Dernier saut, à Paris, hier vendredi, toujours grâce à François Berléand, sur le tournage de « La comédie du pouvoir ». Archaïque comme je suis, n’ayant pas de portable, je me perds joyeusement deux bonnes heures, et arrive pour l’heure du repas. Là suit une belle conversation avec un François Berléand, très en verve et drôlissime, ainsi que la lumineuse Marilyne Canto et l’indispensable Yves Verhoeven, habitué des tournages de Claude Chabrol (« Madame Bovary », « Betty », « L’enfer », « La cérémonie », « Rien ne va plus ». Tous rivalisent de sympathie…

François Berléand reprend son rôle de grand patron mis en examen, Isabelle Huppert joue Jeanne, une femme juge, Marilyne Canto une juge également, Yves Verhoeven, un greffier nommé Janus ! et en plus il y a un de mes acteurs préférés Jean-François Balmer, barbu, venu par amitié, jouer un financier, nommé Baldi,  interrogé par Jeanne, ce dernier vous plonge dans son propre univers par sa seule présence.

Jean-François Balmer

Balmer a eu une longue collaboration avec Chabrol depuis « Le sang des autres » (1983), il a tourné « Madame Bovary » – où il était un formidable Charles Bovary,, « Rien ne va plus » et il l’a même eu comme partenaire dans « Polar » de Jacques Bral, ils formaient un couple homosexuel dans « Sam suffit » de Virginie Thévenet. Dernièrement dans un film de Jacques Grand-Jouan  – qui est passé ce jour lors du tournage, apportant trois bonnes bouteilles de vin à Claude Chabrol – : « Lucifer et moi », Claude Chabrol, qui joue l’homme de la rue, étrangle Balmer qui joue Lucifer ! Ce film en noir et blanc et caméra légère qui vient d’être terminé est assez incroyable, on y retrouve Pierre Etaix, mais aussi Orson Welles, Eugène Ionesco, Roland Dubillard, dans des images non montées tournées précédemment.

Jean-François Balmer a un beau dialogue face à Isabelle Huppert en juge stoïque, c’est un beau morceau de comédie sur la noirceur des affaires. Le chef opérateur Eduardo Serra impressionne toujours par sa discrétion et son professionnalisme. Et Claude  Chabrol aidé de la bonne humeur d’Aurore Chabrol et de Cécile Maistre. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui poser la question stupidissime, du pourquoi du surnom de « Chacha » que donne l’équipe à M. Chabrol. Cécile Maistre enfant, ne pouvant l’appeler « papa » – son père  étant François Maistre », vint le sobriquet de « Chacha » et qui reste désormais. François Berléand ayant terminé ses scènes du jour hélas – il va tourner ensuite « Le dernier harnais » film de Florence Moncorgé-Gabin. 

j’ai pu discuter avec Yves Verhoeven, formidable comédien, d’une grande modestie. Je lui parle de son portrait dans secondscouteaux.com et ses infos me permettent de lui faire une fiche pour Les gens du cinéma.

Yves Verhoeven

J’ai eu donc une belle discussion avec lui, je l’avais croisé avec son premier enfant et je n’avais pas osé l’aborder, et j’aurais pu le croiser sur le tournage d' »Edy » où il joue un inspecteur, ce qui est assez curieux finalement. Il me parle des vicissitudes de son métier, des belles rencontres comme Claude Miller, Guillaume Nicloux, Jacques Audiard et bien sûr « Chacha » que lui avait présenté Cécile Maistre, cette dernière l’ayant dirigé également  sur le court-métrage « L’acrobate » en 1997. Yves Verhoeven est lucide, très « bosseur » et humainement quelqu’un de bien en plus. Souhaitons-lui plein de beaux rôles, son registre le lui permettant, le moniteur de « La classe de neige » par exemple.

Seconde rencontre avec Jean-François Balmer, stature impressionnante et très abordable, on parle un peu de tout, en vrac, de son goût pour le théâtre et des comédiens – il était épatant en animateur de radio libre dans « Le quart d’heure américain », de ses rôles coupés de Napoléon dans « Le radeau de la méduse » – La même année que son Louis XVI dans « La Révolution française »,qui a connu un tournage difficile sur plusieurs années et sa scène avec Jacques Villeret dans « La gueule ouverte », une scène de beuverie coupée donc, mais que l’on retrouve dans la version DVD dont Jean-François a fait le commentaire. Il continue ses épisodes de « Boulevard du Palais », tant qu’il peut y apporter des répliques et des touches personnelles, un grand monsieur, exigeant, passionné et très abordable.

Marilyne Canto

Troisième rencontre avec Marilyne Canto, qui a attendu toute l’après-midi, pour une scène repoussée finalement, je lui parle de son exigence – elle m’a beaucoup touché dans « Le lait de la tendresse humaine » de Dominique Cabrera -, elle a des retours de ce fait par les metteurs en scènes désormais. Elle prépare un moyen métrage avec Antoine Chappey, comme réalisatrice après « Nouilles ». C’est une femme très attachante.

Le tournage se termine, Aurore et Claude Chabrol, s’éloignent, je serai bien resté à regarder la totalité du tournage, mais le clivage cinéphilie-réalité n’a qu’un temps. La figure sympathique de Claude Chabrol ne fait que me faire encore plus aimer son oeuvre, et j’ai envie de prendre la même devise qu’il citait dans son livre « Et pourtant je tourne » que je lui ai fait signer : « Oncques ne m’emmerde ». Bon vent à toute cette formidable équipe.