On doit à Marcel Bluwal, quelques riches heures de la télévision française. Subissant un ostracisme assez franchouillard, il n’a réalisé au cinéma que trois films « Le monte-charge » (1961), le cultissime « Carambolages » (1963) et « Le plus beau pays du monde » (1998), trois réussites, les deux premiers étant produits par Alain Poiré. « Le monte-charge » sorti en mai 1962, est un solide polar psychologique adapté du roman de Frédéric Dard. Une nuit de Noël, à Asnières, en banlieue parisienne, Robert Herbin – Robert Hossein, dans son registre habituel « taciturnus » -, interdit de séjour après une peine de prison, revient dans la maison de sa mère, morte durant sa détention. Il erre pendant que la population s’active pour les préparatifs du réveillon. Il est s’installe seul dans un restaurant, avant d’être intrigué par une mère de famille, seule avec sa petite fille de 5 ans. Une intimité s’installe entre eux, il les accompagne au cinéma, ne résistant pas à la prendre la mère par l’épaule. La jeune femme se nomme Marthe Dravat, c’est Léa Massari, ravissante, intrigante, et pas très farouche. Il l’accompagne jusque chez elle, un atelier de reliures. Pour accéder à l’appartement il faut prendre un monte-charge. Le mari est absent, Marthe déclare qu’il la trompe régulièrement, elle couche sa fille et met un peu de musique… Arrêtons ici la narration, l’intrigue étant très prenante et bien ficelée.

Marcel Bluwal analyse deux solitudes, à travers le retour de Robert, déboussolé. Il cherche de nouveaux repères, essayant de retrouver une émotion d’enfance en s’achetant une petite décoration de Noël. Le jeu très prenant de Léa Massari, qui venait de connaître un succès international avec « L’aventura » de Michelangelo Antonioni, et celui nerveux de Robert Hossein, rajoute à l’intérêt du film. Arrive aussi un troisième personnage, un concessionnaire automobile, hâbleur, nommé Adolphe Hery, joué par l’admirable Maurice Biraud, entre sympathie et roublardise. C’est une excellente composition pour ce formidable comédien dans un personnage rencontré de manière inattendue, lors d’un « Minuit chrétien » d’une messe catholiquet. On retrouve également l’indispensable Robert Dalban, ami de Robert Hossein et du producteur Alain Poiré, en commissaire bon enfant. L’histoire se déroule avec suspense, dans l’unité de temps d’une nuit de Noël, propice au spleen et à la mélancolie. Le regard est chaleureux pour le petit monde d’une banlieue bien française, on s’amuse à reconnaître une multitude de seconds rôles Charles Lavialle et Étienne Bierry en patrons de bistrot, Georges Géret et André Weber, en consommateurs belliqueux, Maurice Garrel en gardien de la paix s’attendrissant sur des décorations de Noël, Bernard Musson en passant, et même Henri Attal en spectateur de cinéma. Le film figure dans la filmographie officielle de Dominique Zardi, qui n’était jamais trop loin de son compère Attal, mais je ne l’ai pas reconnu ici. Soulignons la belle musique du talentueux et prolifique Georges Delerue, aidant à créer une atmosphère. Ce film qui concilie l’intrigue, en filmant avec humanité une banlieue triste des années 60, et la psychologie des personnages, donne au final une oeuvre singulière.