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Fragments d’un dictionnaire amoureux : André Valardy

Jacques Mazeau & Didier Thouart  dans « Les grands seconds rôles du cinéma français » (Pac, 1984), précieux livre hélas épuisé, saluait le grand talent de ce comédien. Son visage très mobile et son habituel petit air goguenard faisait merveille dans bien des comédies. Ce comédien belge est mort à Paris, le 30 avril dernier à Paris, des suites d’un cancer, à l’âge de 68 ans. Au cinéma, il excelle en journaliste minable, collègue de Jean Rochefort, découvrant des martiens – nommés les Gammiens -… en Bretagne ! dans l’ahurissant « Ne jouez pas avec les martiens » (Henri Lanoë, 1967). On le retrouve en automobiliste baba-cool pris en stop par Jacques Brel dans « L’emmerdeur » (Édouard Molinaro, 1973), ou en syndicaliste profitant de la sympathie qu’il suscite auprès de son patron incarné par Pierre Mondy dans « Le téléphone rose » (Molinaro toujours, 1975), pour tirer son épingle du jeu lors de grèves. Il est irrésistible en psychologue d’entreprise utilisant la malchance de François Perrin, joué à la perfection par Pierre Richard dans « La chèvre » (Francis Veber, 1981). Il trouve l’un de ses meilleurs rôles à la télévision dans l’épisode « Urbain » de la série « La ligne de démarcation » (Jacques Ertaud, 1973). Il incarne un citoyen belge débrouillard, qui se lance dans la résistance avec beaucoup d’enthousiasme, face à un Louis Lyonnet – comédien mort en février dernier – intrigué. Son personnage se sert de ses qualités sportives, en se déguisant en coureur cycliste pour passer des documents. Les soldats allemands le laissent passer… en l’applaudissant ! Il restait fidèle au théâtre où son univers non-sensique à l’instar d’un Jean-Paul Farré, faisait merveille. Il connut aussi une grande popularité à la télévision avec des émissions comme « Allons raconte », « L’académie des 9 », « Le bon mot » ou « La classe ». En 2003, il se produisait dans son one-man-show « André Valardy – Un monde fou… fou… fou… », co-écrit avec Jean-François Champion et Jean-Marc Ferréol, où le L.S.D. devenait « Le Lifting Sans Douleur, » ou l’.E.T.A., « Épilation Traitement Assuré » (Source Théâtre on line.). On le retrouvait rarement sur un grand écran ces derniers temps, mais il marquait toujours la moindre de ses apparitions. Citons le montreur d’ours ébaubi de voir son ours « divinisé » se mettant à parler dans « Que la lumière soit ! » (Arthur Joffé, 1997), le fantôme du père de Sophie Marceau, danseur de claquettes dans « La fidélité » (Andrej Zulawski, 1999), et l’acteur cabotin de théâtre, capitalisant sa popularité pour avoir été la vedette d’un feuilleton des années 60 en restant suffisant dans « 30 ans » (Laurent Perrin, 2000). Il avait réalisé trois courts métrages, dont « L’erreur est humaine » (1984), avec Renée Saint-Cyr, Marthe Villalonga et Alain Flick, racontant les déboires d’une vieille dame qui devient bonne dans un immeuble et « Le fauteuil magique » (1992) avec Marthe Villalonga et Olivier Lejeune, mettant en scène un jeu télévisé. A lire l’hommage de Donatienne Roby pour Les gens du cinéma. 

Annonce également de la mort du comédien italien Luigi Filippo d’Amico le 28 avril dernier.

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André Valardy au théâtre Saint-Georges à Paris, en juin 1989

Filmographie (établie avec Christophe Bier) : 1959  Les frangines (Jean Gourguet) – 1966  Bang-Bang (Serge Piollet) – 1967  Ne jouez pas avec les Martiens (Henri Lanoë) – 1971  Papa, les petits bateaux (Nelly Kaplan) – 1973  L’emmerdeur (Édouard Molinaro) – Les aventures de Rabbi Jacob (Gérard Oury) – 1974  Parlez-moi d’amour (Michel Drach) – L’important c’est d’aimer (Andrzej Zulawski, rôle coupé au montage) – 1975  Le téléphone rose (Édouard Molinaro) – 1976  Bobby Deerfield (Id) (Sydney Pollack) – 1977  Monsieur Papa (Philippe Monnier) – Le point de mire (Jean-Claude Tramont) – La raison d’état (André Cayatte) – 1979  Nous maigrirons ensemble (Michel Vocoret) – Les Charlots en délire (Alain Basnier) – Je vais craquer (François Leterrier) – 1980  Rendez-moi ma peau (Patrick Schulmann) – Faut s’les faire ces légionnaires ! (Alain Nauroy) – 1981  La chèvre (Francis Veber) – 1982  Légitime violence (Serge Leroy) – Les voleurs de la nuit (Samuel Fuller) – 1983  Attention ! une femme peut en cacher une autre (Georges Lautner) – Amercian Dreamer (titre vidéo : Une américaine à Paris) (Rick Rosenthal) – 1984  Sous peine de poursuite (Vincent Vidal, CM) – 1986  Lévy et Goliath (Gérard Oury) –  1987  En toute innocence (Alain Jessua) – 1995  Iraé (Alain Bellon, CM) – 1997  Que la lumière soit ! (Arthur Joffé) – 1999  La fidélité (Andrzej Zulawski) – 30 ans (Laurent Perrin) – 2006  Nothing sacret (Dylan Bank & Morgan Pehme). Comme réalisateur-scénariste : 1984  L’erreur est humaine (CM) – 1992  Le fauteuil magique (CM) – non daté : « Boule de haine ».

Télévision(notamment) : 1968  Ton sur ton (Georges Barrier, variétés) – 1970  Une heure, une vie (Alain Dhénaut) – 1973  Il faut que le Sycomore coule (Jean-Paul Sassy, captation, captation) – La ligne de démarcation : Urbain (Jacques Ertaud) – 1974  À dossiers ouverts : La malédiction de l’ogre (Claude Boissol) – 1974  Messieurs les jurés : L’affaire Varney (André Michel) – 1978  Ce diable d’homme (Marcel Camus, série TV) – 1980  Petit déjeuner compris (Michel Barny, série TV) -Le dossiers de l’écran : Vient de paraître (Yves-André Hubert) – 1981  À nous de jouer (André Flédérick) – Julien Fontanes magistrat : Un si joli nuage (Jean Pignol) – Arcole ou la terre promise (Marcel Moussy, série TV) – Au bon beurre (Édouard Molinaro) – 1982  Le sud (Philippe Monnier) – Julien Fontanes magistrat : Une fine lame (François Dupont-Midy) – Aide toi… (Jean Cosmos) – Cinéma 16 : Le wagon de Martin (Patrick Saglio) – 1990  Le grand dîner (Gérard Pullicino, divertissement) – 1991  Navarro : Comme des frères (Patrick Jamain) – 1996  Navarro : Comme des frères (Patrick Jamain) – 2000  Le juge est une femmes : Cadeau d’entreprise (Pierre Boutron) – 2002  Navarro : Sur ma vie (Patrick Jamain) – 2003  Navarro : Ne pleure pas Jeannettes (José Pinheiro) – Ne pleure pas (Josée Dayan) – 2005  Navarro : Manipulation (Édouard Molinaro).

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Roscoe Lee Browne

img262/8285/roscoeleebrownexz3.jpg Annonce de la mort de Roscoe Lee Browne, décédé des suites d’un cancer à Los Angeles ce 11 avril 2007, à l’âge de 81 ans. Son décès a été injustement omis des médias français, hormis des internautes avisés signalant sa disparition dans un des forum de DVD Classik.  C’était un comédien solide et attachant, très discret finalement au grand écran. Il avait été un athlète remarqué dans la course à pieds. Il avait gagné notamment les 804 mètres courus dans les jeux de 1952 de Millrose. Il avait enseigné la littérature comparative et le français à l’université noire de Lincoln en Pennsylvanie, lieu où il avait été diplômé. Il débute au théâtre en 1956, avec une adaptation du « Jules César » de William Shakespeare, lors d’un festival.  Il continue son parcours notamment à New York, passant de l’univers de Shakespeare à celui de Brecht. En 1961, il avait joué l’adaptation américaine de la pièce « Les nègres » de Jean Genet, où il tenait le rôle principal. Au cinéma, on se souvient de lui dans « L’étau » d’Alfred Hitchcock, où il incarne un fleuriste espion. Curiosité il était un droïde dans « L’âge de Cristal » – Le film –  (Michael Anderson, 1976), affublé d’un curieux costume en fer blanc. Paul Vecchiali dans la « Saison cinématographique 1972 » avait bien résumé son jeu à propos de « John Wayne et les Cow-Boys » (Mark Rydell, 1971) : « …Au milieu d’une troupe exceptionnelle, on peut retenir Roscoe Lee Browne qui joue le cuisinier avec une élégance et une maîtrise inégalables ». Il incarne souvent des hommes d’autorités, magistrats ou chefs de la police, mais il peut incarner aussi des hommes humbles ou des maître d‘hôtels. A la télévision, on le retrouve aussi souvent comme des « guest » dans des séries comme « Columbo », « Falcon Crest », ou plus récemment dans « The Shield » ou « New York police judiciaire ».  Il avait gagné un « Emmy Award »  en 1986 pour son rôle du professeur Barnabus Foster dans « Le Cosby Show ». Soucieux d’éviter d’incarner les stéréotypes, il a préféré privilégier sa voix de baryton, à l’instar de James Earl Jones, sa voix a beaucoup été utilisée dans des narrations multiples. Il est le récitant des deux films « Babe », narrant les aventures du cochon parlant. Sa voix de baryton était très célèbre pour les spectateurs anglo-saxons. Ce serviteur discret de la scène américaine fut également un poète. Il avait sillonné les États Unis avec Anthony Zerbe, dans une création poétique « Behind the broken words », dont il était le co-auteur.

