Cette grande égérie du Jazz a imprégné cet art de sa présence, Chet Baker avait décidé de se rendre en Europe en 1955, par amour pour elle.  » Elle fut également la compagne de Dexter Gordon, ce qui lui vaut une participation au trop sous-estimé « Autour de minuit » (1985) de Bertrand Tavernier à ses côtés. Elle était également amie de Charlie Parker et Dizzie Gillespie notamment. « Des nuits entières, à l’hôtel, à Saint-Germain-des-Prés, à apprendre à écouter cette musique avec ceux qui la faisaient. Ou au Birdland, à New York, où elle débarque en 1954, dans sa petite robe noire, avec les cheveux courts et les yeux charbonneux qui ont séduit Chet Baker. Dans son jeu, on pourrait percevoir la trace de cette imprégnation. Quelque chose dans sa voix grave, colorée d’un chuintement, dans la nonchalance ou dans l’élan. Un swing. Au fil de la conversation, on devine ce mouvement irrésistible qui peut nous conduire à habiter un autre monde. Ou à élire le monde de l’art, de la musique, de la littérature, comme sa propre maison. » Texte de présentation par Séverine Nikel, de l’émission sur France Culture en 2002 d’Anna Szmuc « Liliane Rovère, portrait d’une jazz lady ». Même si elle confiait dans cette émission, de sa voix chaude, vivre au rythme du jazz, rôle après rôle, on la remarque durablement dans ses prestations. Elle personnifie souvent des femmes que la vie n’épargne pas, mais qui garde une bonne humeur communicatrice. Après des cours chez René Simon, elle se lance dans la comédie. Elle participe activement au théâtre comme dans « L’avare », « la sonate des spectres », « La passion de Jeanne d’Arc selon Gilles de Rais », etc… Elle écrit et joue également comme dans « Lili », en 1992, dans une mise en scène de Jean Gilibert. Selon le journal « L’humanité du 6 octobre 1992 » : « c’est un spectacle qui «  bénéficie, pour le mini-programme de son spectacle, d’un dessin de Siné qui la montre se marionnettisant elle-même, tout en se fendant la tronche ou grimaçant au vinaigre. Sa « Lili » n’en finit plus de ne pas accepter de vieillir face au monde ravageur que les adultes font aux enfants. Le long d’un remblai de chemin de fer, la vie qui passe la porte à jacasser des naïvetés hargneuses : « Bonjour monsieur, comment ça va, vous vous portez bien pour un vieux. – Merci madame, vous aussi ? » Tout est dans ce « aussi » ». Son grand tempérament, révélé par Bertrand Blier, qui l’utilise superbement dans trois films. Dans « Calmos »,  provocation misogyne réalisé en 1975… l’année de la femme !, elle figure sous les ordres de Dora Doll irrésistible en général Bigeard au féminin, en militaire castratrice, dans un petit groupe de femme voulant violer le tandem désabusé Jean-Pierre Marielle-Jean Rochefort, paniqués par cette image de femme, elle fait partie des plus virulentes, transcendent l’évidente vulgarité de la situation. On la retrouve en serveuse d’un café dans « Préparez vos mouchoirs » (1977), consolant Gérard Depardieu, qui a laissé l’amour de sa vie qui sombre dans la neurasthénie – Carole Laure – trouver réconfort dans les bras de Patrick Dewaere. Depardieu la raille, en lui disant qu’elle a une gueule de « Bernadette », et avait beaucoup d’émotion, elle lui confit avec une belle sensibilité, comment avec cette gueule là, elle pouvait lui apporter en tendresses dans une autre occasion. Elle retrouve Depardieu, dans le chef d’œuvre de son auteur « Buffet froid » (1979), partageant la morosité de son chômeur de mari, essayant de subsister et de ne pas se résigner avec de croiser malencontreusement la route d’un assassin poète, superbement joué par Jean Carmet. Surprise, elle a même un premier rôle, dans ce que l’on présume être un nanar de premier classe – et que l’on aimerait voir – « Comment passer son permis de conduire », sorti en 1980, aux côtés du sympathique Claude Legros qui joue son mari malmené.

