir à entrer à « La Comédie Française » en 1967,  avant de démissionner en 1972. On l’associe immédiatement à une des voix de notre jeunesse, il la prêta notamment au personnage de dessin-animé du chat Sylvestre dit « Gros minet » composant avec Arlette Thomas en « Titi » un duo mémorable. Il inventa à l’occasion pour cette version française le chuintement et le fameux « Nom d’un chat » qui devait rester dans nos mémoires. Il avait la stature et la tessiture de voix idéale pour doubler des comédiens magistraux comme Vittorio Gassman « Parfum de femme » (Dino Risi, 1974), Yul Brynner, Orson Welles dans « Paris brûle-t-il ? » (René Clément, 1965), « Casino Royale » (version 1967, dans le rôle du « Chiffre ») et  dans « La décade prodigieuse » (Claude Chabrol, 1971) – mais il ne fut pas très satisfait de la latitude laissée par Chabrol pour ce dernier film selon un de ses dernières interview. Il faisait mouche, notamment en doublant plusieurs rôles dans « Le magnifique » (Philippe de Broca, 1973) où il nous régalait de son humour en doublant Vittorio Caprioli, méchant d’opérette mais aussi Hans Meyer jouant un espion très sérieux. Dans « Tendre voyou » (Jean Becker, 1966), il alterne deux voix différentes dans une même scène de bateau, passant d’un marin noir au commandant du navire allemand, montrant ainsi ses grandes capacités. On lui reprochait parfois de détourner certains doublages à l’instar de celui de Ron Ely dans « Doc Savage arrive » (Michael Anderson, 1975). En apportant une voix « zézéyante », inexistante en V.O. ? il a donné une réputation de « Nanar » à ce film qui n’en méritait pas temps (Source Wikipédia et Nanarland). Il succéda même à François Chaumette pour trois des volets de la saga de « La guerre des étoiles », pour nous donner des frissons en « Dark Vador » VF, on ne peut que lui tirer notre chapeau, car la voix originale de James Earl Jones dans ce rôle était exceptionnelle. Pour la petite histoire c’est grâce à la ferveur de ses fans, qu’il avait pu reprendre en 2005, en une heure de temps, cette voix française « Star Wars 3 – La Revanche des Sith ». Vous pouvez retrouver quelques uns de ses plus célèbres doublages dans un des sujets du forum de « La gazette du doublage ».Le cinéma ne lui a hélas pas laissé beaucoup de place comme comédien. On le reconnaît dans un banquet d’étudiants fauchés dans « L’ange de la nuit » (1942), aux côtés d’une autre débutante Simone Signoret. On peut retenir aussi l’avocat mal à l’aise de « Chiens perdus sans collier » (Jean Delannoy, 1956), et l’apprenti dictateur noir dans le curieux « Popsy Pop » (Jean Herman, 1970), où il avait la chance de jouer avec une Claudia Cardinale au sommet de sa beauté. Il a un très joli rôle dans « Les amants de demain » (Marcel Blistène, 1957) qui vient de sortir en DVD chez René Château. Il est très touchant en client habituel du café tenu par Raymond Souplex. Toujours bien habillé, il est à la recherche d’un emploi, sans succès. Il évite de prendre la parole avec son accent créole, on comprend très vite que s’il est toléré, on le laisse en fait à l’écart. On sent dans son personnage une infinie tristesse et une grande détresse, quand il se voit refuser le sourire d’un enfant alors qu’il lui ramasse un jouet, ou quand il essaie discrètement de ramasser un mégot de cigarette, n’ayant plus d’argent. Il aura une grande gratitude auprès du personnage joué par Michel Auclair, qui venu de l’extérieur lui donne un peu d’attention. L’ironie toujours distinguée qu’il donnait à sa voix grave, restera durablement dans l’inconscient collectif de plusieurs générations. Un formidable serviteur du monde doublage, dont les fans déploreront sa disparition. A lire un entretien de lui par François Justamand pour « Objectif cinéma ».