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Filmographie : 1962  The connection (Connection) (Shirley Clarke) – 1963  Terror in the city (Allen Baron) – 1964  Bertholt Brecht : Practice pieces (Nick Havinga, CM) – Black like me (Carl Lerner) – 1967  The comedians (Les comédiens) (Peter Glenville) – Up Tight ! (Point noir) (Jules Dassin) – 1968  Me and my brother (Robert Frank) – 1969  Topaz (L’étau) (Alfred Hitchcock) – 1970  The liberation of L.B. Jones (On n’achète pas le silence) (William Wyler) – 1971  Cisko Pike (Bill L. Norton) – The cowboys (John Wayne et les cow-boys) (Mark Rydell) – 1973  The world’s greatest athlete (Robert Scheerer) – Super Fly T.N.T. (Ron O’Neal) – 1974  Uptown saturday night (Sidney Poitier) – 1976  Logan’s run (L’âge de Cristal) (Michael Anderson) – 1977  Twillight’s last gleaming (L’ultimatum des trois mercenaires) (Robert Aldrich) – 1979  Double take (Richard Quine) – 1980  Nothing personal (George Bloomfield) – 1985  Legal eagles (L’affaire Chelsea Deardon) (Ivan Reitman) – 1986  Jumpin’Jack Flash (Id) (Penny Marshall) – 1990  Moon 44 (Id) (Roland Emmerich) – 1991  The Mambo Kings (Les Mambo Kings) (Arme Glincher) – 1993  Naked in New York (Daniel Algrant) – Eddie Presley (Jeff Burr) – 1994  Last summer in the Hamptons (Henry Jaglom) – 1995  The beast (Rhoderic C. Montgomery, CM) – 1996  Muppet treasure island (L’île au trésor des Muppets) (Brian Henson) – The pompatus of love (Richard Schenkman) – Dear gold (Escroc malgré lui) (Garry Marshall) – Forest warrior (Aaron Norris) – 1998  Judas kiss (id) (Sebastian Gutierrez) – 1999  Morgan’s Ferry (Sam Pillsbury) – 2002  Sweet deadly dreams (Walter Stewart) – 2003  Behind the broken words (David Sern, captation).

 

Voxographie : (notamment) 1986  The nativité (Bruce Johnson, court-métrage d’animation) – 1988  Oliver & company (Oliver et compagnie) (George Scribner) – 1989  Night angel (Dominique Othenin-Girard, récitant) – 1995  Babe (Id) (Chris Noonan) – 1998  Babe : Pig in the city (Babe, le cochon dans la ville) (George Miller) – 2002  Treasure island (La planète aux trésors – Un nouvel univers) (Ron Clements) – 2006  Garfield : A tail of two cities (Garfield 2) (Tim Hill, Récitant) – Epic movie (Big movie) (Jason Friedberg, récitant) .

A noter que Les gens du cinéma, signale le décès de la comédienne Ariane Borg.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Jean-Pierre Cassel

Annonce de la mort de Jean-Pierre Cassel. C’était un artiste complet, comédien, mais aussi danseur, il avait connu un grand succès sur la scène internationale dans « Chorus line ». Pour l’anecdote, il avait fait en 1956 de la figuration dans « La route joyeuse », film de Gene Kelly de 1957, mais à l’époque il ne dansait pas encore. Après trois années de cours chez René Simon, il commence sa carrière par de petits rôles. Il est amusant de le retrouver dans  » À pied, à cheval et en voiture », mettant en vedette Noël-Noël, en 1957. Il est alors le prototype du jeune premier, face à Jean-Paul Belmondo qui doit se contenter d’un rôle de bon copain. Il devient très vite un jeune premier très demandé au cinéma. Philippe de Broca l’emploie dès 1959 dans des rôles légers et charmeurs, le jeu de Jean-Pierre Cassel étant en parfaite adéquation avec le rythme rapide du cinéaste : « …Philippe est venu me voir en douce au théâtre dans le rôle d’Oscar », que je reprenais après Delon. Ses potes étaient sûrs que mes yeux bleus et mon grand pif allaient lui plaire (rires !) Et ça marché, il m’a proposait le rôle. Le film a signé l’explosion de sa carrière et de la mienne par la même occasion » (1). On le retrouve souvent dans des rôles de naïfs, à l’instar de « Candide », libre adaptation du conte de Voltaire, signé Norbert Carbonnaux. En 1961, il excelle dans le rôle du caporal dans « Le caporal épinglé » signé par un Jean Renoir galvanisé de diriger une troupe de jeunes comédiens. Son personnage cherche à s’évader d’un camp de prisonniers du Nord-est de la France en 1940. Jean-Pierre Cassel confiait à Roger Viry-Babel dans « Jean Renoir, le jeu et la règle » Éditions Denoël, 1986″ :  « …Ce qui est merveilleux avec Renoir, c’est le respect qu’il nous manifeste. Avec lui, on ose oser des trucs. On sait que ça peut l’aider, et que si l’on se trompe, il saura vous le faire comprendre sans que l’on se sente ridicule ». Il est idéal pour incarner le panache d’un D’Artagnan, face à José Ferrer en Cyrano, dans « Cyrano et D’Artagnan »(1962), amusant film d’Abel Gance, entièrement écrit en vers ! La comédie reste son domaine de prédilection, il est irrésistible dans le rôle de Gaspard, violoncelliste bougon dont la vie est chamboulée par l’arrivée de Brigitte Bardot dans l’excellent « L’ours et la poupée » (Michel Deville, 1969). Le même année on le retrouve dans une tonalité plus âpre dans « L’année des ombres », dans le rôle d’un résistant frère de Paul Meurisse. Il évoquait les tensions sur le tournage avec Jean-Pierre Melville, dans le bonus DVD du film « Jean-Pierre Melville et l’armée des ombres », même s’il avait eu de bons rapports avec lui. C’est dans les années 70, qu’il trouve des rôles plus graves et plus complexes. Claude Chabrol lui donne le rôle d’un aventurier suffisant et d’une bêtise redoutable, qui essaie de compromettre le personnage de Stéphane Audran qui est en froid avec son beau-père, incarné par Michel Bouquet dans « La rupture » (1970).

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Avec Fernando Rey et Paul Frankeur dans « Le charme discret de la bourgeoisie »

Il est formidable en bourgeois suffisant dans le dévastateur « Le charme discret de la bourgeoisie »  (Luis Buñuel, 1972). Michel Deville, en 1973, fait de lui un homme boiteux et aigri, manipulant Jean-Louis Trintignant pour transformer un timide employé de banque en « mouton enragé ».  Il aime aussi à égratigner son image, comme dans le « Prêt-à-porter » de Robert Altman, où il incarne un « cador » de la mode qui meurt étouffé par un sandwiche face à Marcello Mastroianni. Mais il est toujours dans la nuance, que se soit l’homme d’affaires trouble dans « La truite » (Joseph Losey, 1982), le directeur de l’hôtel homosexuel ballotté par les événements dans « Casque d’or » (Gérard Jugnot, 1993) ou le bourgeois mélomane n’anticipant le drame à venir dans « La cérémonie » (Claude Chabrol, 1995). Au théâtre, il joue Molière, Feydeau, Guitry, Bourdet ou Jean-Claude Brisville sous la direction de Jean Vilar, Jacques Charon ou Jean Meyer, Pierre Dux ou Marcel Bluwal. Il passe avec aisance du théâtre de boulevard « La fille sur la banquette arrière » de Jean-Claude Carrière, en 1983, mise en scène de Pierre Mondy, au drame, comme dans l’adaptation théâtrale du film « Festen », en 2002-2003, mise en scène par Daniel Benoin et Mogens Rukov. En 1999, il adapte, produit et interprète  » Le Désenchanté  » de Budd Schulberg. Il chante et danse également dans de nombreux spectacles, comme dans « Jean-Pierre Cassel chante et danse Fred Astaire (1994-1995), « Jean-Pierre Cassel fait son petit journal » (1999), « Je n’peux pas vivre sans amour » (2002), dont il tire un album, « Jean-Pierre Cassel chante Serge Gainsbourg » (1985). Il signe également des disques comme « Et maintenant » (Wagram, 2001). Sur la danse, il confiait à Guy Braucourt dans « La revue du cinéma » N°246 de janvier 1971 : « Je trouve qu’il faut faire de la danse comme l’on pratique la compétition sportive, en amateur, comme une activité accessoire et parallèle à autre chose, car le drame de ce métier c’est qu’il accapare entièrement, qu’il arrête complément la vie. Mais il est très important pour un acteur de savoir danser, même si cela ne ne lui sert jamais directement et je pense que pour jouer Shakespeare il est utile de connaître les claquettes. Je ne fais que reprendre là l’opinion de Laurence Olivier qui, recevant un jeune homme venu lui demander des conseils après une représentation de « Jules César », releva sa toge, fit quelques pas de claquette et répondit : « Apprenez cela et peut-être pourrez-vous jouer Shakespeare »… ». Au cinéma, on le retrouve ces dernières années, dans les personnages parfois mutiques, tel le père paralysé à l’oeil inquisiteur d’Olivier Gourmet dans « Congorama » (Philippe Falardeau, 2005), sensible tel son interprétation de l’homme âgé qui tombe amoureux de Françoise Fabian dans la subtile adaptation de l’œuvre de Noëlle Chatelet dans « La femme Coquelicot » pour France 3, ou le père juif déstabilisé par le fait que le compagnon de sa fille soit arabe dans le subtil « Mauvaise foi » (Roschdy Zem, 2005). Il peut être aussi féroce, comme dans « Bunker Paradise » (Stefan Liberski, 2005), où il agresse son dégénéré de fils campé par Jean-Paul Rouve, avec un cynisme inouïe. J’avais eu la chance de le rencontrer lors de l’avant-première du film de Mabrouk El Mechri « Virgil ». Dans ce rôle d’Ernest, ancien boxeur condamné à perpétuité, il offre une excellente composition dans l’extraversion. Je me souviens de sa grande élégance, et de la pudeur qu’il avait pour évoquer sa maladie sans aucune plainte. Il était très malade sur le tournage de « Narco », mais il était toujours disponible pour travailler avec de jeunes metteurs en scène, rencontrés souvent auprès de sa fille Cécile et de ses fils Vincent et Mathias – alias Rockin’Stat,  leader du groupe rap « Assassin » -. Il évoquait librement sa carrière dans son livre « À mes amours » (Éditions Stock, 2004), évocation sensible de ses rencontres avec Philippe de Broca et Claude Chabrol, mais aussi avec celle des grands maîtres du cinéma, Luis Buñuel, Jean-Pierre Melville, Robert Altman, Jean Renoir ou Joseph Losey. Ce grand comédien a eu une brillante carrière internationale, sans se préoccuper de l’importance d’un rôle, tout en restant disponible pour les nouveaux talents : « …J’ai toujours fait mon petit bonhomme de chemin en diversifiant mes activités et en choissant selon l’envie. Je suis content de continuer à tourner et de rester sur le qui-vive. Si on axe sa carrière sur la réussite et l’argent, on se plante forcément. Il vaux mieux miser sur le plaisir. » (1) Il va beaucoup nous manquer. Nos pensées vont à sa famille.

