Dans « Chambre 12, hôtel de Suède »

A l’autre extrémité de la démesure autour de la mort de Michael Jackson, il y a celle très discrète d’Henri-Jacques Huet, mort le 4 juin dernier à l’âge de 79 ans. Nous avons cette information grâce à la vigilance de l’équipe des « Gens du cinéma ». Pascal Aubier dans ses « Mémoires de Gascogne » (éditions « Yellow Now », 1996) avait fait un portrait très juste à son sujet : « …Acteur français vu dans « Le petit soldat », si ce n’est pas lui qui dit que Raoul Coutard est le meilleur opérateur français, c’est en tous les cas lui qui appelle Michel Subor « Mon petit prince ». Par la suite, j’ai souvent donné du « petit prince » à mes amis, et c’est pour ça que Marco appelle ainsi Harvey (1). C’était un ami de ma mère, et je l’ai connu quand il était au TNP. Il avait une Simca et nous a emmenés un jour à l’aube d’Avignon nous baigner en Camargue. Je me souviens, à la même époque de l’avoir vu embrasser à bouche que veux-tu la blonde qui jouait le rôle de la femme de Roland Lesaffre dans « Les tricheurs », c’était devant le Champo et ça m’avait fort impressionné ». On retiendra son côté dandy et désinvolte qu’il donnait à bien de ses personnages. Il suit des cours de comédie auprès de Marguerite Long avant d’entrer au Conservatoire. Il a débuté au cinéma dans la veulerie dans « Le cas du docteur Laurent » , film faisant l’apologie de l’accouchement sans douleurs. Son personnage dominé par sa mère – Orane Demazis –, lâche de manière éhontée Nicole Courcel enceinte de lui puis abandonnée. Il se prend de remords quand sa conduite indigne lui est signifiée, mais rejeté avec véhémence, il se console très vite en partant à la pêche. Le ton est donné pour son parcours étonnant, et dès ses débuts il fait « le grand écart » passant de l’univers de Maurice Cloche à celui de Jean-Luc Godard. Ce dernier lui confie d’ailleurs son rôle le plus célèbre, celui d’Antonio Berrutti, copain de Michel Poicard dans « À bout de souffle ». On le retrouve ému dans le documentaire de Claude Ventura « Chambre 12, hôtel de Suède » de 1993 – disponible dans le DVD du film édité par Studio Canal et diffusé sur « Arte » -, il témoigne de la dernière journée de tournage de la scène culte tournée rue Campagne première à Paris, scène où il aide pour la dernière fois Jean-Paul Belmondo. On le retrouve dans « Le petit soldat » en militant d’extrême-droite maître-chanteur, qui pousse Michel Subor à commettre un meurtre. Odieux et manipulateur, il souhaiterait mourir comme le « Thomas l’imposteur » de Jean Cocteau. Souvent cynique, dragueur invétéré, il est souvent narquois comme dans le rôle d’un membre des F.F.I. qui n’est pas dupe à la Libération, devant un collaborateur joué par Yves Robert. On le retrouve souvent dans des rôles de hâbleurs à l’instar de son apparition dans « Extérieur nuit », où en commanditaire de musique de film, il demande un peu de légèreté à son compositeur campé par Gérard Lanvin. On apprend dans l’excellent « Blog sur le doublage » qu’il a fait beaucoup de doublage, il prêta sa voix au personnage du Comte Yoster dans la série franco-allemande, le « Comte Yoster a bien l’honneur ». Déplorons une fois de plus – refrain connu et archi-rebattu ici – peu d’intérêt des médias sur la mort de ce serviteur du cinéma français.

 

(1) personnages de son film « Le fils de Gascogne ».

Avec Gérard Lanvin dans « Extérieur nuit »

Filmographie : 1954  French Cancan (Jean Renoir) – 1956  Le cas du docteur Laurent (Jean-Paul Le Chanois) – 1957  Marchands de filles (Maurice Cloche) – Filles de nuit (Maurice Cloche) – En cas de malheur (Claude Autant-Lara) – 1958  Prisons de femmes (Maurice Cloche) – Le fric (Maurice Cloche) – Le mal des autres (CM) – 1959  Quand le bâtiment va… (Pierre Simon, voix du Récitant, CM) – À bout de souffle (Jean-Luc Godard) – Austerlitz (Abel Gance) – Un soir sur la plage (Michel Boisrond) – Le petit soldat (Jean-Luc Godard) – À fleur de peau (Claude Bernard-Aubert) – 1961  Conduite à gauche (Guy Lefranc) – Jusqu’à plus soir (Maurice Labro) – 1962  Et Satan conduit le bal (Grisha-M. Dabat) – 1963  O.S.S. 117 se déchaîne (André Hunebelle) – Le commissaire mène l’ enquête [sketch « Fermez la porte »] Fabien Collin & Jacques Delille) – 1966  Le grand restaurant (Jacques Besnard) – 1967 Ciné-girl (ressorti dans un nouveau montage en 1973 sous le titre : Piège à pucelles) (Francis Leroi) – 1968  Le corps de Diane (Jean-Louis Richard) – Slogan (Pierre Grimblat) – 1970  Max et les ferrailleurs (Claude Sautet) – 1971  Le viager (Pierre Tchernia) – 1972  César et Rosalie (Claude Sautet) – Pas folle la guêpe (Jean Delannoy) – 1973  Salut l’artiste (Yves Robert) – 1974  Peur sur la ville (Henri Verneuil) – 1977  Violette Nozière (Claude Chabrol) – 1978  L’amour en question (André Cayatte) – New Generation (Jean-Pierre Lowf-Legoff) – 1979  Je vais craquer (François Leterrier) – Extérieur nuit (Jacques Bral) – 1980  Les malheurs d’Octavie (Roland Urban) – Beau-père (Bertrand Blier) – 1981  Madame Claude 2 (François Mimet) – 1982  Le prix du danger (Yves Boisset) – 1983  Charlots connection (Jean Couturier) – 1984  Tranches de vies (François Leterrier) – 1985  Dressage (Titre TV : Éducation perverse) (Pierre B. Reinhard) – 1986  Avec plaisir (Claire Lise Panzer & Pierre Sisser) – Le débutant (Daniel Janneau) – Le solitaire (Jacques Deray) – 1994  Les misérables (Claude Lelouch). Nota : il ne figure pas dans les copies existantes de « Le grand restaurant » (Jacques Besnard, 1966), il est cité cependant dans « Histoire du cinéma français, encyclopédie des films 1966-1970 »-  

