La position d’un spectateur est délicate quand il ne parvient pas à adhérer au propos d’un film, et que le metteur en scène, ici Nils Tavernier vient avec ferveur, un peu sur la défensive, défendre ce film, comme ce vendredi soir 24 mars à l’UGC-Cité Ciné Bordeaux. Je suis resté, hélas, à la porte de cet univers onirique, peut être déconcerté de ne pas retrouver la force du « Peau d’âne » de Jacques Demy ou celui de l’univers de Jean Cocteau. On ne peut cependant que louer la liberté de ce réalisateur, d’avoir réussi à faire ce qu’il avait voulu, ce qui risque, il en est bien conscient, de ne plus se reproduire. Le film est pourtant original, et Nils Tavernier a montré avec ses documentaires une acuité particulière au monde, une innovation constante – les images de synthèse pour « L’odyssée de la vie » (2006) sur France 2, des témoignages rejoués par des comédiens pour préserver l’intégrité d’anonymes qui parlent librement de leurs vies sexuelles – »Désir et sexualité » (2004) sur France 3. Le film vaut par la prestation de Margaux Chatelier rayonnante princesse Aurore, qui concilie grâce, dextérité – beau ballet spectaculaire sur des pointes, quand elle veut montrer son amour à un peintre – Nicolas Le Riche, excellent danseur mais piètre acteur -. La jeune danseuse était présente également ce soir là, elle est originaire de la Gironde, il fallait voir son radieux sourire, que l’on sent contenu durant tout le film. François Berléand – pressenti tout d’abord pour jouer le conseiller – donne de l’épaisseur à son personnage de roi défait et désargenté et Carole Bouquet avec son port altier nous fait croire sans difficulté qu’elle a été une brillante danseuse et digne. Thibaut de Montalembert fait par contre ce qu’il peut avec son personnage caricatural du conseiller du roi, fourbe sans panache. Mais Monique Chaumette en gardienne des souvenirs, nous ramenant à l’un des meilleurs films de Tavernier père « La passion Béatrice », est émouvante.

Carole Bouquet, Anthony Munoz & François Berléand

Les scènes de danses sont remarquables, parfois sensuelles, grâce à la chorégraphie originale de grands noms de la danse comme la mythique Carolyn Carlson, qui a adoubé le choix de Margaux Chatelier et la musique de Carolin Petit qui est remarquable. Mais le tout installe une petite distance si on n’est pas initié à cet art, il faut dire que le scénario est assez terne, malgré l’intervention de Jean Cosmos, dans ce royaume où la danse est bannie. Si à voir Nils Tavernier, on ressent sa pudeur – il chuchote volontiers les indications aux comédiens, il a un parcours d’acteur assez étonnant chez son père ou Catherine Breillat pour comprendre les comédiens -. Exigent et précis, il était un peu chagriné par les plaisanteries habituelles de François Berléand sur le tournage – arborant un panneau P.S.G. sur son dos et faisant rire la belle Margaux dans des scènes dramatiques -, le comédien a compris le climat que voulait installer le réalisateur. Il a bien sûr râlé devant l’effort des contraintes de son costume de roi – 25 kilos + 3 de couronne !  – et une chaleur accablante, mais a finit par être séduit par les scènes dansées. Tout comme un technicien, présent sur le plateau et roulant un peu les mécaniques, certaines personnes verseront une petite larme, il y avait des témoignages sensibles du public pour le confirmer. On voudrait aussi adhérer sans réserves avec le projet ouaté, risqué, naïf – sans sombrer dans la guimauve – et singulier de Nils Tavernier,  son intégrité à défendre son film, vraiment original… Mais cette tentative déçoit plus qu’elle ne séduit, c’est très dommage….