(1) Dossier de presse de « Virgil »

img294/8861/jeanpierrecasselbc6.jpg DR

Filmographie (initialement élaboré pour le site « Les gens du cinéma ») : 1950  Pigalle St-Germain-des-Prés (André Berthomieu) – 1953  La route du bonheur (Maurice Labro & Giorgio Simonelli) – Un acte d’amour / Act of love (Anatole Litvak) – 1956  The happy road (La route joyeuse) (Gene Kelly) – 1957  La peau de l’ours (Claude Boissol) – À pied, à cheval et en voiture (Maurice Delbez) – Les surmenés (Jacques Doniol-Valcroze, CM) –  Comme un cheveu sur la soupe (Maurice Régamey) – Trois pin-up comme ça (Robert Bibal) – 1958  Le désordre et la nuit (Gilles Grangier) – En cas de malheur (Claude Autant-Lara) – Et ta soeur ? (En Belgique : Ma soeur exagère) (Maurice Delbez) – Sacrée jeunesse (André Berthomieu) – Cabriole ou la journée d’une danseuse (Robert Bibal, CM, voix du récitant) – 1959 La marraine de Charley (Pierre Chevalier) – Les jeux de l’amour (Philippe de Broca) – 1960  Le farceur (Philippe de Broca) – Candide (Norbert Carbonnaux) – L’amant de cinq jours (Philippe de Broca) – 1961  Goodbye again ? (Aimez-vous Brahms ?) (Anatole Litvak) – Les sept péchés capitaux [épisode « L’avarice »] (Claude Chabrol) – La gamberge (Norbert Carbonnaux) – Le caporal épinglé (Jean Renoir) – Napoléon II, l’aiglon (Claude Boissol) – 1962  Arsène Lupin contre Arsène Lupin (Édouard Molinaro) – Cyrano et d’Artagnan (Abel Gance) – 1963  Nunca pasa nada (Une femme est passée) (Juan Antonio Bardem) – Alta infedelta (Haute infidélité) [épisode « La sospirose / La jalousie »] (Luciano Salce) – Les plus belles escroqueries du monde [épisode « L’homme qui vendit la Tour Eiffel »]  (Claude Chabrol) – 1964  Un monsieur de compagnie (Philippe de Broca) – Those magnificent men in their flying machines (Ces merveilleux fous volants dans leur drôle de machines)  (Ken Annakin) – 1965  Les fêtes galantes (René Clair) – Paris brûle-t-il ? (René Clément) – 1966  Jeu de massacre (Alain Jessua) – 1967  Le dolce signore (Pas folles, les mignonnes) (Luigi Zampa) – La révolution d’octobre (Frédéric Rossif, documentaire, voix du récitant) – 1969  Oh ! what a lovely war (Ah ! Dieu que la guerre est jolie) (Richard Attenborough) – L’armée des ombres (Jean-Pierre Melville) – L’ours et la poupée (Michel Deville) – 1970  La rupture (Claude Chabrol) – Le bateau sur l’herbe (Gérard Brach) – 1971  Baxter (En Belgique « R. comme Roger ») (Lionel Jeffries) – Malpertuis (Harry Kümel) – 1972  Le charme discret de la bourgeoisie (Luis Buñuel) – Il magnate (Le magnat) (Gianni Grimaldi) – 1973  Le mouton enragé (Michel Deville) – 1974  The three musketeers (Les trois mousquetaires) (Richard Lester) – The four musketeers (La revance de Milady) (Richard Lester) – Murder on the Orient-Express (Le crime de l’Orient-Express) (Sidney Lumet) – 1975  That lucky touch (Le veinard) (Christopher Miles) – Docteur Françoise Gailland (Jean-Louis Bertuccelli) – Les oeufs brouillés (Joël Santoni) – 1976  Folies bourgeoises (Claude Chabrol) – 1977  Who is killing the great chiefs of Europe (La grande cuisine) (Ted Kotcheff) – 1978  Les rendez-vous d’Anna (Chantal Akerman) – Contro 4 bandiere/From hell to victory (De l’enfer à la victoire)(Hank Milestone) – Je te tiens, tu me tiens par la barbichette (Jean Yanne) – 1979  La giacca verde (Le maestro) (Franco Giraldi) –  La ville des silences (Jean Marboeuf) –  Alicja / Alice (Jacek Bromski & Jerzy Gruza) – Le soleil en face / Les morts de Marat (Pierre Kast) – Grandison (Joachim Kurz, inédit en France) –  5 % de risque (Jean Pourtalé) – 1980  Superman II (Richard Lester, cameo) –  1981  La vie continue (Moshé Mizrahi) –  Nudo di donna (Nu de femme) (Nino Manfredi) – La guerrillera (Pierre Kast) –  1982   Ehrengard (Emilo Greco) (+ version TV) – La truite (Joseph Losey) – 1983  Désir (Jean-Paul Scarpitta, inédit) – Vive la sociale (Gérard Mordillat) – 1984  Tranches de vie (François Leterrier) – 1986  Se un giorno busserai alla mia porta (Luigi Perelli, téléfilm parfois diffusé en salles) – 1987  Chouans ! (Philippe de Broca) – Vado a riprendermi il gatto (Giuliano Biagetti) – Migrations / Seobe / La guerre la plus glorieuse (Migrations) (Aleksandar Petrovic, présenté au Festival de Cannes en  1989) – 1988  Mangeclous (Moshé Mizrahi) – The return of the Musketeers (Le retour des mousquetaires) (Richard Lester) – 1989  Mister Frost (Philippe Setbon) – Vincent & Theo (Vincent et Théo) (Robert Altman) (+ version TV) – 1990  The favour, the watch and the very big fish (La montre, la croix et la manière) (Ben Lewin) – 1991  Sur la terre comme au ciel (Marion Hänsel) – The maid (En France, présenté comme un téléfilm sous le titre « Un amour de banquier ») (Ian Toyton) – Aqui d’el Rei ! (António Pedro Vasconcelos) – 1992  Pétain (Jean Marboeuf) – L’oeil écarlate (Dominique Roulet) – Coup de jeune (Xavier Gélin) – Métisse (Mathieu Kassovitz) – Chá forte com limao (Thé  noir au citon) (Antonio de Macedo) – 1993  L’enfer (Claude Chabrol) – Casque bleu (Gérard Jugnot) – 1994  Prêt-à-porter (Robert Altman) – 1995  La cérémonie (Claude Chabrol) – Amores que matan (Juan Manuel Chumilla) – Valse nocturne / Valse bleue (Christopher Barry, CM) – Les Bidochon (Serge Korber) – 1996  La lettre (Pierre Anaïs, CM) – 1997  La patinoire (Jean-Philippe Toussaint) – Con rabbia e con amore (Alfredo Angeli) – 1998  Le plus beau pays du monde (Marcel Bluwal) – Trafic d’influence (Dominique Farrugia) – 1999  Sade (Benoît Jacquot) – Les rivières pourpres (Mathieu Kassovitz) – 2002  Michel Vaillant (Louis-Pascal Couvelaire) – À l’abri des regards indiscrets (Ruben Alves & Hugo Gélin, CM) – 2003  The wooden camera (La caméra de bois) (Ntshaveni Wa Luruli) – Narco (Tristan Aurouet  Gilles Lellouche) –  2004  Dans tes rêves (Denys Thibaud) – Virgil (Mabrouk El Mechri) – Judas (Nicolas Barry, CM) – 2005  Bunker paradise (Stefan Liberski) – Call me Agostino (Christine Laurent) – Fair play (Lionel Baillu) – J’aurais voulu être un danseur (Alain Berliner) – Congorama (Philippe Falardeau) – Mauvaise foi (Roschdy Zem) – 2006  Où avais-je la tête (Nathalie Donnini) – J’ai plein de projets (Karim Adda, CM) – Astérix aux Jeux Olympiques (Frédéric Forestier) – Contre-enquête (Franck Mancuso) – Acteur (Jocelyn Quivrin, CM) – Le scaphandre et le papillon (Julian Schnabel) – Vous êtes de la police ? (Romuald Beugnon). 