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Filmographie établie avec Armel de Lorme : 1942  L’ange de la nuit (André Berthomieu) – 1943  Le ciel est à vous (Jean Grémillon) – 1944  La cage aux rossignols (Jean Dréville) – 1946  Le cabaret du grand large (René Jayet) – 1954  Le tournant dangereux (René Jayet) – 1955  Chiens perdus sans collier (Jean Delannoy) – 1956  À la Jamaïque (André Berthomieu) – La loi des rues (Ralph Habib) – 1957  Cargaison blanche (Georges Lacombe) – Les amants de demain (Marcel Blistène) – 1960  Le Sahara brûle (Michel Gast) – 1962  Ame qui vive (Jean Dasque, CM) – 1970  Popsy Pop (Jean Herman) – Docteur Caraïbes / L’homme à l’albatros (Jean-Pierre Decourt, sortie en salles des 3 premiers épisodes de la série TV homonyme) – 1971  Les portes de feu (Claude Bernard-Aubert) – 1972  Les tueurs fous (Boris Szulzinger) – 1975  La grande récré (Claude Pierson) – 1977  La vie parisienne (Christian-Jaque) – 1989  Jean Galmot, aventurier (Alain Maline, version longue TV seulement). Nota : Il n’apparaît pas dans les copies existantes des films suivants : 1956  « Porte des Lilas » (René Clair, 1956) et « Le soleil des voyous » (Jean Delannoy, 1966) – dans ce film le rôle du commissaire Leduc est en fait joué par Bernard Charlan – , titres crédités dans les catalogues de Raymond Chirat. Télévision (notamment) : 1956  Les énigmes de l’Histoire : L’énigme du Temple (Guy Lessertisseur) – 1956  Les énigmes de l’Histoire : L’énigme de la Mary Celeste (Stellio Lorenzi) – 1960  Rive droite (Jean-Paul Carrère, divertissement) – 1964  La puissance et la gloire (Claude Barma) – Bayard : Ludovic le More (Claude Pierson) – 1966  Comment ne pas épouser un milliardaire (Roger [Lazare] Iglèsis, série) – 1967  La vie parisienne (Yves-André Hubert) – 1969  Comédie Française : L’émigré de Brisbane (Jean Pignol) – Judith (Robert Maurice) – 1970  Reportages sur un squelette ou Masques et bergamasques (Michel Mitrani) – 1973  Docteur Caraïbes (Jean-Pierre Decourt, série) – Au théâtre ce soir : La tête des autres (Pierre Sabbagh) – 1977  Messieurs les jurés : L’affaire Beauquesne (Frédéric Witta) – 1979  Messieurs les jurés : L’affaire Coublanc (Dominique Giuliani) – 1980  Histoires étranges : La mort amoureuse (Peter Kassovitz) – Le séquestré (Guy Joré) – 1983  Clémentine (Roger Kahane) – 1993  Le siècle des lumières (Humberto Solás).

Voxographie succincte : 1954  Fortune carrée (Bernard Borderie, doublage) – 1959  Les seigneurs de la forêt ( Henry Brandt & Heinz Sielmann , voix du récitant) – 1962  Histoires africaines (Denise Charvein, série TV documentaire, récitant) – Stvoreni sveta (La création du monde)  (Eduard Hofman, animation, voix française) – 1963  L’inconnue de Hong Kong (Jacques Poitrenaud, doublages) – 1964  Moukenge (Denise Charvein, CM documentaire, récitant) – 1966  Tendre voyou (Jean Becker, doublages) – 1969  D’Artagnan (Claude Barma, série TV, voix française de Porthos) – 1975  Tarzan, la honte de la jungle (Picha et Boris Szulzinger, animation) – 1976  Drôles de zèbres (Guy Lux, voix clin d’œil de « Gros minet ») – 1980  The missing link (Le chaînon manquant) (Picha, animation) – Mama Dracula (Boris Szulzinger, voix du récitant) – 1983  Mickey’s Christmas Carol (Le Noël de Mickey) (Bunny Mattinson, version française) – 1986  Big Bang (Picha, animation).

 

ARTICLE Source : AFRICULTURES

Georges Aminel a tiré sa dernière révérence, par Sylvie Chalayepublié le 22/05/2007

Premier acteur noir à entrer au Français, Georges Aminel vient de disparaître à l’âge de 84 ans. Il faisait partie de ces comédiens sans visage que la télévision a fabriqué dans l’ombre du cinéma américain et de ses stars auxquelles il fallait bien donner des voix françaises. On a oublié les traits de l’acteur, mais le timbre de sa voix est resté dans l’oreille de nombreux spectateurs. Qui ne connaît les chuintements de Gros minet ou la magistrale inflexion de la voix française d’Orson Welles ou de Yul Brynner ? Georges Aminel avait du tempérament et une voix profonde qui traduisait parfaitement sa noblesse d’âme et sa hauteur. Fier et entier, il n’avait fait aucune concession à ce métier, où pendant longtemps les acteurs « basanés » étaient restés limités dans des emplois qui correspondaient à leur couleur, et il préféra, dans les années 70, tirer sa révérence et assumer dans l’ombre le jeu d’un acteur qui donne sa voix, mais dont on ne sait rien de la couleur. Il eut ainsi la carrière paradoxale d’un comédien qui connut les feux de la rampe de la Comédie-Française, mais qui eut le courage de démissionner, plutôt que d’être enfermé dans l’image de l’Autre qu’on voulait lui faire systématiquement jouer.