Dans « Voyages »

On ne la retrouve malheureusement ensuite que dans de courts rôles dans les années 80, mais qu’elle marque durablement comme dans « Prisonnières » (1988) où désespérée, elle montre à ses codétenues, la photo de ses enfants qu’ils l’ignorent superbement. Sa connaissance de l’Anglais, lui vaut de participer à plusieurs tournages de films américaines en France. Mais ses rôles deviennent de plus en plus important. En alternant des rôles de victimes ballottés par la vie, et des personnages à « grande gueule » Elle est toute désignée donc pour figurer la mère de Béatrice Dalle dans « La fille de l’air » (1992). Les rôles s’étoffent, elle joue une « maîtresse femme » initiant Vincent Cassel dans un rituel exhibitionniste avec Amy Romand dans « Adultère mode d’emploi » (1995) de Christine Pascal, où elle est particulièrement impressionnante. Hélas, France 2, dans un accès rigoriste particulièrement frileux, supprime carrément cette scène lors d’une diffusion TV, ce qui fit l’objet de quelques polémiques. On la retrouve ensuite, dans quelques rôles de belle-mère quelque peu encombrantes, comme dans « Le bleu de villes » (1998), où elle prépare le sévices redoutable de l’effroyable de gâteaux aux cerises non-dénoyautées, avec une perversité régulière, ou dans « Harry, un ami qui vous veut du bien », où ses manières déclenchent vitesse grand V la névrose du personnage de Sergi Lopez. Cédric Klapisch la choisit pour figurer l’épouse de Jean-Paul Belmondo, dans « Peut être », elle l’interprète idéale pour être à la hauteur de l’abattage du comédien. Elle est une figure assez autoritaire, à la tête d’une petite tribue perdue dans futur proche, d’un Paris recouvert de sable. Toujours avec humour, car elle fait preuve toujours d’une auto-dérision, comme en cliente à l’épilation, au verbe facile dans « Vénus, beauté (institut) » (1998). Elle personnifie souvent des personnages libres et culottés comme celui frondeur dans « Je vous trouve très beau » (2005) où elle poursuit de ses assiduités Michel Blanc, paysan esseulé, quelque peu paniqué par la dame. Et elle fait toujours preuve d’une belle humanité, comme son rôle dans « Passionnément » (1998) , sorte de variation du personnage de Véronique Silver, dans « La femme d’à côté », où elle personnifie la raison face aux tourments de la paisson du couple Gérard Lanvin-Charlotte de Gainsbourg, la secrétaire résignée de François Berléand dans « La fille de son père » (2000), ou la mère (trop) aimante de Jacques Gamblin dans « À la petite semaine » (2002). Elle peut aussi faire preuve de réserve, comme dans le personnage de la domestique dans « La captive » (1999).

Dans « Le fils de l’épicier »

Elle participe volontiers à de nombreux courts-métrages, n’hésitant pas à participer parfois au scénario. Elle trouve peut-être son meilleur rôle, dans « Voyages » (1998), magnifique film d’Emmanuel Finkiel. Il raconte dans le dossier de presse : « C’est Maurice Chevit qui nous a raconté en Pologne, alors que nous cherchions encore Régine, que Liliane Rovère parlait yiddish ; même son agent l’ignorait ! Elle était très émue de jouer ce rôle et de retrouver cette langue qu’elle ne parle plus depuis longtemps. Elle n’a jamais joué en Yiddish ! ». Elle est particulièrement touchante dans ce rôle de Régine, qui accepte un imposteur comme père, ne supportant pas la déception de retrouver un père perdu. Dernièrement, elle irrésistible dans « J’invente rien » (2005), en  inventrice iconoclaste. Il faut la voir nous faire adhérer à l’improbable présentation d’inventions insolites, comme la pizza par fax !, elle nous amène même dans une certaine dimension fantastique. Mais toujours dans la générosité et le désintéressement comme dans ce patin d’anthologie accepté par Kad Mérad, sous le regard bienveillant d’Elsa Zylberstein. Avec le « Fils de l’épicier », sorti en 2007, elle trouve le rôle jubilatoire de Lucienne, habitante d’une zone rurale désertique. Elle régale Nicolas Cazalé de son animosité, ce dernier remplaçant son père dans une épicerie ambulante. Elle lui a gardé une grande rancune, car enfant, il aimait avec ses petits camarades à la surprendre dans ses « galipettes ». A la moindre contrariété, elle refuse toute commande, se cabre, résiste, peste, lui renvoie ses quatre vérités à la figure, et finit par être carrément sur la défensive, un casque sur la tête après un malheureux accident de devanture. Mais derrière cette façade de femme revêche, se cache une grande, une gourmandise – il faut la voir découvrir des loukoums -, une générosité et un grand cœur inexploité. C’est une superbe performance pour cette comédienne qui alterne dans ce film, drôlerie et émotion. Suivent les retrouvailles avec son amour du jazz et Sam Karmann avec « La vérité ou presque ». Elle joue avec beaucoup de dignité et de pudeur, la fille d’une grande chanteuse de jazz disparue face à Karin Viard et André Dussollier. Gardienne du temple de la mémoire de sa mère, elle construit un personnage touchant, émaillé de souvenirs personnels, les photos de son personnage étant les siennes propres,  selon Sam Karmann. Elle est également remarquable en mère tendre et impuissante face aux difficultés de son fils campé par Vincent Lindon dans « Pour elle ». Elle tente d’aplanir les problèmes entre lui et son père taiseux – le très juste Olivier Perrier -. En mère parfaite, elle se réserve pourtant une zone d’ombre en doutant de l’innocence de sa belle-fille. Souhaitons qu’on lui propose toujours des rôles à sa mesure, elle saura de toute manière amener un note attachante, une gouaille, une drôlerie ou un appétit de vivre. Elle figure dans les indispensables du cinéma français, et personnellement je la mets volontiers dans mon petit panthéon des comédiens français les plus remarquables, catégorie des formidables.

