Agréable surprise avec ce « Munich », évoqué ici tardivement pour cause de migration 20six cataclysmique, et nouvelle preuve de maturité pour son metteur en scène Steven Spielberg, L’atmosphère baignée d’amertume est ici soulignée par la musique de John Williams, et les 164 minutes passent avec aisance. C’est l’adaptation d’un récit partial, « Vengeance of an Israël counter-terrorist team », de George Jonas, journaliste, privilégiant l’optique de « La loi du talion », plutôt que celle d’un commando répressif. Le film évoque une étape importante dans le  conflit israélo-palestinien, des événements suivants la prise d’otages des athlètes israéliens en septembre 1972, lors des Jeux Olympiques de Munich, suivie de représailles du Mossad contre les commanditaires palestiniens. Le récit a déjà connu une adaptation dans le téléfilm « Sword of Gideon », voir fiche IMDB, l’un des derniers rôles de Lino Ventura. Le cinéaste fait l’effort de ne pas prendre parti – d’où de nombreuses polémiques, même si on peut trouver assez improbable les états d’âmes et les dilemmes moraux des agents du Mossad, selon certains témoignages. On peut d’ailleurs lui préférer le regard d’Éric Rochant et ses « Patriotes », à redécouvrir en DVD. Après un départ probant, des athlètes aident les terroristes à franchir les barrières de sécurité, les prenant pour des sportifs fêtard, la film se perd un peu parfois, malgré l’incarnation inspirée de Golda Meir, et la vie de famille du personnage d’Avner. L’interprétation est assez inégale si on peut saluer la sobriété exemplaire d’Eric Bana et de ses compagnons joués par Daniel Craig – le déterminé -, Hanns Zischler – l’intrépide -, Ciarán Hinds – le sentimental – et Mathieu Kassovitz – l’amateur artificier, excellent comédien on le sait -,  on peut donner un gros bémol à  Geoffrey Rush qui nous offre un de ses cabotinages éhontés dont il a le secret, son personnage n’étant jamais crédible, – piquez-lui son Oscar ! – Nombre de comédiens se contentent d’une apparitions furtives (Valérie Bruni-Tedeschi par exemple), même si certains sont remarquables comme Yvan Attal se régalant visiblement dans un numéro pacinien. 

Eric Bana, Matieu Kassovitz, Ciarán Hinds, Hanns Zischler & Daniel Craig

Mais Spielberg fait l’effort d’utiliser une distribution internationale bien choisie – comme le choix de Hiam Abbass devenue consultante sur tout le film -, de faire s’exprimer certains personnages dans leurs langues. – On retrouve l’habilité habituelle de Steven Spielberg, la richesse de la reconstitution – le cinéphile peut s’amuser avec les affiches ciné françaises choisies -, mais aussi ses maladresses, comme celle du désormais célèbre montage parallèle final, à ranger au même plan que la scène de la « douche » dans la « Liste de Schindler ». La vision finale du Wold Trade Center, loin d’être gênante, c’est bien d’un point de vue post 11 septembre, que Spielberg approche le conflit israélo-palestinien, et donc d’un point de vue bien Américain. Mais le réalisateur privilégie l’option de thriller politique, et utilise le suspense, citant même Alfred Hitchcock et son « Sabotage / Agent secret » (1936), en utilisant une enfant face à la menace d’une bombe. D’où quelques problèmes, les agents étant ici soucieux à ce qu’il n’y ait pas de dommages collatéraux – inexacts dans les faits réels -, gare aux dérives romantiques. Mais il y a de très belles scènes, la manipulation d’agents français, membre d’un mystérieux réseau – forts convaincants Mathieu Amalric & Michael Lonsdale, en patriarche hédoniste  -, l’apparition magique de Marie-Josée Croze, ou l’admirable face à face de deux parties adverses qui s’ignorent, ayant une ébauche de conversation, en hauts d’escaliers. Inégal, voire bancal, le discours est assez attendu mais sincère. Le résultat est finalement étonnant quand on pense au très cours délai de post-production, le tournage s’étant terminé en septembre. Ce nouveau virage chez Spielberg augure de projets intéressants et une capacité de renouvellement, de réflexion, malgré ses petits arrangements avec des faits avérés. Reste le message humaniste, la réponse d’un artiste face à un sentiment d’impuissance. Citons d’ailleurs Hiam Abbass : « Plus tard, quand on a tourné l’exécution des otages, un comédien israélien a craqué et j’ai dû m’éloigner un long moment avec lui. J’étais une mère, une soeur, une psychologue. Et j’ai eu un sentiment que j’avais déjà eu sur le tournage de La Fiancée syrienne : que si on transportait ce conflit sur un plateau de cinéma, il n’y aurait plus de conflit. »  (Le monde, 21/01/2006).  « Syriana » sort mercredi prochain, et offre une autre approche sur un problème contemporain, à comparer…