Avant-première du film « Les aiguilles rouges » à l’UGC Cité-Ciné, en présence de son metteur en scène, Jean-François Davy, Jules Sitruk, Damien Jouillerot, Jonathan Demurger et Pierre Derenne. Le film vient de sortir ce mercredi. Il était intéressant de rencontrer son réalisateur après débat, enthousiaste,  qui a beaucoup de projets après son retour à la réalisation – son dernier film « traditionnel » est « Ca va faire mal » une comédie de 1982. Il  a un parcours atypique dans le cinéma français, répondant à des commandes plutôt que de rester sans projets. On luit doit un drame, son premier film « L’attentat » (1966)  sur un jeune homme fasciné sur les attentats de l’O.A.S. inédit, mais que l’on peut voir en DVD pour un prix dérisoire chez Cdiscount, une des rares réussites dans le fantastique français « Le seuil du vide » (1971), une comédie nonsensique écrite avec Jean-Claude Carrière « Chaussette-suprise » (1978) – avec déjà Rufus, Bernadette Lafont et Bernard Haller -et bien sûr des films érotiques, il vient de terminé un coffret DVD le 21/06/2006 riche en bonus, avec au programme des films : « Exhibition 1 et 2 », « Exhibition »,  « Plainte contre X »,  « Prostitution » + « Change pas de main » de Paul Vecchiali, « Exhibition » étant à la base un documentaire sur le tournage de ce dernier. Producteur avisé – les films de Jean-Daniel Pollet notamment, il était également responsable de l’admirable collection vidéo « Les films de ma vie ». Ce film-ci, tourné en 2005, aurait pût être son premier film, c’est un projet de longue date. Il retrace sa propre histoire – Le jeune comédien Jonathan Demurger – assez falot d’ailleurs – joue son rôle. Il se replonge dans les années 60, racontant un petit groupe de scouts égarés dans une montagne des Alpes – les images sont admirables – après avoir suivi un ordre imbécile du chef des scouts. « Les aiguilles rouges », sont celles qui servent à crever les ampoules de nos jeunes marcheurs.

Jean-François Davy

Le film par sa sincérité arrive à nous tenir en haleine sans ambages, recréant parfaitement des petites rivalités entre le groupe, une tension et une cruauté assez sourde. La guerre d’Algérie, est très présente en toile de fond, par les personnages des grands frères – celui du personnage de Damien Jouillerot -. Jean-François Davy a soudé le petite équipe par des répétitions, les jeunes comédiens sont très justes, mention spéciale à Damien Jouillerot – très à l’aise dans un nouveau registre celui de la colère – et Jules Sitruk – le rôle a été réécrit sur mesure pour coller à sa personnalité, subtil en lecteur assidu, un peu en retrait dans le groupe et craignant de devoir quitter son pays natal l’Algérie. L’évocation de la montage est habile, c’est lieu hostile et propre aux légendes – évocation des « dahus » -, on ressent bien l’hostilité de ces lieux si on part à l’aventure. Il y a quelques maladresses, inhérentes au fait que c’était un ancien projet, Jean-François Davy l’a produit lui même, et il devait s’imposer après presque 25 ans d’absence, un projet très personnel de longue date a parfois du mal à trouver son rythme lors de sa réalisation.  Le réalisateur a d’ailleurs retrouvé à Bordeaux, celle a qui il écrivait – les belles lettres finales sont de cette femme -, ce qui était un beau moment d’émotion. Le défilé d’acteurs confirmés – Richard Berry, Patrick Bouchitey…, seul Rufus a un rôle important en montagnard aguerri -, est plus une contribution à aider ce projets, mais il apporte peu finalement même si on a droit à la belle gouaille de Bernadette Lafont en infirmière revêche et un beau moment d’émotion de la part de Bernard Haller en grand-père de Jouillerot. Ce film d’initiation mérite que l’on s’y arrête, même s’il souffre de passer après plusieurs films sur ce sujet comme « Malabar princesse ». Jean-François Davy passionnant à écouter  – je me suis régalé à entendre son évocation du comédien Claude Melki – déborde désormais de projet, une comédie comme réalisateur – un quadragénaire voit sa compagne le quitter pour sa fille ! – et producteur « L’affaire Outeau » avec au commande Yves Boisset. Souhaitons lui bon vent !