 

Avec Françoise Fabian dans « La femme coquelicot »

Télévision :  1956  La famille Anodin (André Leroux) – 1958  Les cinq dernières minutes : Le théâtre du crime (Claude Loursais) – 1959  La nuit de Tom Brown (Claude Barma) – En votre âme et conscience : L’affaire Benoît (Claude Barma) – Le fameux coup de chapeau (Michel Mitrani) – Les vacances de Brutus (Michel Mitrani) – 1960  La mariage de Figaro ou la folle journée (Marcel Bluwal) – 1966  L’avare (Robert Valey) – Le jeu de l’amour et du hasard (Marcel Bluwal) – 1967  La double inconstance (Marcel Bluwal) – 1969  Mesure pour mesure (Marcel Bluwal) – 1977  L’oeil de l’autre (Bernard Queysanne) – 1978  La giaca verde (Le maestro) (Franco Giraldi) – 199  Love in a cold climate (Donald Mc Whinnie) – 1980  Shillingburry tale (Val Guest) – Ca, ça va plaire (Bernard Lion, + co-réalisation) – La mise à nu (André Gazuts) – Il caso Grasiosi (Michele Massa) – 1982  Le fleuve étincelant (Patrick Bureau) – 1983  Le dernier banco (Claude de Givray) – 1985  La méthode rose (Claude de Givray) – Série noire : La lune d’Omaha (Jean Marboeuf) – Padre Brown (Vittorio de Sisti) – Vous êtes avec moi Victoria (Claude Barma) – Sei delitti per Padre Brown (Vittorio de Sisti) – L’été 36 (Yves Robert) – Se un giorno busserai alla mia porta (Luigi Perelli) – 1985  Liberty (Richard C Sarafian) – Nel gorgo del peccato (Andrea et Antoine Frazzi) – Casanova (Sidney Langton) – Les temps difficiles (Georges Folgoas, captation) – 1987  Talkie walkie (Daniel Moosman) – Sahara secret (Le secret du Sahara) (Alberto Negrin) – A matter of convenience (Le prix à payer) (Ben Lewin) – Sentimental journey (Peter Patzak) – Emma, quatro storie di donne / Una moglie (Carlo Lizzani) – La chaîne (Claude Faraldo) – Tu crois pas si bien dire (Giovanni Fago) – 1989  Le piège infernal (Richard Martin) – The phantom of the Opera (Le fantôme de l’Opéra) (Tony Richardson) – Aqui d’El Rei ! (Lieutenant Lorena) (António-Pedro Vasconcelos) – 1990  Avanti (Patrick Bureau, captation) – Disperatamente Giulia (Enrico Maria Salerno) – The fatal image / French kill (Meutre en vidéo) (Thomas J Wright) – Fantaghirò / Cave of the Golden Rose (La caverne de la rose d’or) (Lamberto Bava) – Une affaire d’état (Jean Marboeuf) –  Mountain of diamonds (La montagne de diamants) (Jeannot Szwarc) – Warburg : A man of influence (Warburg, le banquier des princes) (Moshé Mizrahi) – Puissance 4 : Déshabillés fatals (Jean Marboeuf) – 1991  Talky-Walkie : Barbara a du punch Daniel Moosmann) – Haute tension : Adriana (Juan Luis Buñuel) – Salut les coquins (Marcel Zemour) – Notorious (Colin Bucksey) – The Young Indiana Jones Chronicles : Petrograd, July 1917 (Les aventures du jeune Indiana Jones) (Simon Wincer) – De terre et de sang (Jim Goddard) – 1992  La treizième voiture (Alain Bonnot) – Le secret d’Élisa Rhais (Jacques Otmezguine) – 1993  Héritage (Maurice Frydland) – 1994  Le juge est une femme : Dérive mortelle (Claude Grinberg) – 1995  Tatort – Eine todsichere Falle (Vol & envol) (Hans-Christoph Blumenberg) – Le fils de Paul (Didier Grousset) – Le cœur étincelant (Henri Helman) – L’embellie (Charlotte Silvera) – Le match de notre vie (Gareth Davies) – Le neuvième jour (David Delrieux) – 1996  Flairs ennemis (Robin Davis) – Le président et la garde-barrière (Jean-Dominique de la Rochefoucauld) – Un printemps de chien (Alain Tasma) – Les tiers mondains (Éric Civanyan) – 1998  Il cuore e la spada (Le cœur et l’épée) (Fabrizzio Costa) – Les montagnes bleues (Fabrizzio Costa) – Mai con i quadri (Mario Canaio) – Les Cordier, juge et flic : Les tables de la loi (Pascale Dallet) – 1999  Crimes en série : Histoires d’amour (Patrick Dewolf) – Le coup du lapin (Didier Grousset) – 2000  Double emploi (Bruno Carrière) – Rastignac ou les ambitieux (Alain Tasma) – Un pique-nique chez Osiris (Nina Companéez) – Ma vie en l’air (Arnaud Sélignac) – Méditerranée (Henri Helman) – 2001  La memoria e il perdono (Giorgio Capitani) – La faux (Jean-Dominique de la Rochefoucauld) – La chanson du maçon (Nina Companéez) – 2002  La maison du canal (Alain Berliner) – Une deuxième chance (Frédéric Krivine) – 2003  Fabien Cosma : D’un battement de cils (Jean-Claude Sussfeld) – 2004  Menteur ! menteuse ! (Henri Helman) – 2005  La femme coquelicot (Jérôme Foulon) –  2006  Le vrai coupable (Francis Huster). 

(2) Petit commentaire : Pour la petite histoire, Jean-Pierre Cassel, ne fait qu’une brève apparition dans « Superman 2 ». J’avais d’ailleurs rajouté son rôle sur la fiche IMDB du film, qui manifestement ignorait sa participation dans ce second opus. Il est assez fréquent de voir un journaliste un peu hâtif, donner une importance à un rôle mineur après avoir consulté cette célèbre base de données.

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MORT DE LUIGI COMENCINI

Luigi Comencini en 1984

Annonce de la mort, ce jour à Rome, du cinéaste italien, Luigi Comencini, à l’âge de 90 ans : Il avait dit « Je pense qu’un film doit susciter les sentiments et non représenter des idées, parce que les idées suivent les sentiments et non le contraire ». Cette citation en exergue de son portrait par Dominique Rabourdin dans Le numéro spécial de « Cinéma 74 N°190-191, consacré au cinéma italien des années 60 ans, définissait bien cet admirable artiste. Rabourdin l’évoquait en parlant de sa démarche  » …ce qui nous frappe de prime abord, dans son œuvre, c’est sa modestie : il ne s’agit pas de prouver ni de démontrer, mais de montrer, de témoigner, c’est au spectateur qu’il appartient de tirer les conclusions… », et d’évoquer à propos de ces films « …On passera du rire aux larmes, ce qui est le privilège de quelques rares et très grands cinéastes (Lubistch par exemple)… ». Rabourdin évoquait alors la méconnaissance de ses films en France en prenant l’exemple de « L’incompris » (1966) avait eu 5 jours d’exclusivité ! Il connu une réédition en 1978, le film fut enfin apprécié à sa juste valeur. C’est finalement grâce à la télévision – si je prends mon propre exemple, car Comencini est l’un des mes artistes préférés -, grâce aux « Ciné-clubs » de Claude-Jean Philippe et de Patrick Brion,  nous familiarisant avec ses films. Il débute comme critique de cinéma, documentariste et de scénariste (Il écrit par exemple Alberto Lattuada, « Il mulino del Po » (« Le moulin du Pô », 1948), Pietro Germi, « La città si defende » (« Traqué dans la  ville », 1951), « Il segno de venere » (« Le signe de Vénus », Dino Risi, 1954), etc…). Avec Alberto Lattuada et Mario Ferrari, il avait fondé la Cinémathèque italienne. Comme réalisateur il connaît un grand succès, avec « Pain, amour et fantaisie » (1953), puis « Pain, amour et jalousie » (1954), comédie villageoise porté par l’énergie du tandem et Vittorio De Sica. Dans ses comédies, souvent acerbe, il fait un portrait tout en finesse, de la société italienne des années 60-70, montrant par exemple le jubilatoire « L’argent de la vieille » (1972), ou la confrontation cinglante d’une américaine excentrique – Bette Davis flanquée de Joseph Cotten -, passionnée de jeux de cartes, et qui régulièrement s’affronte avec des habitants pauvres d’un quartier populaire de Naples – Alberto Sordi et Silvana Mangano, inoubliables -, au jeu du « scopone scientifico ».

Comencini, se sert souvent de la fable, pour montrer les mœurs dissolues de la société turinoise dans « La femme du dimanche » (1975), avec Marcello Mastroianni, Jean-Louis Trintignant et Jacqueline Bisset, où l’égoïsme global des victimes du « Grand embouteillage » (1978). Le ton est souvent pessimiste, irrespectueux, mais il montre toujours une grande tendresse pour les faibles et les marginaux. C’est aussi, celui qui a le mieux, rendu le monde de l’enfance, il analyse parfaitement l’état d’esprit de cet âge, son innocence et des petits drames. Le très subtil « L’incompris », montre un père veuf et consul de Grande Bretagne à Florence – Anthony Quayle, très juste – indifférent au sort de son fils aîné Andréa -, « l’incompris »  tente de lui montrer qu’il existe en changeant son comportement, histoire d’attirer son attention. Ce mélodrame, est l’un des films les plus émouvants de l’histoire du cinéma. Il signe avec réalisme en 1969, un autre chef d’œuvre « Casanova, un adolescent à Venise » , montrant une Venise magnifique mais en déclin. Il narre avec élégance, la jeunesse du célèbre Giacomo Casanova de Seingalt, et de son passage de la pauvreté, au séminaire avant de devenir l’un des grands de son temps grâce au libertinage. Il adapte aussi avec brio l’œuvre de Carlo Collodi avec « Les aventures de Pinocchio », un film picaresque ou l’on retrouve le génial Nino Mandredi interprétant un émouvant Gepetto. En 1987, avec « Un enfant de Calabre » avec le grand Gian-Maria Volonté, d’après un récit de Demetrio Casile, il dresse le portrait d’un jeune garçon déshérité, qui ne vit que pour la course à pied. Comencini a toujours montré l’espoir d’une lutte des classes, et la grande ressource qu’il peut sortir de grands drames. Il était un auteur complet, pouvait illustrer l’opéra de Puccini « La bohème » (1987) pour Daniel Toscan du Plantier, offrir l’un des ses  plus grands rôles à Claudia Cardinale avec « La storia » (1985) – qui connut une version télé -, d’après l’œuvre d’Elsa Morante et nous attendrir avec un couple inattendu – Michel Serrault et Virna Lisi -, dans « Joyeux Noël, bonne année », obligés de séparer en raison de problèmes économiques. Son livre « Enfance, vocation expérience d’un cinéaste » avait été traduit par Jean Resnais et édité en France chez Jacqueline Chambon en 2000. Cet humaniste, père des cinéastes Cristina et Francesca, a contribué de manière remarquable à ce que le cinéma soit qualifié de 7ème art.