 

Télévision (notamment) : 1950  Agence Nostradamus (Claude Barma) – 1956  Beau sang (Maurice Cazeneuve) – 1958  Les cinq dernières minutes : Réactions en chaîne (Claude Loursais) – Misère et noblesse (Marcel Bluwal) – 1959  Le mouchoir rouge (Jean Prat) – Une nuit orageuse (Claude Barma) – 1960  Grabuge à Chioggia (Marcel Bluwal) – On roule à deux (Marcel Bluwal) – 1961  Un mariage sous Louis XV (Guy Lessertisseur) – 1963  L’inspecteur mène l’enquête : Preuve à l’appui (Pierre Badel) – 1965  Le bouquet (Jean-Pierre Marchand) – 22 avenue de la Victoire (Marcel Moussy) – Poly au Portugal (Claude Boissol) – 1966  Sacrés fantômes (Stellio Lorenzi) – 1967  Allô police : Mélo (Paul Siegrist) – L’amateur / S.O.S. Fernand (Maurice Delbez) – 1968  Les cinq dernières minutes : Les enfants du Faubourg (Claude Loursais) – 1969  Agence intérim : Henri III (Marcel Moussy) – Les trois portes (Abder Isker) – 1970  Au théâtre ce soir : La mariée est trop belle (Pierre Sabbagh) – Sébastien et la Mary-Morgane (Cécile Aubry) – Zamore (Jean-Marie Coldefy) – 1971  Des amis très chers (Abder Isker) – Diabolissimo (Pierre Bureau) – 1972  Les cinq dernières minutes : Meurtre par la bande (Claude Loursais) – Figaro-ci, Figaro-là (Hervé Bromberger) – Sang froid (Abder Isker) – Paix à ses cendres (Guy Lessertisseur) – Joseph Basalmo (André Hunebelle) – Un monsieur bien rangé (Agnès Delarive) – 1973  Un tyran sous la pluie (Philippe Arnal) –  Témoignages : Le vent rouge (Roger Buckhardt) – 1974  Gil Blas de Santillane (Jean-Roger Cadet) – Les cinq dernières minutes : Fausses notes (Claude Loursais) – 1975  Au théâtre ce soir : Dix minutes d’alibi (Pierre Sabbagh) – La mort d’un touriste (Abder Isker) – 1976  Au théâtre ce soir : Sacrés fantômes (Pierre Sabbagh) – 1977  Emmenez-moi au Ritz (Pierre Grimblat) – Commissaire Moulin : Marée basse (Jacques Trébouta) – Recherche dans l’intérêt des familles : La marmotte ((Philippe Arnal) – Esprit de suite (Jean Hennin) – C’est arrivé à Paris (François Villers) – 1978  Claudine à l’école (Édouard Molinaro) – Les hommes de Rose (Maurice Cloche) – Désiré Lafarge : Seize millimètres couleur (Jean Pignol) – 1979  L’inspecteur mène l’enquête : Le dernier éditorial (Jean-Paul Roux) – 1980  Les incorrigibles (Adber Isker) – 1981  Les gaités de la correctionnelle : Les ploucs (Joannick Desclers) – Les avocats du diable (André Cayatte) – La guerre des chaussettes (Maurice Cloche) – Le pilon (James Thor) – 1982  Les brigades du Tigre : Le réseau Brutus (Victor Vicas) – Les scénaristes ou les aventures extraordinaires de Robert Michon (Nino Monti) – Marion : Qui trop efface (Jean-Pignol) – Le truqueur (Abder Isker) – 1983  Les enquêtes du commissaire Maigret : La tête d’un homme (Louis Grospierre) – Cinéma 16 : Le refus (Patrick Jamain) –  1984  Aéroport : Le ciel et le feu « Zarka » (Roger Buckhardt) – Battling le ténébreux (Louis Grospierre) – 1993  Chambre 12, Hôtel de Suède (Claude Ventura & Xavier Villetard, documentaire). Non daté : Les Bargeot (un épisode). Divers : 1960  Touchez pas au blondes (Maurice Cloche, adaptation et dialogues).