La trop rare Catherine Lachens en prostituée scande son dialogue de manière musicale, face à sa fille qui lui répond en chantant… Un « robin des bois » mutique donne de l’argent à des pauvres, et un réalisateur cherche un financement pour continuer son film « La guêpe », sur un boulanger drogué et fatigué. Le metteur en scène c’est Paul Vecchiali, qui voit son vingtième refus de la commission de l’avance sur recettes. Suite à une réflexion de sa femme, il décide de dezinguer ses 9 membres. « À vot’ bon coeur » est un film comme il le qualifie lui-même « sauvage ». Après avoir lu un de ses articles dans libération, évoqué ici même il y a peu, on pouvait craindre de la rancoeur mais il en est rien au contraire. Vecchiali avec l’aide de sa fidèle troupe, déconstruit son film tourné en 2003 et présenté à Cannes l’an dernier, à la Quinzaine des réalisateurs. Avec peu de moyens, il laisse Noël Simsolo analyser sans complaisance l’une de ses scènes de film. Il se livre à une pamphlet sur l’état actuel du financement du cinéma, qui est juste – Jean-Claude Guiguet, inspiré par lui n’a pas pu monter son dernier film, Jacques Doillon a du mal à tourner… -. Cet électron libre déplore qu’un certain artisanat ne peut perdurer désormais, à cause de la frilosité des télévisions et de la commission de l’avance sur recette – béquille nécessaire aux films d’auteurs typiquement française -. Cet auteur aussi inventif qui a aidé Jean-Claude Biette, Guiguet, Simsolo, Marie-Claude Treilhou – ici en membre de la commission sur recette -, Gérard Frot-Coutaz, Jacques Davila, etc…, n’a plus la possibilité de tourner, comme il le souhaite.

Françoise Lebrun & Paul Vecchiali

La narration vole ici en éclat, il y a une série de chansons – à la manière des films des années 30 français nourricier pour cet auteur – et un bel hommage à Jacques Demy – « Le prince de naguère/n’habite plus rue Daguerre » chante Françoise Lebrun. Le film est très plaisant, nostalgique mais vivant. On retrouve avec bonheur, Hélène Surgère en concierge amoureuse des chapeaux, Béatrice Bruno – inchangée depuis 20 ans – en suiveuse du voleur, flanquée de son grand-père triste – El Kébir -, Jacqueline Danno en femme triste, Jean-Christophe Bouvet, Jacques Le Glou – producteur du film – et le revenant Michel Delahaye ricanant, en membres de la commission dans une scène cinglante, etc…. Par amitié il y a plein d’habitués de Nicolas Silberg et Patrick Raynal en journalistes ou Fabienne Babe en amoureuse… Une distribution remarquable, dont il faut saluer la venue d’Elsa Lepoivre. Paul Vecchiali titube à la fin du film comme Belmondo dans « À bout de souffle », mais Françoise Lebrun livre un monologue – « La maman et la putain » revient à notre mémoire – poignant et plein d’espoir. Un certain cinéma peut mourir, mais une caméra légère peut faire que l’on peut continuer une oeuvre. Salutaire et ludique, ce film est un beau pied de nez à la médiocrité actuelle.