Filmographie : 1937  La noveletta (CM documentaire) – 1946  Bambini in città (CM documentaire) – 1948  Proibito rubare (De nouveaux hommes sont nés) – 1949  L’imperatore di Capri – Il museo de sogni (CM documentaire) – 1950  L’ospedale del delitto (documentaire) – Persiane chiuse (Volets clos) – 1952  Heidi  (Id) – La tratta delle bianche (La traite des blanches) – 1953  La valigia dei sogni – Pane, amore e fantasia (Pain, amour et fantaisie) – 1954  Pane, amore e… gelosia (Pain, amour et jalousie) – 1955  La bella di Roma (La belle de Rome) – 1656  La finestra sul Luna Park (Tu es mon fils) – 1957  Mariti in città (Maris en liberté) – 1958  Mogli pericolose – Appunti du reggia (CM) – 1959  La sorprese dell’amore / …und das am montagmorgen (Belgique : Lendemain de week-end) – 1960  Tutti a casa (La grande pagaille) – 1961  A cavallo della Tigre (À cheval sur le tigre) – Il commissario – 1963  La ragazza di Bube (La ragazza) – 1964  Tre notti d’amore (sketche « Fatebenefratelli ») – La mia signora (sketche : « Eritrea ») – Le bambole (Les poupées) (sketche « Il trattato di Eugenetica ») – 1965  La bugiarda (Le partage de Catherine ou une fille qui mène une vie de garçon) – Il compagno Don Camillo (Don Camillo en Russie) – 1966 Incompreso / Misenderstood (L’incompris) – 1967  Italian secret service (Les russes ne boiront pas de coca-cola) – 1968 Senza sapere niente di lei – 1969 Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova, Veneziano (Casanova, un adolescent à Venise / Giacomo Casanova, Vénitien…) – 1970 I bambini e noi (enquête TV) – 1971 Le avventure di Pinocchio (Les aventures de Pinocchio) (+ version TV) – 1972 Lo scopone scientifico (L’argent de la vieille) – 1973 Delitto d’amore (Un vrai crime d’amour) – 1974 Moi Dio come sono caduta in basso ! (Mon Dieu comment suis-je tombé si bas ?) – Educazione civica (CM) – 1975 La donna dela domenica (La femme du dimanche) – Quelle strane occasioni (La fiancée de l’évêque) (sketche « L’ascensore ») – Basta che non si sappia in giro ! (Gardez le pour vous) (sketche : L’équivoc) – 1976 Signore e signori, buenanotte (Mesdames et messieurs bonsoir) (un sketche) – 1977 Il gatto (Qui a tué le chat ?) – 1978 L’incorgo, una storia impossibile (Le grand embouteillage) – 1979 Voltati Eugenio (Eugenio) – 1981 Il matrimonio di Caterina (TV) – 1982 Cercasi Gesù (L’imposteur) – 1983 Cuore (Id) (+ version TV) – La Storia (Id) (+ version TV) – 1986  Un ragazzo di Calabria (Un enfant de Calabre) – 1987 La bohème – Les Français vu par… (TV) (un sketche) – 1989 Buon natale… buon anno (Joyeux Noël, bonne année) – 1991 Marcelino, pan y vino / Marcellino pane e vino (Marcelino).

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MORT DE FREDDIE FRANCIS

Annonce de la mort de Freddie Francis, très grand chef opérateur et qui fut à l’instar de Jack Cardiff, cinéaste. Il fut d’abord cameraman avant de signer des images inoubliables comme dans le chef d’oeuvre du cinéma gothique « Les innocents » ou dans les films de David Lynch qui le fit travailler après des années d’absences après une carrière non négligeable comme réalisateur de films d’horreurs pour la firme anglaise « Amicus », notamment. Ses films sont parfois inégaux, mais teintés d’humour noir, citons « Dracula et les femmes » avec Christopher Lee, en 1969, où le battant d’une cloche n’est autre qu’un cadavre de femme, saigné à blanc… Il se spécialise également dans le film à sketche horrifique (« Le train des épouvantes », « Le jardin des tortures »,  « Histoires d’outre-tombe »…). Il signe en 1985, une sorte d’hommage crépusculaire aux films de la Hammer, avec « Le docteur et les assassins », avec Timothy Dalton en anatomiste du début du XIXème siècle, ravitaillé en cadavres par un ivrogne campé par Jonathan Pryce. Il était surtout reconnu pour ses qualités de ses images, il avait reçu l’oscar du meilleur chef opérateur en 1960 pour « Amant et fils » et en 1990 pour « Glory » et fut consacré à 4 reprises par la prestigieuse « British Society of Cinematographers », qui l’honora également du « BSC Lifetime Achievement Award » en 1997. Son CV complet est consultable dans l’indispensable Internet Encylopedia of Cinematographers . A lire également des hommages de Cinéartistes et de L’AFC.

Christopher Lee dans « Dracula et les femmes »

Filmographie : Comme réalisateur : 1962  The Day of the Triffids (L’invasion des triffids) (Co-réalisateur Steve Sekely) – Two and Two Make Six – Ein Toter sucht seinen Mörder / A Dead Man Seeks His Murderer – 1963  Paranoiac (Paranoïaque) – Nightmare / Here’s the knife, dear : Now use it (Meurtre par procuration) –  The Evil of Frankenstein (L’empreinte de Frankenstein) – 1964  Hysteria –  Dr. Terror’s house of horrors (Le train des épouvantes) – Tratior’s gate – 1965  The skull (Le crâne maléfigue) – 1966  The pyschopath (Poupée de cendres) – They came beyond space – The deadly bees (Le dard mortel) – 1967  Torture garden (Le jardin des tortures) – 1968  Dracula has risen from the grave (Dracula et les femmes) – 1969  Mumsy, Nanny, Sonny and Girly – 1970  Trog (Trog / L’abominable homme des cavernes) – 1971  The vampire happening / Gebissen wird nur nachts – 1972  Tales from the Crypt (Histoires d’outre-tombe) – The creeping flesh (La chair du diable) –1973  Craze (Vidéo : Le tueur sous influence) – Tales that witness madness – 1974  Son of Dracula – The ghoul – Legend of the Werewolf (Vidéo : La légende du loup-garou) – 1985 The doctor and the devils (Le docteur et les assassins) – 1987 Dark Tower (Vidéo : La tour de l’angoisse) (Co-réalisation avec Ken Wiederham) – Comme chef opérateur : 1956  A Hill in Korea (Les échappés du désert / Commando en Corée) (Julian Amyes) –  Time without pity (Temps sans pitié) (Joseph Losey) – 1957  The scamp / Strange affection (Wolf Rilla) – 1958  Virgin Island (Pat Jackson) – 1959  The battle of the sexes (La bataille des sexes) (Charles Crichton) – Room at the top (Les chemins de la haute ville) (Jack Clayton) – Next to no time (Henry Cornelius) – 1960  Never take sweets from a stranger / Never take candy from a stranger (Cyril Frankel) – Son and Lovers (Amants et fils) – Saturday night and Sunday morning (Samedi soir, dimanche matin) (Karel Reisz) – 1961  The innocents (Les innocents) (Jack Clayton) – 1964  Night must fall (La force des ténèbres) (Karel Reisz) –1980  The Elephant man (Elephant man) (David Lynch) – 1981  The french lieutenant’s woman (La maîtresse du lieutenant français) (Karek Reisz) – 1983  The Jigsaw Man (Vidéo : Double jeu) (Terence Young) – 1984  Memed my hawk (Peter Ustinov) – Dune (Id) (David Lynch) – 1985  Return of oz (Walter Murch) – Code name : Emerald (Vidéo : Nom de code : Émeraude) (Jonathan Sanger) – 1988  Clara’s heart (Le secret de Clara) (Robert Mulligan) – Her Alibi (Son alibi) (Bruce Beresford) – 1989  Brenda Starr (Robert Ellis Miller) – Glory (Id) (Edward Zwick) – 1991  The man in the moon (Un été en Louisiane) (Robert Mulligan) – Cape fear (Les nerfs à vifs) (Martin Scorsese) – 1993  A life in the theater (Gregory Mosher) – 1994  Princess Caraboo (Princesse Caraboo) (Michael Austin) – 1996  Rainbow (Les voyageurs arc-en-ciel) (Bob Hoskins) – 1999  The straight story (Une histoire vraie) (David Lynch) – Comme scénariste : 1964  Diary of a bachelor (Sandy Howard).