ARTICLE : LIBÉRATION (mercredi 10 mai 2006)

Mes dates clés par Jean-François DAVY

« 1957. A 12 ans, en vue d’écrire un article de Jeunes années magazine, je me passionne pour la photographie. Techniques, chimie, tirages, je connais tout. Cela me conduit vers le cinéma, où je vois tout, sans aucun sens critique: péplums, films d’aventure, d’amour, westerns. Je rencontre Christine pour une grande amitié amoureuse épistolaire. Un baiser sur la joue dit la pureté de nos sensations érotiques. Sentiment de vivre les plus grands moments de bonheur de ma vie.

1959. En voyant les Quatre Cents Coups, premier flirt au cinéma, premier baiser sur la bouche. Je décide d’être réalisateur de films.

1960. Avec ma patrouille de scouts, nous nous perdons plusieurs jours dans le Brévent, au-dessus de Chamonix. Angoisse, danger, cela a failli très mal tourner. C’est le sujet des Aiguilles rouges, et l’occasion d’acquérir un sens des responsabilités: savoir ne pas dire oui systématiquement. En revenant, avec mes copains scouts, je tourne mon premier film en 8 mm, un polar inspiré par Maigret et Tintin, Vernay et l’affaire Vanderghen.

1966. Premier long métrage, l’Attentat. J’en épouse la comédienne principale, Dominique Erlanger.

1972. Le film de vampires que je devais tourner tombe à l’eau. Avec la même équipe d’acteurs et de techniciens, je tourne quinze jours plus tard Bananes mécaniques, une comédie paillarde, croisant deux genres à la mode: l’érotisme et les films des Charlots. Un million d’entrées. Score qu’égaleront les deux suites que je réalise: Prenez la queue comme tout le monde et Q.

1975. Exhibition, tourné en parallèle au film de Paul Vecchiali, Change pas de main, est présenté à Cannes. Il sera successivement classé Art et Essai, classé X, déclassé Art et Essai, déclassé X, reclassé Art et Essai. 3,5 millions d’entrées. En 1984, Exhibition est le premier porno programmé sur Canal +, diffusion autorisée par Mitterrand lors d’une partie de golf avec Rousselet.

1981. Jack Lang, ministre de la Culture, se livre à une chasse aux sorcières dans le milieu du cinéma porno français.

1982. Ça va faire mal, avec Ceccaldi, Menez, Guybet: un échec qui me met sur la paille.

1983. Je fabrique et j’édite ma première cassette vidéo, pour une collection de films X sous le label Prestige. J’initie en France la vente au public par correspondance, court-circuitant les vidéoclubs. Ça a marché tout de suite, et très fort: début de l’aventure de ma société Fil à Film, qui me propulse à la tête de 300 salariés.

1989. Année culminante de mon activité d’éditeur vidéo avec le lancement de la collection Les Films de ma vie et les oeuvres de Truffaut, Tati, Chaplin, Bergman, Godard, Rohmer. J’ai le sentiment que je ne pourrai plus faire mieux: il faut changer de métier.

1994. Au cours d’une randonnée en montagne, j’acquiers la conviction que je dois réaliser un film à partir de mon aventure adolescente. J’écris le scénario des Aiguilles rouges. Toutes les portes se ferment quand je veux le financer, l’Avance sur recettes, les télévisions, le CNC. Mais je rencontre Sophie, dont je tombe instantanément amoureux et que j’épouse peu après.

1998. Naissance d’Antoine et réalisation d’un rêve: acheter un appartement à Paris donnant sur la Seine.

2003. Je décide de financer les Aiguilles rouges tout seul, en prenant tous les risques et grâce au développement du DVD. Si je ne fais pas ça à 60 ans, je ne le ferais jamais.

2005. Tournage des Aiguilles rouges: mon vrai premier film? Réconciliation avec mes ambitions d’enfant.

A venir. Mon livre de souvenirs s’appellera le Cul entre deux chaises, titre qui résume mon existence, entre le film d’auteur et le cul commercial. J’éprouve un plaisir assez jubilatoire à ce que mes films soient reconnus par le regard cinéphile d’aujourd’hui. «