Ce film peut poser problème, soit on le voit pour ce qu’il est une sympathique comédie, soit on le voit dans la continuité des précédents films de Jean-Pierre Sinapi, et l’on peut être déçu. Hier c’était donc l’avant-première de « Camping à la ferme » à l’UGC Cité Ciné, présenté par le réalisateur lui-même, Nadine Marcovici qui joue « La maire » – c’est une fidèle depuis « National 7 », Aghmane Ibersiene qui joue Assane, et la productrice Nathalie Gastaldo. On comprend très vite le pourquoi du film, c’est une commande de la productrice, et de l’écrivain Azouz Begag, dont la voix chaude de conteur sur France Culture me revenait en mémoire. A la recherche d’un cinéaste, il pense à Jean-Pierre Sinapi, dont l’acuité, l’humour (très présent dans « National 7 », film où rayonne l’admirable Olivier Gourmet), la sensibilité semblait idéale. Le réalisateur voit en cette comédie, un moyen de poursuivre son oeuvre, après le très « noir » « Vivre me tue », et un moyen d’y apporter une touche personnelle, une poésie – ce qui est parfois une erreur -, avec l’aide de son scénariste Daniel Tonachella.

 Jean-Pierre Sinapi

Curiosité, Azouz Begag, entre au gouvernement,  – idée pour sortir des abîmes de l’impopularité ? –, comme ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances – vaste programme ! -, ce qui change un tantinet la grille de lecture du film. Mais la productrice habile,  présente le fait comme une surprise, coupant court aux questions. Le fait est confirmé ensuite par le metteur en scène au sortir du débat, la promotion ne se fera pas sur ce fait, notre si charmant gouvernement n’y tenant pas non plus. Il précise que Clotilde Coureau est devenu princesse après le tournage des « Beaux jours » pour Arte. Amis artistes participez à un tournage du sieur Sinapi, c’est bon pour votre carrière ! J’ai pour parti-pris de saluer le travail des comédiens, qui devrait être au service du film, et non l’inverse, histoire de trouver toujours quelque chose à sauver d’un film, ou saluer ceux que nous connaissons sans toujours pouvoir mettre un nom. Ils peuvent être à la rescousse du film parfois. Le film doit beaucoup à l’abattage des jeunes acteurs, excepté pour Jean-Noël Cridlig-Veneziano, c’était la première expérience au cinéma pour Rafik Ben Mebarek, Hassan Ouled-Bouarif, Yves Michel, l’attachant Marc Mamadou et Aghmane Ibesiene, chaleureux malgré le tract dans la salle hier. Ils ont eu deux mois pour se préparer, ils sont tous très drôles, ou touchants.

Nadine Marcovici aime bien préparer ses personnages, elle s’est aidé de la vision du rôle de Nicole Kidman, dans « Prêt à tout / To die for » de Gus Van Sant. Elle est ici une femme politique arriviste – qui ne veut pas qu’on l’appelle la mairesse qui est la femme du maire ! « . Il y a un cousinage avec Isabelle Nanty, elle a un bel abattage. La seule indication du metteur en scène était de s’adresser aux personnes, comme si elles étaient les plus importantes au monde. Les villageois recevant les jeunes en difficulté dans le cadre des TIG – prononcez tige -, sont des « bas du front ».

La caricature semble un tantinet un peu lourde tout de même, tel le Rodolphe – joué avec humour par Dominique Pinon, qui jouait alors au théâtre avec Isabelle Carré dans « Les pieds sous la table -, l’agriculteur ne travaille que pour les subventions européennes – le très bon Robert Rollis, dont je vais faire un petit portrait d’ici peu -, ou Gaston – Jean-François Stévenin, convaincu de figurer dans ce film, grâce à sa fille Salomé qui aimait à raison les films de Sinapi -, qui voit des « fellagas » partout. C’est un peu le point faible du film, mais on a plaisir à retrouver de vieux routiers, Michel Fortin en ouvrier dans une église, Jean-Claude Frissung – troisième rôle pour Sinapi – en curé conciliant, Jean-Paul Bonnaire en abruti suiveur – comme d’hab’ – ou Jacques Giraud en cafetier – comme d’hab aussi -, Bruno Lochet « deschienise » et  sa scène du « pétard » a provoqué lancé un curieux débat dans la salle, nous sommes ici à Bordeaux, ne l’oublions pas.

Roschdy Zem est excellent dans la comédie – comme dans « Filles uniques », en éducateur probe, patient mais motivé, ne serait-ce que par le charme d’une femme juge – apparition amicale pour Julie Gayet -. Il porte le film par sa belle énergie. L’empreinte de Jean-Pierre Sinapi, est bien présente dans ce film. Dans le hall de l’UGC, il disait ne pas être d’accord avec le titre du film, imposé par la productrice, mais cette dernière semblait surprise que les gens avait un apriorisme sur ce film, pour finalement l’aimer beaucoup. L’étiquette « film de banlieue » semble si on prête oreille, ici ou là, semble faire fuir le public, ce qui est arrivé à l’attachant « Ze film » de Guy Jacques. Ici on se rapproche un peu de la comédie italienne, et la salle riait beaucoup. Mais on pouvait attendre légitimement un peu mieux du cinéaste de plus très sympathique.