« Trois couples en quête d’orages » surprend plutôt en bien, Jacques Otzmeguine – sans doute trop marqué par la télévision – n’a guère convaincu au cinéma jusqu’à présent avec « Prunelle blues » (1986) polar ennuyeux avec Michel Boujenah et Vincent Lindon, ou « Une employée modèle » malgré la sensualité de Delphine Rollin et l’excellent François Berléand dans une sombre histoire d’espionnage. Le film doit essentiellement à sa distribution. Ses comédiens sont par trop rares sur le grand écran. Samuel Labarthe a de la chance de retrouver une nouvelle fois l’univers de Lionel Duroy, adapté ici à nouveau après « Priez pour nous » en 1993 où il jouait le mari grand bourgeois de Delphine Rich. Il est ici Olivier, un handicapé, suite à une rupture d’anévrisme, sa nouvelle conquête (La toujours sublime Delphine Rollin) le quitte, alors qu’il venait de quitter sa femme – La toujours juste Clothilde de Bayser – en quête d’une vie moins étriquée. Labarthe est à la hauteur d’un très beau rôle entre résignation et énergie, un beau numéro d’acteur entrant dans la maturité. Aurélien Recoing trouve ici un personnage plus volubile, opposé à l’image monolithique de ces précédents rôles, même si l’ambiguïté de amitié avec Olivier est peut être ici trop surlignée. Moins convainquant, Hippolyte Girardot, ici moins à l’aise que dans la démesure que dans « Rois et reines ». Il peine à nous intéressé à son rôle de mari trompé, obsédé par l’image de son grand-père, figure emblématique d’homme politique, dont il joue avec sa secrétaire – Katia Tchenko, amusée – On peut le préférer dans le formidable « Tango des Rachevski » de Sam Gabarski. On retrouve Steve Suissa inattendu – belle idée – en homme politique arriviste et Jean-Luc Porraz en bureaucrate tatillon.
Claire Nebout et Laurence Côte
Les femmes ont le beau rôle dans ce film et rayonnent par leurs sensualités, de Philippine Leroy-Beaulieu en épouse incomprise en quête de tendresse, Laurence Côte en jeune veuve dynamique –grand retour qu’il faut saluer après son portrait de femme qui se laisse vivre dans « Nos enfants chéris » – et Claire Nebout, en sculptrice sensuelle qui compose avec les déceptions de sa vie.
Ces personnages de quadragénaires sont attachants et subtils, il faut donc voir ce film plus léger que dramatique, et donnant le beau rôle – c’est suffisamment rare pour le signaler – aux femmes. En souhaitant les metteurs en scènes moins frileux pour continuer à faire travailler ces formidables comédiennes.
Article : portrait de Samuel Labarthe, dans « LE FIGARO »
Samuel Labarthe et la crise de la quarantaine par Brigitte Baudin, 27 avril 2005
Il arrive discrètement dans le bar de l’avenue Montaigne,avec quelques minutes d’avance, vêtu d’un
imperméable mastic. Il tient à la main une fine sacoche de cuir fauve dont il extrait un paquet de tabac et du papier transparent. Méthodiquement, il roule une élégante cigarette et la fume délicatement. On le sent tendu, nerveux, toujours en alerte même s’il affiche une certaine décontraction. De bruyants énergumènes entrent et parlent fort. Trop fort. Tout ce que n’aime pas ce Suisse toujours si poli, élégant et réservé. Samuel Labarthe est un écorché vif, un angoissé rongé par le doute et l’incertitude.
C’est pourquoi cet acteur subtil, exigeant ne choisit jamais la facilité.
Au théâtre, il est chaque soir (et jusqu’à l’été ), seul sur la scène du Studio des Champs-Elysées dans Soie, de Alessandro Baricco, un poétique et sensuel voyage, des Cévennes au Japon, à la poursuite d’une femme fantasmatique.
Au cinéma, il campe l’un des protagonistes de Trois couples en quête d’orages de Jacques Otmezguine, une belle histoire d’amitié à la Sautet sur fond de crise de la quarantaine, adaptée du roman de Lionel Duroy (Editions Julliard) et produite par Nelly Kafsky.
Olivier (Samuel Labarthe), Rémi (Aurélien Recoing), Pascale (Philippine Leroy Beaulieu) s’aiment d’amitié tendre depuis l’adolescence et forment avec leurs conjoints, un clan indissoluble. Et voilà qu’Olivier se retrouve brutalement sur un fauteuil à la suite d’un accident vasculaire alors que son couple bat de l’aile. Handicapé, paralysé des jambes, Olivier est recueilli par Rémi et sa femme, la douce et généreuse Estelle (Claire Nebout).
«Olivier est médecin, explique Samuel Labarthe. Il vient de passer le cap de la quarantaine. C’est pour lui le temps du bilan, de la remise en question. Il a envie de tout envoyer balader : famille, travail, copains. D’échapper à la routine avant qu’il ne s’encroûte vraiment. Il fait sa crise d’adolescence tardive. Et puis tout bascule. C’est l’accident. Il doit alors se battre pour quelque chose d’essentiel : vaincre son handicap et tenter de remarcher. Dans cette épreuve, il a la chance de trouver aide et réconfort auprès d’amis fidèles et sincères.»
Habitué des plus grands rôles du répertoire classique et moderne (Prix Gérard Philippe en 1993 pour Ce qui arrive et ce qu’on attend), Samuel Labarthe n’a pas eu, en revanche, cette même chance au cinéma, où son physique de beau gosse élégant aux traits fins ne trouvait pas sa place. Il se rattrape aujourd’hui avec le personnage d’Olivier, pivot de ce film choral.
«Je connais bien l’univers du romancier Lionel Duroy, précise-t-il. J’ai tourné en 1993 Priez pour nous qui était déjà adapté de son oeuvre. Dans le roman Olivier est le personnage central. Tout gravite autour de lui. Là, il participe à l’action au même titre que les autres. Incarner Olivier a été un vrai défi. Et j’aime cela. Il fallait, en effet, que j’apparaisse comme un véritable handicapé, incapable de me mouvoir. Mon comportement, mes gestes, mes attitudes devaient être parfaitement justes. Je suis donc allé à Garches. J’ai rencontré de nombreuses personnes, paralysées à la suite d’un problème vasculaire cérébral, accidentées de la route. J’ai suivi leurs conseils pour travailler le côté physique de mon personnage. C’était une attention, une concentration de tous les instants.»