Né à Clichy en 1922, d’un père martiniquais et d’une mère parisienne, Georges Aminel connaît la notoriété en 1954, quand Yves Jamiaque lui confie le rôle de Bistouri dans Negro Spiritual, le médecin philosophe qui ramène ses frères à la raison, et les empêche de commettre un meurtre, et même si la pièce n’est pas un succès, la critique salue avec enthousiasme sa prestation d’acteur.

Jacques Maline (*), qui avait pris le nom de Georges Aminel, avait commencé sa carrière dix ans plus tôt en jouant d’abord de petits rôles : ici un Polynésien muet dans Faux jour de Closson au Théâtre de l’Oeuvre (1941), là un vieux nègre illuminé dans Sud de Julien Green au Théâtre de l’Athénée, ou un gentil sauvage dans une robinsonade (Robinson de Supervielle en 1952). Dès ces années-là, Aminel n’hésitera pas à dénoncer dans la presse la difficulté que rencontraient alors les acteurs noirs : « On rejette les gens de couleur parce qu’ils risquent de vous apporter des ennuis. Il n’y a pas de pièce pour eux. Celles qui ont été montées sont tombées à plat. ». (1)

En 1958, Jean Louis Barrault l’engage, il joue dans Le Soulier de satin, La Vie parisienne, Madame Sans-Gêne… En 1963 Pierre Debauche fait appel à lui pour le rôle d’Holopherne dans Judith de Hebbel, qu’il tournera ensuite pour la télévision avec Maurice Garrel, Pierre Arditi et Evelyne Istria, puis Raymond Rouleau lui donne le rôle d’Alexandre de Médicis dans son Lorenzzaccio. Enfin, ce sera le duc d’York dans Henri VI de Shakespeare que Jean-Louis Barrault monte à l’Odéon. Georges Aminel est alors remarqué par Jacques Charon et Maurice Escande qui l’engagent à la Comédie-Française en 1967, où il sera le premier acteur de couleur. Son premier rôle est celui de Picaluga dans L’Emigré de Brisbane de Georges Shéhadé. Il joua ensuite Pyrrhus dans Andromaque, Don Gormas dans Le Cid, Joad dans Athalie. Il fut un extraordinaire Malatesta, en 1970, dans la pièce de Montherlant.

Il tourna aussi au cinéma pour Claude Bernard-Aubert dans « Les portes de feu » en 1971, à côté d’Annie Cordy et Dany Carrel. Il participa à plusieurs feuilletons populaires à la télévision comme « Le temps des copains » ou « Comment ne pas épouser un milliardaire ».

En 1972, Georges Aminel incarne Oedipe dans une mise en scène de Jean-Paul Roussillon. La pièce est fortement décriée par la critique et on remplace Aminel par Claude Giraud. Bien qu’il fût à quelques jours de devenir pensionnaire [En fait sociétaire, voix commentaires] de la Comédie-Française, George Aminel, démissionna. Déçu par les rôles qu’on lui proposait, il finit par quitter la scène une dizaine d’années plus tard et à se consacrer au doublage. En 1979, avant de renoncer au théâtre, il confiait à Marion Thébaud lors d’un entretien pour le Figaro : « Je suis trop blanc, trop noir, le cheveu trop crépu ou pas assez. Bref, des amis qui me veulent du bien me demandent pourquoi je ne joue pas Othello mais jamais pourquoi je n’interprète pas Macbeth. C’est bien simple, j’ai passé mon temps à me barbouiller et à prendre un accent. Les faits sont là : j’ai débuté dans un rôle de Polynésien muet et depuis je ne compte pas les personnages de chamelier juif, brésilien ou arabe que j’ai endossés. Alors, si parce que mon père est Antillais, je dois toute ma vie incarner des Sud-Américains explosifs ou des Indigènes fanatiques, je préfère arrêter. » (20/06/1979) 1. Le Figaro littéraire, 25 septembre 1967.

(*) L’article initial donnait par erreur Jacques Lamine, comme son vrai nom.