 

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Stuart Rosenberg

Annonce de la mort du réalisateur Stuart Rosenberg, à l’âge de 79 ans, d’une crise cardiaque, jeudi dernier à Beverly Hills. Cet ancien enseignant de littérature à l’université de New York, fit une carrière prolifique à la télévision, à l’instar d’un Robert Altman, en réalisant des séries à la télévision (« La quatrième dimension », « Alfred Hitchcock présente », « Les incorruptibles », etc..). Il commence en 1959, le tournage de « Crime société anonyme », interrompu par une grève des acteurs, solidaire avec eux, il fut remplacé par Burt Balaban. La critique était parfois rude avec cet habile artisan, pourtant toujours soucieux de faire exister une atmosphère et un décors.  Michel Grisolia dans Cinéma 73 N°178-1979, évoquait « le tape à l’œil de très mauvais goût dans lequel baignent aussi bien « Les indésirables » que « Move » », mais louait par contre ses « deux réquisitoires désespérés sur l’Amérique contemporaine : les forçats de « Luke la main froide » et les paumés de « W.u.s.a. » ». Il offre donc des rôles forts à Paul Newman, comme dans « Luke, la main froide » – qui valu l’oscar du meilleur second rôle à George Kennedy. Il le retrouve pour « W.u.s.a. » – nom d’une station de radio ouvertement fasciste – avec sa femme Joan Woodward, « Les indésirables » démythification du western hollywoodien, avec comme partenaire Lee Marvin et « La toile d’araignée » mettant en scène un privé aux prises avec les habituels clichés du polar dans une Floride écrasée de soleil. S’il est efficace dans les films de dénonciation, il semble cependant moins à l’aise dans la comédie comme dans « Folie d’Avril », malgré le tandem Jack Lemmon et Catherine Deneuve, et avec des grands sujets, tel l’exil des juifs expulsés d’Allemagne en 1976, malgré un impressionnant casting all-stars, – Orson Welles, Max Von Sydow, Faye Dunaway, etc… -. Il signa un curieux film en 1973, « Le flic ricanant », mettant en vedette Walter Matthau qui incarnait un policier sans histoire traquant un criminel sadique. Il connaît une consécration avec « Amityville, la maison du diable » victime de l’actuelle mode des remakes, mais le film a cependant mal vieilli et déçoit désormais malgré l’impact qu’il pouvait avoir dans les années 80. Il signe deux très bons films dans les années 80, tel « Brubaker » – il avait remplacé Bob Rafelson, réalisateur initalement prévu pour ce film -, où Robert Redford personnifie un nouveau directeur d’un pénitentier, voulant réformer les lieux, et « Le pape de Greenwich village » qui offrit l’un de ses meilleurs rôles à Mickey Rourke. Ce dernier était le partenaire d’Eric Roberts et Darryl Hannah, dans cette histoire de petits malfrats désoeuvrés. La dernière partie de sa carrière marquait le pas notamment avec « Six hommes pour tuer Harry », film d’action reaganien qu’il désavoua en signant « Alan Smithee » au générique. Son dernier film, « My heroes have always been cow-boy » datait de 1991, avec Scott Glenn et Ben Johnson, et est resté inédit en France. Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, lui avait consacré un article dans l’indispensable « 50 ans de cinéma américain », excellente approche sur ce réalisateur. 

Filmographie : 1960  Murder, Inc. (Crime société anonyme) (Film terminé par Burt Balaban) – Question 7 / Frage 7 – 1964  The black list (documentaire) – 1967  Cool Hand Luke (Luke la main froide) – 1969  The April Fools (Folies d’Avril) – 1970  Move (+ producteur exécutif) – WUSA (W.u.s.a.) – 1971  Pockey Money (Les indésirables) – 1973  The laughing policeman (Le flic ricanant) – 1975  The Drowning Pool (La toile d’araignée) – 1976  Voyage of the Damned (Le voyage des damnés) – 1979  Love and Bullets (Avec les compliments de Charlie) – The Amityville Horror (Amityville, la maison du diable) –  1980  Brubaker (Id) – 1984 Village Dreams (Le pape de Greenwich Village) – 1986  Let’s Get Harry (Six hommes pour tuer Harry) – 1991  My heroes have always been cowboys.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Nicole Stéphane

Annonce de la mort de Nicole Stéphane actrice et productrice française. Elle est très active durant la seconde guerre mondiale, confère sa fiche Wikipédia. Issue de la célèbre famille des de Rothschild, elle est choisie par Jean-Pierre Melville qui est un de ses amis pour incarner la mutique nièce de Jean-Marie Robain dans « Le silence de la mer », adaptation du célèbre roman de Vercors, tourné en 1947 sans avoir l’autorisation de ce dernier. Melville l’évoque dans le livre de « Rui Nogueira », « Le cinéma de Jean-Pierre Melville » (Éditions Seghers – Cinéma 2000, 1974, réédité par « Les cahiers du cinéma » : «  …Un jour qu’elle me confiait son désir de devenir réalisateur, je lui avais répondu : « Je vous prendrai comme assistante le jour où je ferai un film, mais permettez-moi de vous dire que j’aimerais mieux que vous y participiez comme comédienne ». Son profil très pur et ses yeux très clair convenaient parfaitement au rôle de la nièce ». Elle est excellente dans son attitude butée face à Howard Vernon incarnant un officier allemand cultivé. Elle retrouve Melville, dans l’adaptation de Jean Cocteau, « Les enfants terribles », où elle incarne une échevelée Élisabeth, elle y est excellente face au piètre Edouard Dhermite imposé par Cocteau. Elle abandonne très vite sa carrière d’actrice – elle figurait Marie Curie dans un court-métrage de Georges Franju », suite à un accident de la route pour se lancer dans la production pour des projets ambitieux. Elle produit « La vie de château » qui est un petit bijou de la comédie et est le premier film de Jean-Paul Rappeneau, Le site Artepix évoquait ses difficultés sur le financement de « Mourir à Madrid », évoqué dans le bonus du DVD du film : « Cette entrevue avec la productrice du film, Nicole Stéphane, permet de revenir sur son engagement sur le projet et les difficultés qu’elle a rencontrées avec Frédéric Rossif pour le mener à bien. Elle explique, entre autres choses, comment le gouvernement espagnol lui a proposé de racheter son film, pour l’empêcher d’être projeté en Espagne… ». A partir de 1969, elle avait pour projet d’adapter Marcel Proust dans une adaptation de Suso Cecchi d’Amico pour Luchino Visconti, la préparation fut évoquée dans deux livres « Proust à l’écran » de Peter Kranvanja » éditions « La lettre volée » et dans un livre de Suso Cecchi D’Amico paru aux éditions Personna. L’adaptation, finit par aboutir en 1983, pour le film honorable de Wolker Schlöndorff. Il convenait de saluer ce parcours exceptionnel. Annonce également, ces derniers jours du décès de la comédienne Betty Hutton et du réalisateur Jeff Musso.

Filmographie : Comme actrice : Le silence de la mer (Jean-Pierre Melville) – 1949  Les enfants terribles (Jean-Pierre Melville) La dernière nouvelle (Rune Hagberg &  Georges Patrix, CM) – 1950  Né de père inconnu (Maurice Cloche) – 1953  Le défroqué (Léo Joannon) – Monsieur et Madame Curie (Georges Franju, CM) – 1957  (Carve har name with pride (Agent secret S.Z.) (Lewis Gilbert) – 1984  Libération, libération : Le cinéma de l’ombre (Pierre Beuchot, documentaire TV). Comme réalisatrice : 1956  Les Hydrocéphales (CM) – 1958  La génération du désert (CM) – 1967  Une guerre pour une paix (CM) – 1993 En attendant Godot à Sarajevo (CM) – Comme productrice : 1961  Vel d’hiv (Frédéric Rossif & Guy Blanc, CM) – 1962  Mourir à Madrid (Frédéric Rossif) – 1965  La vie de château (Jean-Paul Rappeneau) – 1967  L’une et l’autre (René Allio) – 1968  Phèdre (Pierre Jourdan) – 1969  Détruire, dit-elle  (Marguerite Duras) – 1974  Promised lands (Susan Sontag, documentaire) –  1988  Sarah (Edgardo Cozarinsky, CM) –  Divers : Montage du générique : 1963  Behold a pale horse (Et vint le jour de la vengeance) (Fred Zinnemann). Comme assistante réalisatrice : 1957  Mon chien (Georges Franju, CM).

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Colette Brosset

Robert Dhéry & Colette Brosset

Les mouettes ne gueuleront plus… Annonce de la mort de Colette Brosset, à l’âge de 85 ans. Sa gouaille participait à un grand talent novateur dans la comédie française pour des films cultes, réalisé par son mari Robert Dhéry, décédé en 2004. Ce dernier ne me semble pas avoir la place qu’il mérite dans le panthéon des auteurs du cinéma français, mais ses films restent chers à nos coeurs. C’était un grand metteur en scéne, il suffit de comparer ses films avec la captation d' »Ah! Les belles bacchantes » par Jean Loubignac. Sa bande de comédiens autour de son couple, Christian Duvaleix, Robert Rollis ou Louis de Funès faisait merveilles. Dhéry lui-même jouait des personnages lunaires comme celui du supporter, tenu de rester muet par un dentiste dans un Londres hostile, ou le nouveau propriétaire de « La belle américaine », des rôles souvent lunaires. Colette Brosset incarnait la raison, avec un petit côté frondeur, il fallait la voir essayer de suivre, avec dynamisme, les chamailleries du tandem Dhéry-De Funès dans « Le petit baigneur ». Si comme comédien, Robert Dhéry était poignant dans « Malville » et « La passion Béatrice » dans le registre de l’émotion, Colette Brosset n’aura pas eu la chance d’avoir des rôles à sa mesure en dehors des films de son mari, mais on la retrouvait dans « La grande vadrouille » ou elle trouvait des uniformes allemands et des chiens pour les donner au tandem Bourvil-de Funès. Elle avait en effet un talent complet et un charme proche d’une Sophie Desmarets. Elle excellait pourtant dans tous les domaines, la danse – elle avait réalisé la chorégraphie des serveurs dans « Le grand restaurant » (Jacques Besnard, 1966), le théâtre, la radio et le cinéma. Certaines filmographies me semble la créditer à tort pour le film de René Clément « Paris brûle-t’il ? » (1965).

