« Red Road », prix du jury à Cannes est le type de film qu’il faut se précipiter de voir, car il aura très vite disparu de l’affiche, ne vous laissant pas le temps de le conseiller. Sans trop vouloir déflorer l’histoire. Jackie – très attachante Kate Dickie, faux airs de Marilyne Canto –  travaille la nuit pour une société de vidéosurveillance dans un triste quartier de Glasgow. Rapidement on la devine meurtrie par la vie, assez désabusée et tel un ange gardien elle veille sur la petite communauté. Elle prend très à cœur son métier, sans voyeurisme, et prend le temps de regarder les petites beautés de la vie comme deux promeneurs avec leurs chiens qui se rencontrent. Mais elle doit être vigilente car derrière ce calme apparent peut advenir un drame, comme une jeune femme qui se fait agresser par des jeunes filles apparamment tranquilles. Elle trouve dans son travail une sorte de réconfort – avec évidemment tous les problèmes que peut poser ce dispositif de 1984, car elle a le pouvoir d’influer sur la vie des gens -. Mais un jour elle va se focaliser sur un homme qu’elle semble reconnaître, et tout peut alors basculer…. C’est le premier long-métrage de la réalisatrice Andrea Arnold, qui avait remporté l’oscar du meilleur court-métrage en prises réelles en 2005 avec « Wasp ». L’entreprise très originale est le premier des trois films développés au « Sundance Screenwriters Lab », dans le cadre du projet Advence Party, en 2005. Le principe en était de raconter et faire trois films autour de l’utilisation des 9 mêmes personnages par 3 metteurs en scène différents (source le site sur Le festival de Cannes). Le regard qu’Andrea Arnold porte sur le monde est très prenant, proche d’un Mike Leigh. Si elle affronte la dure réalité anglaise sans fioritures, il n’y a pas  pour autant de misérabilisme. Il y a un parti pris naturaliste, qu’elle transcende en flirtant parfois avec le fantastique – les cris des renards au lointain -.

Kate Dickie

Elle arrive à trouver dans le quotidien un regard singulier. Elle remarque une grande tendresse chez les gens qui étouffent leurs maux, même dans les actes sexuels dépeints avec crudité. Le film baigne dans une étrange lumière automnale, et elle va s’attarder sur le sort des gens, la souffrance qui ne se montre pas. Les scènes d’un quotidien laborieux, Tous les personnages ont une grande dignité, même le collègue de Katie, un homme marié qui fait l’amour avec elle sans aucun romantisme dans une camionnette. Le film est prenant, oppressant parfois, comme si une menace sourde planait sur Glasgow. La ville est un des personnages à part entière du film, il faut souligner une attention particulière aux sons, aux petits riens que l’on ne prend plus le temps de regarder. Les gens cherchent à fuir un certain déterminisme, comme le personnage de Clyde – excellent interprétation de Tony Curan -, qui amène une grande subtilité dans un rôle très fort que je vous laisse découvrir. La très poignante Kate Dickie, fait passer une gamme de sentiments avec beaucoup de tenue. Sa manière « borderline » de survire à des blessures terribles, ne sont que des signes de détresse qu’elle refuse de montrer aux autres. Il y a de beaux personnages comme le personnage du beau-père privé d’un élément pour son travail du deuil et le petit couple vivotant, faisant parfois des petits griefs et se consolant avec un petit chien, et même la silhouette d’une jeune femme qui hésiter à entrer dans un immeuble. Le film très intense est une belle révélation, pour l’avoir découvert vierge de toutes informations. Le talent et la grande maîtrise d’Andrea Arnold est à suivre assurément.