Un certain dimanche 31 août 1997, la princesse Diana succombe à un accident de voiture survenu sous le pont de l’Alma. La popularité de cette personnalité est si importante, que la planète entière se met à la pleurer. Tony Blair- Michael Sheen – qui jouit d’une grande popularité, depuis sa récente élection comme « prime minister », pressent le phénomène. Il ne gardera pourtant pas cette clairvoyance durant toute sa carrière et le réalisateur nous le fait remarquer avec beaucoup de justesse. Elizabeth II, la reine – Helen Mirren -, confinée dans son château de Balmoral en Écosse, n’appréciait guère le comportement de Diana Spencer. Aussi elle préfère garder le silence, ne se rendant pas comte dans son isolement de l’ampleur de ce mouvement, ce qui choque les Britanniques. Tony Blair, après une prise de contact assez froide, finit par vouloir la convaincre. Dans ce rôle Michael Sheen, avait déjà expérimenté dans un téléfilm « The deal » en 2003, signé pour la télévision par Frears également, le comédien excelle dans un registre matois et arriviste. Son conseiller de communication lui conseille de célébrer cette icône iconoclaste naissante en qualifiant de « Princesse du peuple ». Il conforte ainsi sa côte médiatique. Cette radiographie de la société anglaise, signée Stephen Frears, dans cet épiphonème qui a suivi ce deuil tragique, est ici faite avec beaucoup de mordant. Mais ce n’est pas une satire, il y a réellement un effort de compréhension de découvrir la véritable personnalité de ceux cachés derrière les arcanes du pouvoir et des rites d’un autre âge et d’une rigueur inouïe. La royauté pouvant présenter pour nous un anachronisme pesant, on finit pourtant par ressentir l’attachement des Anglais envers elle. Le scénario de Peter Morgan est particulièrement brillant – il a reçu d’ailleurs l’Osella du scénario lors de la 63ème Mostra de Venise -, même s’il cède parfois à une symbolique un peu lourde, – l’anecdote du cerf, décidément très en vogue en ce moment -. Il montre brillamment l’inconstance de l’opinion publique, et la manipulation roublarde des médias. Évidemment, ça ne manque pas de sel quand on connaît la position actuelle de Tony Blair, dont l’image est désirlaus ternie pour les Anglais. Le Premier ministre est égratigné avec justesse quand la reine mère – Sylvia Syms – évoque son célèbre sourire du « chat du Cheshire » de Lewis Carroll. l faut voir la colère de cette dernière, quand elle voit que la cérémonie funèbre préparée à son intention, finit par servir pour celle qu’elle déteste. Tout ce petit monde est personnifié, avec un réel bonheur, dans ce petit jeu des convenances, James Cromwell – inoubliable interprète de « Six feet under », et américain type – est réjouissant en Prince Philip, réactionnaire à souhait.

Michael Sheen & Helen Mirren

Mais il faut s’attarder sur l’extraordinaire composition, tout en nuances d’Helen Mirren, dans le rôle d’Elizabeth II – elle a reçu la coupe Volpi toujours à Venise. Elle incarne avec beaucoup de justesse le destin exceptionnel de cette reine. Il suffit de faire la comparaison avec traitement poudré et compassé de Golda Meir et Ben Gourion, joués respectivement par Tovah Feldshuh et Ian Holm dans « O Jérusalem », pour souligner ici les mérites de ce film. Helen Mirren trouve l’essence de son personnage, en lui donnant une grande complexité, une noblesse de port, et nous faisant comprendre ce personnage à priori peu discernable à nos yeux.  Il y a une formidable empathie avec son personnage, dont la grande noblesse est la sauvegarde de son sens du devoir. Elle s’humanise malgré les travers d’une hypocrisie construite. Elle est même touchante quand elle finit par voler des moments de liberté au protocole de sécurité, au volant de son vieux véhicule. Tony Blair et elle, s’observe sans vouloir faire trop de concessions, Cherie Blair s’amusant en plus de ce protocole désuet autour de cette souveraine – Helen McCrory d’une drôlerie superbe -. Ils finissent par s’apprécier finalement, dans une idée de partager des intérêts communs. Ils baisseront la garde devant une situation qui les dépasse, Blair finissant même par la défendre la monarque devant son état major, en maugréant après de l’inconstance la princesse Diana, statufiée par l’opinion comme une sainte laïque. Il faut saluer l’audace de vouloir évoquer la vie privée des grands de ce monde, même si on du mal à retrouver le Prince Charles dans l’incarnation d’Alex Jennings, et d’imaginer avec un vérisme certain ce qui se cache derrière la comédie du pouvoir. Frears prouve que l’on peut être vachard, tout en étant respectueux finalement. On est très loin de la grosse farce que l’on pouvait attendre dans le traitement de ce sujet. Stephen Frears de film en film, continue à se renouveler, garde son acuité au monde, aussi bien dans une grosse machinerie américaine que dans un petit budget se passant en Irlande. Derrière le travail de reconstitution minutieux, il arrive à nous faire comprendre ce que représente cette monarchie, pourtant ruineuse, pour les Anglais, ce qui n’est pas une petite affaire. La mise en scène est enjouée, et il arrive, cas extrêmement rare, à faire parfaitement coexister des images d’archives – celles de Lady Di -, et le jeu de comédiens. Il est étonnant de voir que ce réalisateur avec Mme Henderson présente, nous propose deux des meilleurs films de l’année et continue avec une belle constance de nous montrer son grand talent. God Save the Frears !