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MORT DE MICHEL COURNOT

Michel Cournot à Paris, le 21 janvier 1958

En réaction à l’intervention d’un internaute qui déplore ici l’absence d’hommage concernant la mort d’Anne-Nicole Smith – alors qu’il ne fait aucune mention à celle d’André Bézu, qui ne l’oublions pas joua son propre rôle dans le film « Grève (party ) » -, évoquons donc celle de Michel Cournot, le 8 février dernier des suites d’un cancer. Il fut un critique connu pour son admiration avec l’œuvre de Jean-Luc Godard, et ses écrits parfois féroce. Il écrivit pour « Le nouvel observateur  » de 1963 à 1996, « France Soir » de 1950 à 1960. Il fut l’auteur de quelques livres « Le premier spectateur » (Gallimard, 1957), « Enfants de la justice » (Gallimard, 1959), « Histoire de vivre » (Maeght, 1955). Lorsqu’il passa à la réalisation, avec « Les gauloises bleues »  tourné en 1968 avec Annie Girardot, Jean-Pierre Kalfon et Bruno Cremer. Il fut à son tour raillé, Citons la saison cinématographique 1969, par Hubert Arnault qui évoque son auto-dérision : « Michel Cournot n’est pas certes « le premier cinéaste français qui tue le public par le rire ». Ouvrir une brève analyse de son film par cette boutade qu’il lui plut de dédier à une médiocrité du cinéma français est bien fait pour donner la dimension d’un artiste écrivain-critique-cinéaste qui prend les autres moins au sérieux que lui-même. Son goût pour le canular-critique agressif, entêté, et contradictoire est bien connu sinon apprécié… » Pour évoquer ensuite « Parmi le fatras des choses faciles qui meublent l’écran (le simplicinéma du bric-à-brac règne puissamment dans le renouveau), on reconnaît les hommages-emprunts aux idoles encensées… » (…) « …Un coeur sensible à la douleur qui bat fort à la vie ». Mais le critique reste brillant, à la lecture de ses chroniques parues en 2003, aux éditions Melville « Au cinéma » – qu’ironie du sort je viens d’emprunter en bibliothèque -. Il rend des hommages probants à Jean-Luc Godard, et y dresse des portraits acerbes, comme ceux sur Michel Simon ou Véra Clouzot sur le tournage des « Espions », film d’Henri-Georges Clouzot, en 1957. L’excellent livre « La critique de cinéma français », évoquait qu’il continuait à défendre, sa carrière de critique terminée, des films qu’il aimait comme « Pullman Paradis » de Michèle Rosier. Il fut, assurément, l’une des plus grandes plumes de la critique française. Bibiographie : « La critique de cinéma en France »  sous la direction de Michel Ciment & Jacques Zimmer (Ramsay cinéma, 1997).

NOUVEL OBSERVATEUR du 10/02/2007

Le journaliste et écrivain Michel Cournot, qui fut critique de cinéma, littéraire puis dramatique et a réalisé en 1968 un film, « Les Gauloises bleues », est décédé jeudi à Paris à l’âge de 84 ans d’un cancer, annonce vendredi 9 février le quotidien Le Monde, auquel il a collaboré durant plus de 30 ans. Né le 1er mai 1922 à Paris, élève au lycée Louis-le-Grand puis étudiant en lettres, Michel Cournot s’est lancé dans le journalisme après la Libération, d’abord comme reporter à France Soir, à L’Express et de nouveau pour le quotidien de Pierre Lazareff. Il a collaré au Nouvel Observateur dès le lancement de l’hebdomadaire en 1964 comme critique cinématographique. Après avoir signé les dialogues de « 20.000 lieues sur la terre » (1960) de Marcel Pagliero et des « Amoureux de France » (1964) de François Reichenbach, il s’était essayé à la réalisation avec « Les Gauloises bleues », interprété par Annie Girardot et Bruno Crémer. Après ce film sans lendemain, raillé par un Michel Audiard avec lequel Cournot avait croisé le fer, ce « fou des livres et de la lecture », comme il se définissait lui-même, abandonne la rubrique cinéma du « Nouvel Obs » pour la critique littéraire de l’hebdomadaire. Marié à la comédienne Martine Pascal, Michel Cournot a suivi pour Le Monde, à partir de 1973, plus de trente ans de vie théâtrale. Il portait un regard exigeant, attesté par des critiques redoutées.

Prix Fénéon et Deux-Magots

Homme de lettres, il avait obtenu en 1950 le Prix Fénéon pour « Martinique » et celui des Deux-Magots huit ans plus tard avec « Le premier spectateur », consacré au tournage des « Espions » d’Henri-Georges Clouzot. Le Prix Italia lui sera attribué en 1963 pour « Enfants de la justice », fruit de reportages consacrés aux jeunes délinquants. Il était à nouveau revenu à l’écriture en 1994 avec « Histoire de vivre », et « Au cinéma » (2003), témoin de sa passion pour le 7e art, qui était pour lui « une drogue, douce si l’on veut, mais combien pénétrante ». Le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, a rendu hommage à « une personnalité très forte qui aura marqué la vie intellectuelle française de ces quarante dernières années », dans un communiqué.

LIBÉRATION du 10/02/2007

Cournot, calme bleu, par Mathilde La Bardonnie

Tôt le matin, Michel Cournot passait au journal le Monde, qui se trouvait rue des Italiens, c’était dans les années 70-80, on imprimait au plomb. En veste de coutil semblable à celle que portait Braque, démarche rapide, Cournot entrait furtif dans le bureau d’Yvonne Baby, lui apportant regard souriant sous ses cheveux sombres épais, quelques feuilles d’un papier tramé coquille d’oeuf, lourd et rugueux. Nulle rature, larges marges. Son article pour le quotidien du soir : «presque un parchemin et déjà page de livre», se rappelle l’ancienne responsable du service culture. Le jour où elle avait confié à Cournot la charge d’écrire sur le théâtre, il lui avait dit : «Je te préparerai des petits pains, tu n’auras plus qu’à les mettre au four.»

Des «petits pains» consacrés à l’art dit dramatique, Michel Cournot en aura concocté des centaines, des milliers, au fil des semaines, des décennies avec étés en Avignon. Encore en septembre dernier, il prenait le métro, comme toujours, pour aller voir une pièce. «Le théâtre, ces paroles que l’on s’envoie, se renvoie, c’est en même temps tout et rien, disait-il. C’est le petit fil blanc de l’électrocardiogramme.» Claudel ayant résumé : «Le théâtre, c’est ce qui arrive», Cournot en déduisait que «dans la vie rien ne se passe». Il n’en pensait pas un mot. Sa vie à lui a été bien remplie.

Or voilà. Commencée le 1er mai 1922 à Paris, la vie de Michel Cournot s’est arrêté jeudi ; après quatre mois de souffrance ; et avec, tout près, la douceur de sa compagne, l’actrice Martine Pascal. Jamais on ne voulait croire qu’imperceptiblement cet homme juvénile d’apparence, ce sismographe, était devenu octogénaire. S’amusant à répéter que le «grand reportage mène à tout à condition d’y rester», Cournot avait fini par accepter en 2003 que soient publiées en recueil ses chroniques du temps où, à France Observateur au début des années 60, il réinventa la critique cinématographique, au point d’enthousiasmer Louis Aragon, fou des mots de Cournot louant Godard, son «Pierrot le fou» : «II faisait dévier les habitudes de lecture ; pratiquait le collage en maître, moujik royal et fils du Sud-Ouest. Digression. Fiction. Diction. Des thèmes secondaires amorcent, développent, divaguent.» C’est Baby, encore elle, qui a su décrire l’apesanteur où, si souvent, s’est située l’écriture du poète Cournot, maître des illusions joueuses, avec ses phrases de phénoménologue pétri de Husserl, ses images de ravisseur de songes plongeant à la façon d’un Jean Genet vers des sources barbares, puis soudain revenant, consciencieux, à ses devoirs de lettré, près de Paul Valéry qui le parraina. «…mer, mort, amer, amour, cinéma tu sers à quoi, pourriture, Pierrot qui s’est peint en bleu, cinéma tout à tes couleurs tu vas le laisser se faire sauter la caisse, les femmes et les hommes ressentent un calme blanc, matinal, quand ils sont sur le point de mourir par eux-mêmes, l’écran ralentit. S’agrandit. Blanchit. Un bruit noir. Le soleil entre dans la toile. C’est la mort.»

Michel Cournot est mort, mais chacun sait et saura qu’il reste aussi l’auteur des Gauloises bleues, son film unique, simple et loufoque comme un paysage rose qu’habitaient de grands acteurs, vu par très peu de gens car sorti un mois de mai 1968 où le Festival de Cannes ferma, produit par Claude Lelouch.

Avant tout cela, il y avait eu bien d’autres vies de Michel Cournot. Celle de l’artiste en jeune homme de famille nombreuse, celle de l’éphémère gratte-papier dans un ministère qui, à la Libération, rencontre par hasard le patron de France Soir, Pierre Lazareff. Ils deviennent immédiatement amis. Il a 23 ans : début des reportages, autant de voyages. Michel Cournot publiait en 1949 un livre, Martinique, poème. En 1957, le Premier spectateur, où il suit le tournage des Espions de Clouzot. Ensuite, un passage à l’Express au moment de la guerre d’Algérie ; plus tard, quelques années, il devint un éditeur inspiré au Mercure de France (son attention aux autres écrivains était inouïe). Toujours, tout du long, il pratiqua le journalisme, «activité particulière de l’écriture» à laquelle il croyait. Et par quoi tout recommence.

LE MONDE du 10/02/2007

Michel Cournot, critique et écrivain, par Brigitte Salino

Michel Cournot avait dit : « J’entre à l’hôpital, et après, je pourrai aller en maison de repos. » Ce fut son ultime élégance. Il faisait ainsi savoir que c’en était fini. Il est mort, jeudi 8 février à Paris, usé par le cancer, qui, depuis de longs mois, l’affaiblissait inexorablement. Il était âgé de 84 ans. Ce n’est pas seulement un grand journaliste et un critique incomparable qui part. C’est un écrivain et un ami du journal, où, en ce jour d’infinie tristesse, on n’arrive pas à imaginer qu’il faut continuer sans lui.

Michel Cournot était né à Paris, le 1er mai 1922, dans le 17e arrondissement, en face du Luna Park qui existait alors, et il avait grandi au flanc de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, entouré de huit frères et soeurs. Il n’aimait pas se souvenir de son enfance, marquée par un père polytechnicien très dur et par une mère lointaine, comme on pouvait l’être alors dans les familles bourgeoises. Mais il aimait se rappeler que cette mère aimée l’emmenait au théâtre.

Quand les Allemands entrent dans Paris, en juin 1940, Michel a 18 ans. En novembre, il participe à la manifestation spontanée d’étudiants qui défilent sur les Champs-Elysées pour soutenir de Gaulle. Arrêté, il passe plusieurs semaines en prison, où, chaque matin, on le met en joue. De cela, il parlait peu. Comme de sa vie, d’ailleurs. Sa pudeur lui faisait préférer écouter celle des autres. On sait que, après des études de lettres, il a été professeur de latin-grec à l’Ecole alsacienne, en 1943-1944. Puis il a travaillé au ministère de l’agriculture, comme « rédacteur d’ordonnances », et à la Compagnie générale transatlantique. Là, il était chargé d’imaginer des activités pour que les équipages ne dépriment pas sur les cargos au long cours.

