6ème salve des films de Jean-Pierre Mocky en DVD, disponible depuis le 25 avril dernier. Loin d’êtres des fonds de tiroirs, ces films montrent l’originalité du cinéaste, qui n’est finalement jamais où on l’attend. Mon préféré de cette série reste « Chut ! » (1971), avec le génial Jacques Dufilho, charge féroce sur le petit monde des épargnants, mais le film est hélas disponible dans la version courte, faite pour la sortie VHS sous le titre « Mocky s’moque N°1 » – « Mocky s’moque N°2 » étant « Les rois des bricoleurs » (1976), c’est également cette version courte, sans générique (!) qui figure dans le DVD du film- . On retrouve aussi « Les vierges » (1962), évocation de la première expérience sexuelle de 5 jeunes femmes , « Divine enfant » (1989), amusant film pour enfant, « Noir comme le souvenir » (1994), film d’atmosphère, et « Le mari de Léon » (192) excellente adaptation de l’œuvre de Frédéric Dard. Cerise sur le gâteau, il y a deux films inédits en salle, tournés en 2004, la même année que « Grabuge » : « Touristes ? oh yes ! » – j’y reviendrai – et « Les Ballets écarlates ». Petit rappel avant de m’arrêter sur ce dernier, l’article de ce blog sur Les couilles en or, est en fait un poisson d’avril. Le film est bien entendu invisible, difficile de vérifier si c’est une affabulation mockienne… « Les ballets écarlates », co-écrit par le fidèle Alain Moury, est l’un des films les plus noirs de l’œuvre du cinéaste. Difficile de comprendre le système Mocky, sur la distribution de ses films. Malgré son omniprésence sur les écrans TV – il fallait le voir insulter injustement Philippe Torreton dans la soirée électorale proposée par M6 -, il rechigne à financer la publicité autour de la sortie de ses films. La raison évoquée pour que « Les ballets écarlates » soit resté inédit trois ans est … la censure ! Il évoque dans son dernier ouvrage « Mocky s’affiche » (Éditions Christian Pirot, 2007), « Film censuré, médias muets ». Pour DVDrama il évoquait plus longuement ce film – le lire dans son intégralité ici : « Il a été interdit par la censure, ce qui est rare de nos jours. Il devait sortir à l’époque où on brûlait des bagnoles. J’en ai profité pour aller voir Renaud Donnedieu de Vabres en lui disant: «moi, si vous me faîtes chier, avec mon copain du Monde, on va faire un scandale dans le journal». (…) Au départ donc, ils l’ont interdit; ensuite, ils l’ont autorisé après ma visite et les chantages. (…) Ce film, je l’ai fait en souvenir de cette petite fille. J’ai pensé que tout le monde serait ému. En plus, j’ai donné l’argent aux enfants. (…) Et là-dessus, on me l’interdit. Pathé qui sont mes amis l’avaient inscrit dans leur convention de septembre dernier et il a été resucré. Il y a une sorte de cabale. (…) Alors, finalement, Pathé l’a acheté en dvd mais n’a pas pu le présenter en officieux. (…). Pour vous donner une idée, il y avait un festival du film noir à Besançon il y a trois mois. L’organisateur qui est un jeune comme vous avait vu le film, le trouvait excellent et ne comprenait pas pourquoi il était refusé. Donc il l’a pris dans son festival. J’arrive à Besançon il y a quelques mois. Je présente le film à 20h30. La salle était bourrée, les gens ont applaudi à la fin et ne sont pas sortis pour assister au débat. (…) Le lendemain, un journaliste de L’Est républicain fait un article sur moi et? pas un mot du film! (…) J’ai déjà eu des problèmes avec mes anciens films comme Snobs qui était interdit en Afrique noire et La cité de l’indicible peur qui a été mutilé. Tout ça, ça ne me choque pas. Mais là, vraiment, c’est clair qu’il y a une obstruction totale, comme si personne ne voulait en parler. (…) ». Je vous laisse juge…

Patricia Barzyk & Jean-Pierre Mocky

Quoi qu’il en soit le film est désormais visible, Mocky le présente dans un bonus comme un mélo. L’histoire dans une petite ville province, un rabatteur – Alain Fourès – achète à un père alcoolique et désœuvré – François Toumarkine dans la monstruosité -, la présence de sa fille – Hortense Belhôte – et de son très jeune fils Éric – Florian Junique -, pour assister à une « partie fine » pour des pédophiles. Ces pervers immondes sont en fait des notables « respectables ». Mais Éric arrive à s’enfuir. Il est recueilli par Violaine, qui vit près d’un bois – Patricia Barzyk dans la conviction -, femme d’un garde-forestier. Elle vit seule depuis l’hospitalisation de son mari, devenu fou de douleur depuis la disparition de leur petit Guillaume… Le film, il faut bien le dire laisse dans un état nauséeux. Sans le raconter, disons qu’il a une morale discutable, proche d’un film récent, le contestable  « Contre-enquête » de Franck Mancuso -, idées que l’on retrouvait souvent dans le cinéma des années 70. Mocky montre sa défiance aussi bien pour les politiques que les instutions. renâcle avec beaucoup d’amertume sur ses personnages. Les exécutants sont pitoyables, comme les personnages joués par Alain Fourès  sinistre homme de main ou Michel Bertay, qui incarne un tueur déchu obligé pour vivre d’exécuter les basses œuvres. Les élites d’une province étriquée incarnés par  Dominique Zardi odieux voyeur ou Christian Chauvaud en redoutable manipulateur, n’œuvre que pour leur bon plaisir. Si Violaine trouve des aides vengeresses, Jean Abeillé conseiller désabusé sitant Freud, Nadia Vasil sœur d’un politique indigné et Mocky lui même qui incarne Mathieu, un armurier opportuniste. Le film malgré ses faibles moyens est assez prenant, Mocky film la ville de Vienne de manière insolite et le chef opérateur Edmond Richard connaît son métier. Signalons la musique de Vladimir Cosma, qui comme à l’accoutumée, recycle allégrement ses anciennes musiques. On attend par exemple dans un restaurant chinois, la musique du « Banzaï » de Claude Zidi ! Ce qui constitue un curieux décalage dans ce film très âpre. Le film met vraiment mal à l’aise, l’organisation d’un dispositif mettant en scène des enfants dont l’innocence va être pervertie pour les fantasmes monstrueux d’hommes mûrs est particulièrement éprouvant. Je préfère le Mocky satiriste à celui vindicatif du film, mais le sujet ne le prédisposait pas à l’exercer. Après « Le témoin » (1978) et « Noir comme le souvenir », il évoque une nouvelle fois la pédophilie mais en radicalisant son propos. J’avais crée une fiche pour ce film sur IMDB, qui sera actualisée sous peu.