Filmographie : 1969  Le portrait de Marianne (Daniel Goldenberg) – 1971  Une larme dans l’océan (Henri Glaser) – 1972  The day of the Jackal (Chacal) (Fred Zinnemann) – 1975  Calmos (Bertrand Blier) – Je t’aime, moi non plus (Serge Gainsbourg) – Monsieur Albert (Jacques Renard) – Andréa (Henri Glaeser) – Mon coeur est rouge (Michèle Rosier) – 1976  March or die (Il était une fois la légion) (Dick Richards) – 1977  Préparez vos mouchoirs (Bertrand Blier) – La jument vapeur (Joyce Buñuel) – 1979  Buffet froid (Bertrand Blier) – Comment passer son permis de conduire (Roger Derouillat) – La bande du rex (Jean-Henri Meunier) – 1981  Enigma (Id) (Jeannot Szwarc) –  1985  Pour quelques je t’aime de plus (Marc Adjadj, CM) – Autour de minuit / Round Midnight (Bertrand Tavernier) – 1986  Waiting for the moon (Jil Goldmilow) – 1987  De guerre lasse (Robert Enrico) – La troisième solution (Henri-Paul Korchia, CM) – 1988  Prisonnières (Charlotte Silvera) – Black mic-mac 2 (Marco Pauly) – 1989  La Révolution française : les années Lumière (Robert Enrico) – 1990  Does this mean we’re married ? (En france présenté comme téléfilm sous les titres : Les époux ripoux / Un drôle de contrat) (Carol Wiseman) – 1992  La fille de l’air (Maroun Bagdadi) – 1995  Adultère, mode d’emploi (Christine Pascal) – Un samedi sur la terre (Diane Bertrand) – 1996  Artemisia (Agnès Merlet) – Sept étages sans ascenceur (Bruno Joly, CM) – Le sujet (Christian Rouaud, CM) – 1997  Lila Lili (Marie Vermillard) – 1998  De l’art ou du cochon (Yves Beaujour, CM) – Le bleu des villes (Stéphane Brizé ) – Vénus beauté (institut) (Tonie Marshall) – Voyages (Emmanuel Finkiel) – Le plus beau pays du monde (Marcel Bluwal) – Passionnément (Bruno Nuytten) – Peut être (Cédric Klapisch) – 1999  La captive (Chantal Akerman) – Les fantômes de Louba  (Martine Dugowson) – Harry, un ami qui vous veut du bien (Dominik Moll) – 2000  La fille de son père (Jacques Deschamps) – Laissez-passer (Bertrand Tavernier) – Recouvrance (Frank Saint-Cast & Anaïs Monnet, CM) – Ici (Jérôme Bouyer, CM) – 2001  Veloma (Marie de Laubier) – Bord de mer (Julie Lopes-Curval) – L’écharpe (Éric Le Roux, CM, + co-scénario) – 2002  L’idole (Samantha Lang) – Variété française (Frédéric Videau) – À la petite semaine (Sam Karmann) – Méprise (Éric Le Roux, scénario seulement) – 2003  Le souffle (Mathieu Vadepied, CM) – 2004  Alex (José Alcala) – L’origine du monde (Erick Malabry, CM) – 2005  Prozac tango (Michael Souhaité, CM) – Je vous trouve très beau (Isabelle Mergault) – J’invente rien (Michel Leclerc) – 2006  Le fils de l’épicier (Éric Guirado) – La vérité ou presque (Sam Karmann) – 2007  Vilaine (Jean-Patrick Benes & Allan Mauduit) – Pour elle (Fred Cavayé) – 2009  La grande vie (Emmanuel Salinger) – Agosto (Marc Picavez, CM) – 2010  Coup d’éclat (José Alcala) – 2011  Cino, l’enfant qui traversa la montagne (Carlo Alberto Pinelli) – Les chrysanthèmes sont des fleurs comme les autres (Yann Delattre, CM) – 2012  La ville lumière (Pascal Tessaud, CM) – 2014  Le combat ordinaire (Laurent Tuel) – Brooklyn (Pascal Tessaud). Comme réalisatrice-scénariste : 2009  Modus vivendi (CM). Voxographie : Le voyage en douce (Michel Deville) – 2001  La prophétie des grenouilles (Jacques-Rémy Girerd, animation) – 2009  Kerity la maison des contes (Dominique Monféry, animation) .