A la Libération, Michel a 23 ans. Il ne sait pas ce qu’il va faire. Il ne veut pas d’un métier où il ait à écrire, parce qu’il aime trop la littérature. Le hasard décide pour lui. Un jour où il est « dans une mouise incroyable », comme il le disait, il rencontre dans la rue un ami d’enfance, qui connaît Pierre Lazareff, le patron de France Soir. Michel rencontre Lazareff, avec qui il s’entend merveilleusement. A partir de ce moment, il devient journaliste, d’abord à France Soir, puis au Nouvel Observateur et au Monde, où il est entré en 1963 pour ne jamais en partir.

Outre les innombrables feuilles de journaux, il reste deux livres qui témoignent d’un Cournot méconnu : celui qui fut reporter avant d’être critique de littérature, de cinéma et de théâtre. L’un, Le Premier Spectateur, est consacré au tournage des Espions, le film d’Henri-Georges Clouzot, que Michel a suivi de janvier à avril 1957. C’est une mine sur la fabrication d’un film, l’art et la névrose. L’autre, Enfants de la justice, a été publié en 1959 dans la collection « L’air du temps », chez Gallimard. Il est consacré aux tout jeunes délinquants. Hors reportages, il y a Martinique (Gallimard, 1949, dans la collection « Métamorphoses »), beau comme un long poème sur l’île tant aimée.

Il faudra attendre presque quarante ans pour que d’autres livres paraissent, où Michel est l’écrivain qu’il refusait de voir en lui : Histoire de vivre (Maeght, 1994), Au cinéma (coll. « Melville », éd. Léo Scheer, 2003).

Et puis il y a ce film, Les Gauloises bleues, qu’il avait tellement aimé réaliser, au tournant de 1968, et que l’on a tant aimé voir. « J’étais à mon affaire quand je l’ai fait, disait Michel. Je voulais tourner un deuxième film, dans lequel j’aurais voulu montrer, à travers une femme, comment on est aliéné, au jour le jour, par de toutes petites choses. Je le sentais, ce film, je l’entendais, c’est une question de voix. Mais je n’ai pas trouvé l’argent. »

Après Les Gauloises bleues, Michel n’a pas repris la chronique cinéma qu’il tenait au Nouvel Observateur, avec l’insolence d’une liberté qui a nourri des générations de lecteurs.

Dans ses chroniques du Monde, Michel a parcouru plus de quarante ans de théâtre. Il disait qu’on devrait attendre d’être vieux, d’avoir beaucoup vécu, avant de devenir critique dramatique, et il avait sans doute raison. Pour lui, le théâtre était avant tout la représentation d’un lecteur du temps. Quelque chose d’on ne peut plus intime, vital dans le va-et-vient entre le livre et la scène, l’écrit et le corps, l’imagination et l’incarnation. C’est ce qui rendait ses critiques inégalées : personne n’a su comme lui parler de l’art du théâtre.

Bien sûr, il faudrait dire son amour pour la scène de la Russie, où il avait vécu, et pour les comédiens dont il ne s’est jamais lassé de restituer le mystère. Il faudrait suivre les lignes de crête et de fuite de ses chroniques, qui resteront entre celles de Colette, pour la beauté du style, et celles de Paul Léautaud, pour les divagations magnifiques qu’il s’offrait. Michel pouvait consacrer un article entier à décrire sa chambre, la cicatrice d’un comédien ou les feuillages hurlant sous le mistral, à Avignon. La pièce à critiquer était oubliée, mais il y avait mieux : la vie, sans quoi le théâtre n’est rien.

Mais laissons sécher l’encre : Michel est encore là, tout près, dans le quotidien du journal, avec ses sublimes 80 ans, ses pantalons blancs, sa beauté de vieil arbre fragile et ses sourires jamais loin de l’ironie. S’il ne devait rester qu’un souvenir de lui, ce serait celui-ci, radieux.

Cela se passait en juin 2003, à Alloue, en Charente limousine, dans la maison de Maria Casarès devenue la Maison des comédiens. Michel était venu avec la comédienne Martine Pascal, l’amour de sa vie depuis plus de trente ans, qui donnait une lecture dans le vaste parc enserré comme un bout d’éternité aux méandres de la Charente. Après, dans la nuit chaude, il y eut un dîner sous les arbres immenses parcourus de lampions. C’était simple et gai comme peuvent l’être les rendez-vous imprévus où la vie se mêle au théâtre. Michel parlait de René Char, de Jean Vilar et de Gérard Philipe. Il riait de la bonne humeur de Martine. Puis il a disparu dans la nuit avec elle. A son bras, il y avait un petit pansement blanc.

Michel n’est plus là, et cela fait mal. Il y a quelques années, après la mort d’un de ses frères, il s’insurgeait contre « cette idiotie du travail de deuil dont on nous rebat les oreilles ». On l’entend encore dire, au cours de ces conversations au téléphone qui faisaient se lever le jour : « Les morts sont morts et ils nous manquent. » Nous en sommes là. N’est-ce pas, Michel ? Cher Michel.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Giselle Pascal

Annonce de la mort de la comédienne Giselle Pascal – et non Gisèle -, décédée à Nîmes à l’âge de 83 ans. L’agence de manière un peu condescendante déclare « Elle se fit connaître comme fiancée du prince Rainier de Monaco mais sa filmographie compte peu d’oeuvres marquantes ». Elle était pourtant une des plus grandes vedettes françaises, souvent associée à son époux Raymond Pellegrin, depuis 51 ans. Ils furent partenaires sur 4 films et au moins un téléfilm. Mais il est vrai que le cinéma est parfois ingrat avec ses vedettes, comme dans le film « Les compères » (1983) de Francis Veber, où elle figurait la mère du personnage joué par Anny Duperey, elle ne figurait plus qu’au générique de fin, par liste alphabétique. Andrzej Zulawski avait proposé à cette sympathique comédienne un curieux contre-emploi en personnage revêche qui accueille Valérie Kaprisky dans un studio photo dans « La femme publique » en 1983 également. Elle instille le malaise qui va continuer avec le personnage du photographe joué par Roger Dumas, interpellé par la grande sensualité de la jeune femme. Yvan Foucart lui avait rendu un superbe hommage pour le site des « Gens du cinéma », nous démontrant qu’elle valait mieux que quelques lignes au sujet de sa mort dans une dépêche.

Dans « Les cinq dernières minutes », épisode « Un cœur sur mesure »

Filmographie : 1941  Les deux timides (Yves Allégret) – L’Arlésienne (Marc Allégret) – 1942   La belle aventure (Marc Allégret) – La vie de bohème (Marcel L’Herbier) – 1944   Lunegarde (Marc Allégret) – 1943  Madame et son flirt (Jean de Marguenat) – Les J 3 (Roger Richebé) – 1946   Tombé du ciel (Emile-Edwin Reinert) – Amours, délices et orgues (André Berthomieu) – Dernier refuge (Marc Maurette) – 1947   Après l’amour (Maurice Tourneur) – Mademoiselle s’amuse (Jean Boyer) – 1949  La femme nue (André Berthomieu) – La petite chocolatière (André Berthomieu) – Véronique (Robert Vernay) – 1950   Bel amour / Le calvaire d’une mère (François Campaux) – 1952  Horizons sans fin (Jean Dréville) – 1953 Si Versailles m’était conté (Sacha Guitry) – Boum sur Paris (Maurice de Canonge, cameo) – 1954  Marchandes d’illusions (Raoul André) – Le feu dans la peau (Marcel Blistène) – 1955   La madone des sleepings (Henri Diamant-Berger) – Mademoiselle de Paris (Walter Kapps) – Si Paris nous était conté (Sacha Guitry) – Pitié pour les vamps (Jean Josipovici) – 1957  Sylviane de mes nuits (Marcel Blistène) – 1958   Ça n’arrive qu’aux vivants (Tony Saytor) – 1961   Seul… à corps perdu (Jean Maley & Raymond Bailly) – 1962  Le masque de fer (Henri Decoin) – 1968  La promesse / L’échelle blanche (Paul Feyder & Robert Freeman) – 1969   Un caso di conscienza (Un cas de conscience) (Giovanni Grimaldi) – 1982  En haut des marches (Paul Vecchiali) – 1983   La femme publique (Andrzej Zulawski) – Les compères (Francis Veber) – 1988   Juillet en septembre, (Sébastien Japrisot). Télévision (notamment) : 1960  La princesse de Cadignan (Jean-Paul Carrère) – 1962  La caméra explore le temps : L’affaire du collier de la reine (Guy Lessertisseur) – 1963  Et sur toute la gamme (Jean Kerchbron) – 1964  Le coeur oublié (Abder Isker) – 1971  La mort des capucines (Agnès Delarive) – 1972  La mort d’un champion (Abder Isker) – 1976  La vérité tient à un fil (Pierre Goutas, série TV) – 1978  Les amours sous la Révolution : André Chénier et la jeune captive (Jean-Paul Carrère) – 1980  La vie des autres : La croix dans le cœur (Pierre Goutas, série TV) – 1981  Les cinq dernières minutes : Un cœur sur mesure (Claude Loursais) – 1983  Emmenez-moi au théâtre : L’exil (Alexandre Tarta, captation) – Madame S.O.S. : Trois tuteurs pour un géranium (Alain Dhénaut) – 1985  Les enquêtes du commissaire Maigret : Maigret au Picaratt’s (Philippe Laïk) – Médecins de nuit : Happy birthday (Jean-Pierre Prévost) – 1987  Symphonie (Jean-Pierre Desagnat, série TV) – 1987/1990  Fest im Sattel (Tous en selle) (Christine Kabisch, série TV) – 1988  Nick chasseur de têtes (Jacques Doniol-Valcroze, pilote).