Saluons la bonne idée de Tristan Carné, dans cette production de Claudie Ossard, de reprendre le principe du film à sketches de « Paris vu par » (signés par Chabrol, Jean , Jean-Luc Godard, Jean Rouch, Éric Rohmer et Jean-Daniel Pollet) qui avait déjà fait objet d’un remake en 1984, « Paris vu par… vingt ans après » signé par certains dignes héritiers de la nouvelle vague (Garrel, Mitterrand, Akerman, etc.  L’idée intéressante était cette fois de privilégier le regard de cinéastes étranges, histoire de vérifier si notre réputation de peuple inhospitalier et arrogant pouvait ce vérifier par le biais de la fiction. Les réalisateurs ont eu comme contrainte, un temps très court de tournage – 2 jours et deux nuits – et une durée de 5 minutes. Le résultat est forcément inégal comme tout film à sketches, mais après l’épouvantable meringue de Luc Besson sur la ville Lumière on ne craint plus rien… L’idée initiale étant de faire un épisode par arrondissement, soit 20 au total. C’est évidemment les réalisateurs les moins connus qui voient leur résultat rester sur la table de montage – Christoffer Boe – « Le 8 à 8 d’Angelina Jolie » avec Jonathan Zaccaï, Camille Japy et Éric Poulain, et celui de Raphaël Nadjari dont il subsiste quelques plans avec Eric Caravaca à la fin du film. On engage le yes man habituel de Gérard Depardieu, le tâcheron Frédéric Auburtin pour « créer une fluidité dans le récit » (sic), c’est dommage de ne pas voir ces deux courts ne prennent que 10 minutes sacrifiés ainsi sur l’autel de la rentabilité, il est évident que la production a pensé uniquement au nombre de séances. Le projet a été mouvementé, le tournage ayant commencé en 2002 avec l’épisode signé Tom Tykwer, avec Nathalie Portman, pas le meilleur du film d’ailleurs. Le parti pris d’éviter la carte postale – les frères Coen tournant dans le métro, Walter Salles utilisant Paris et sa banlieue comme une ville anonyme – est plaisant, tout comme celle de retrouver un Paris méconnu. Le film commence agréablement par le segment de Bruno Podalydès, « Montmartre »,  rendant hommage à Pierre Étaix avec l’idée de l’automobiliste qui n’arrive pas à se garder dans le XIIIème, avant qu’il ne rencontre une jeune femme qui a un malaise.

Au petit jeu des préférences évidemment subjectives, on s’amuse à retrouver l’univers de Sylvain Chomet, dans « Tour Eiffel » avec un fabuleux duo de – cons – de mimes joués par Paul Putner et Yolande Moreau. Gurinder Chadha dans « Quais de Seine » retrace une jolie rencontre amoureuse entre une jeune femme voilée –Leïla Bekhti – et un jeune homme flanqué de copains lourdinguissimes avec beaucoup de subtilité et nous livre une ôde à la tolérance.  Steve Buscemi dans « Tuileries », en touriste en goguette agressé par un couple de jeunes marginaux et le moufflet farceur  de Frankie  Pain dans l’épisode des frères Coen, Wes Craven fait un bilan du couple dans le cimetière du « Père Lachaise » avec Rufus Sewell et Emily Mortimer et Olivier Assayas avec « Quartier des enfants rouges », confirme son style brillant avec le brillant exercice de style autour de Maggie Gyllenhaal, comédienne souffrant de solitude, qui cherche à se droguer. Mais le meilleur – et de loin – est celui d’Alexander Payne – composant Oscar Wilde dans l’épisode cravenien -, avec « Quatorzième arrondissement », un portrait d’une postière américaine – Margot Martindale émouvante -, tout émue de faire du tourisme et de se retrouver devant la tombe de Jean-Paul Sartre .et… Simone Bolivar ! qui va vivre un instant unique, assise sur un banc dans un grand parc. Le reste est plus convenu… L’ineffable tandem Depardieu-Auburtin filme platement et ratent « Quartier Latin » ou les retrouvailles Gena Rowlands – qui signe le scénario de cet épisode – et Ben Gazzara, on s’émeut cependant sur ces deux acteurs mythiques. L’hommage aux films de vampire – avec une apparition de Wes Craven – malgré la belle présence d’Olga Kurylenko et le prolifique Elijah Wood – est assez vaine. Nobuhiro Suwa rate superbement sa cible dans « Place des Victoires », un tableau mystique avec Juliette Binoche qui semble se complaire dans les rôles spirituels, on se demande où le metteur en scène veut en venir avant d’être interloqué de voir Willem Dafoe en cow-boy fantasmé. Christophe Doyle avec « Porte de Choisy », tente un délire musical en utilisant la singulière personnalité de Li Xin de manière un peu vaine, mais on se réjouit à voir Barbet Schroeder comme acteur qui semble visiblement s’amuser. Le duo Fanny Ardant-Bob Hoskins dans « Pigalle » manque de flamme dans l’épisode signé Richard LaGravenese. Isabel Coixet, avec « Bastille »,  déçoit dans une sorte de conte moral avec Sergio Castellito et Miranda Richardson. Gus Van Sant avec « Le Marais » ne se renouvelle guère. Certains tentent cependant de sortir du lot comme Olivier Schmitz, avec la belle Aïssa Maïga, ou Alfonso Cuarón dans « Parc Monceau » faisant un plan séquence avec Nick Nolte et Ludivine Sagnier et  Walter Salles, dans « Loin du 16ème » – en suivant la journée d’une jeune baby-sitter – joué par la lumineuse Catalina Sandino Moreno,  révélation de « Marie pleine de grâce » – sont les seuls à faire un constat social et nous rappellent que Paris est une ville qui loge surtout des privilégiés. Le film se révèle assez plaisant, bien que pas très original. C’est l’occasion – à moindre frais – de réunir quelques talents. Le film a fait aussi l’objet d’un album, dont l’intérêt m’échappe un peu. Le film a le mérite de vouloir montrer un Paris différent, cosmopolite et multiple,  qui a déjà donné bien d’émotions cinéphiliques.