Michel Ciment se plaignait dans l’éditorial de Positif d’octobre dernier, de l’hommage de la Cinémathèque fait à Jésus Franco, démontrant qu’il fallait installer une échelle de valeurs. Il ironise sur Max Pécas ne pouvant prétendre à être reconnu sérieusement dans l’avenir, selon lui on n’y devrait ne saluer que des grands maîtres. Une réponse involontaire est faite par Christophe Bier, avec la sortie au début de ce mois du second numéro de la revue pour lequel il est rédacteur en chef « Cinérotica ». On connaît l’amour pour les cinémas de la marge de ce chroniqueur sur France Culture dans l’émission « Mauvais genre » – des « nains au cinéma » aux films de la firme d’Eurociné -.  Comme disait Jean-Luc Godard, c’est « La marge qui tient le cahier ». Ce mensuel fait donc suite à son livre paru en 2000 « Censure-moi – Histoire du classement X en France – « Collection « L’esprit frappeur », 2000 -. Il nous rappelait les agissements du comité de censure – et ses commentaires ! -, et qu’entre « La religieuse » (Jacques Rivette, 1966) à « Baise-moi »  (2000), « depuis 25 ans, la loi X ne se contente pas de « protéger » les mineurs : elle pénalise très lourdement ceux qui fabriquent, produisent et émettent des images interdites. Du coup, tout un genre cinématographique a disparu ». Un évènement, car avec une équipe de rédacteurs érudits – Jacques Zimmer, Richaud d’Ombasle, Edgard Baltzer, François Cognard, etc… -, il nous livre une somme consacrée, sous la forme de 24 fascicules – 1 par mois –  à un panorama de l’érotisme à la pornographie dans le cinéma français. Chaque numéro comporte un dossier, par exemple le premier sur le cinéma des années 30 – on découvre au final qu’il est assez déluré, sans l’équivalant du Code Hays américain – et « Les pornos primitifs 1900-1950 », et le deuxième sur le cinéma des années 50 – Dany Carrel, Françoise Arnoul dont le parcours est encadré par deux nudités de « L’épave » (1950) à « Post-coïtum, animal triste » (1996), Martine Carol et bien sûr Brigitte Bardot. On s’amusera à l’évoquation de l’ineffable Nadine Tallier fouettée par Juliette Gréco dans « L’homme et l’enfant » (Raoul André, 1958) . L’iconographie est remarquable, et aguicheuse. Il convient de saluer son grand oeuvre « Le dictionnaire du cinéma érotique et pornographique français des longs métrages en 16 et 35 mm » – dix ans de travail ! – proposé en 24 fois dans un cahier central. Soit plus de 1000 pages recensant plus de 1700 titres – les films référencés sont ceux uniquement présentés en salle, on ne retrouvera donc pas ceux diffusés en vidéo et à la télévision -, d' »A bout de sexe » à…  « Zob, zob, zob » ! – il conviendra d’attendre presque deux ans pour lire cette dernière note. Des « auteurs » y sont salués de José Benazeraf, Jean-Pierre Bouyxou, Alain Payet, Jean-Daniel Cadinot pour le porno gay, etc… On se régale déjà aux deux premiers morceaux de cette encyclopédie. C’est une mine d’informations avec des génériques les plus complets possibles – ce qui est remarquable pour le cinéma pornographique dans la jungle des pseudos -, des résumés, des avis critiques, des notes informatives, des dates de sorties avec les salles d’exclusivité, des titres alternatifs – étrangers, vidéos,et même ceux refusés par la censure -… Le tout est très riche en anecdotes, citons Georges Séguy, en meeting pour la « vie ouvrière » qui se retrouve involontairement dans « Adolescente pervertie » (José Benazeraf, 1978)…. On retrouve aussi bien quelques réjouissances du genre aux titres incroyables – comme « L’aubergine est bien farcie » (sic) -; mais aussi des grands classiques – L’âge d’or » de Luis Buñuel, « Les amants » de Louis Malle -. Mais on retrouve aussi quelques films mineurs comportant quelques polissonneries – « Ah ! les belles bacchantes » (Jean Loubignac, 1954), qui vient d’être rediffusé sur France 3 – « Adam est… Ève » (René Gaveau, 1953) avec Jean Carmet, et également des films bien oubliés des dictionnaires comme le franco-luxembourgeois « L’amour, oui ! mais… » (Philippe Schneider, 1969), avec Roland Lesaffre et Sabine Sun. On retrouve aussi des commentaires complets, qui vont faire le regal de ceux qui s’amusaient à lire les comptes rendus des films pornographiques dans « La saison cinématographique » de films pornos aux traditionnels, sans hiérarchie, n’en déplaise à Michel Ciment. Le projet est déjà salué avec ferveur par Charles Tatum, et son excellent blog Le vieux monde qui bouge, Christophe Lemaire dans le numéro 11 de Brazil nouvelle formule, par Bernard Joubert dans « Sinéhebdo » qui s’amuse de ces « censeurs qui se sont tapés 1700 films de cul ! ». Souhaitons bon vent à cette entreprise salutaire, passionnée et émoustillante ! On peut signaler aussi des petits spots de pub désopilants sur Youtube 1, Youtube 2 – avec Christian Chauvaud, acteur fétiche de l’univers de Jean-Pierre Mocky – et Youtube3 notamment. Christophe nous signale que sa revue est disponible dans certaines librairies comme celle de la « Cinémathèque de Paris », « Le Regard Moderne », rue Gît le Coeur et la librairie de cinéma rue Monsieur le Prince (Paris).Vous pouvez également visiter le site officiel Cinérotica.fr. qui propose de larges extraits de la revue en format PDF et même des VOD – des codes sont disponibles pour les lecteurs pour les retrouver -. Indispensable ! Dans cet ordre d’idée signalons aussi l’excellent livre d’Herbert P. Mathese – aussi collaborateur de la revue – consacré à José Benazeraf « La caméra irréductible » (Éditions Clairac, 2007).