Avant-première hier soir du film « Lord of war », à l’UGC Ciné-Cité Bordeaux, suivi d’un débat passionnant avec trois représentants d’Amnisty International, qui conjointement avec Oxfam et le RAIAL, a lancé la campagne « Contrôlez les armes », voir lien suivant : controlarms.org. Le film d’Andrew Niccol, réalisateur du culte « Bienvenue à Gattaca » (1997), et de « Simone » (2001), n’a pas réalisé ici un film didactique, mais une farce corrosive et très cinglante. Inspiré de faits réels, ce film est très documenté. Il narre l’histoire de Yuri Orlov – joué par Nicolas Cage -, un Ukrainien, qui est arrivé aux États-Unis avec ses parents qui se sont fait passer pour des émigrants juifs. Lui et son jeune frère Vitaly – Jared Leto – travaillent dans le petit restaurant familial de « Little Odessa ».Il a la révélation de sa vie, au début des années 80, en assistant à un règlement de compte sanglant. Il décide de faire commerce dans les armes. Il devient très vite un trafiquant international, doué pour les langues et ayant un sang froid à toute épreuve, il devient très vite par sa réactivité, son ingéniosité et son sens de la négociation, un courtier en armes prisé des dictatures. Il s’offre même le luxe de rencontrer le fantasme de sa jeunesse, Ava – Bridget Moynaham -, un mannequin international, de la même origine que lui. Il s’organise très vite, malgré un concurrent très installé Simeon Weisz, qui le méprise – Ian Holm, tout en retenue -, la détermination d’un agent d’Interpol, le trop probe Jack Valentine – Ethan Hawke, déjà présent dans « Bienvenue à Gattaca » -, qui le poursuit obstinément, et les rapports avec un dictateur africain, André Baptiste Sr, cruel et sadique, et qui représente une sorte de reflet moins respectable. Vitaly nostalgique de l’Ukraine, sombre dans la drogue – nouvelle déclinaison pour Jared Leto, de son rôle dans « Requiem of a dream » -.
Nicolas Cage
Respectabilité, Yuri se sent invincible, trouve des parades dans les vides juridiques pour déjouer les problèmes, sa petite famille ne se posant pas trop de questions quant à sa fortune. On suit l’histoire à travers le regard de son personnage amoral, de 1982 à 2001, joué avec la folie nécessaire par l’impressionnant Nicolas Cage, en suivant ses contradictions, son côté ignoble assumé, et son cynisme exacerbé, relaté par lui-même souvent en voix off. Le texte est formidablement écrit, de la nécessité de commencer une relation amoureuse par un mensonge, alors qu’il en est l’apanage obligatoire à la fin, ou du témoignage de ne pas avoir vendu d’armes à Ben Laden, dans les années 80, car il avait la réputation de faire des chèques en bois. On suit ce trafic qui nous rappelle vérités – le personnage est inspiré de 5 trafiquants réels -, l’essor de la vente d’armes à la fin de la guerre froide, et une vision acerbe des dictatures des pays africains. Le film, très critique avec les États Unis – nous rappelant au passage que la France est le troisième exportateur mondial d’armes -, a eu énormément de difficultés à se monter, les comédiens ont accepté un effort financier, et c’est l’apport d’un Français, le producteur Philippe Rousselet qui a permis au film de se monter. Le tournage a d’ailleurs débuté en pleine guerre en Irak. C’est un film qui fait froid dans le dos, sans que l’intérêt ne baisse à aucun instant, ainsi qu’un portrait à charge de ceux qui ne veulent pas savoir. L’humour noir omniprésent, aide à réfléchir sur une situation planétaire particulièrement dramatique. Une œuvre très documentée, à la fois divertissante et nécessaire. Sortie le 4 janvier 2006.