Télévision : (notamment) : 1964  Christine ou la pluie sur la mer (Maurice Chateau, CM) – 1969  Les cinq dernières minutes : Le commissaire est sur la piste / Sur la piste (Claude Loursais) – 1971  Le tambour du Bief (Jean Prat) – 1972  Raboliot (Jean-Marie Coldefy) – Les cinq dernières minutes : Chassé-croisé (Claude Loursais) – 1973  La chamaille (Jacques Pierre) – 1976  Hôtel Baltimore (Arcady) – Cinéma 16 : Esprit de suite (Jean Hennin) – 1978  Les grands procès témoins de leur temps : Le pain et le vin (Philippe Lefebvre) – Messieurs les jurés : L’affaire Moret (André Michel) – Médecin de nuit : Michel (Philippe Lefebvre) – 1979  Saint Colomban et moi (Hervé Baslé) –  Une femme dans la ville (Joannick Desclercs) – Julien Fontanes, magistrat : Une femme résolue (Bernard Toublanc-Michel) – 1980  Les dossiers éclatés : Le querellé ou la la nécessité d’être comme tout le monde (Alain Boudet) –  Une faiblesse passagère (Colette Djidou) – 1981  Sans famille (Jacques Ertaud) – Joëlle Mazart (Serge Leroy, série TV) – 1982  L’ours en peluche (Edouard Logereau) – 1983  Quidam (Gérard Marx) – 1984  Mistral’s daughter (L’amour en héritage)  (Douglas Hickox et Kevin Connor) – Les enquêtes du commissaire Maigret : Maigret se défend (Georges Ferraro) – 1985  Nazi hunter : The Beate Klarsfeld story (Beate Klarsfeld) (Michael Lindsay-Hogg) –  1986  Série noire : Mort aux ténors (Serge Moati) – 1989  Les sirènes de minuit (Philippe Lefebvre) – Le hérisson (Robert Enrico) – Renseignements généraux : Jeux dangereux (Philippe Lefebvre) – 1992  Les danseurs du Mozambique (Philippe Lefebvre) – 1993  C’est mon histoire : Soif de s’en sortir (Dominique Tabuteau) – 1994  Les grandes personnes (Daniel Moosmann) – Navarro : Le choix de Navarro (Nicolas Ribowski) – 1995  Chercheurs d’héritiers : Les gens de Faillac (Laurent Heynemann, pilote inédit de la série, mais diffusion tardive sur le câble) – L’avocate : Linge sale en famille (Philippe Lefebvre) – 1996  Les cinq dernières minutes : Mise en pièces (Jean-Marc Seban) – 1999  Mary Lester : Maéna (Christine Leherissey) – 2001  Demain et tous les jours après (Bernard Stora) – La crim’ : Le dernier convoi (Denis Amar) – 2002  Froid comme l’été (Jacques Maillol) – 2003  La nourrice (Renaud Bertrand) – La bastide bleue (Benoît d’Aubert) –  2004  La crim’ : Skin (Vincent Monnet) – Nature contre nature (Lucas Belvaux) – Les Montana : Dérapage (Benoît d’Aubert) – 2005  Retrouver Sara (Claude d’Anna) – 2009  Les Bougon (Sam Karmann) – Panique ! (Benoît d’Aubert) – 2011  Quand les poules auront des dents… (Bertrand Van Effenterre) – 2014  Détectives : Adjugé vendu (Renaud Bertrand) – Les yeux ouverts (Lorraine Lévy) – Dix pour cent (Cédric Klapisch, Lola Doillon et Antoine Garceau, mini-série).