Avant-première le 1er juin 2010, à l’UGC-Ciné Cité du film de Romain Goupil, « Les mains en l’air », en sa présence. 2067, dans le futur, Milana se souvient de son enfance. En 2009, des enfants du 18ème débrouillards et canailles se réunissent en bande, ont des petites combines, et utilisent internet pour resquiller sur leurs devoirs. Milana est un peu la chef de bande, elle est tchéchène et vit avec sa mère et sa famille. Un jour le petit Youssef, son camarade, est reconduit à la frontière. C’est désormais le tour de Milana et des siens d’être sur la sellette, mais elle peut compter sur ses amis Alice, Claudia, Ali et Blaise dont la mère Cendrine réagit très vite à cette situation en l’accueillant chez elle. Malins, les gamins font preuve d’une ingéniosité solidaire et utilisent les nouvelles technologies, voir l’exemple de la sonnerie des portables à ultrasons, non perçue par les adultes. En aparté, il reconnaissait ne pas vouloir savoir tout ce que faisaient ses propres enfants, et que d’ailleurs ses parents étaient loin de soupçonner son enfance turbulente. Le point de départ est une anecdote de l’une de ses collaboratrices qui a adopté un petit enfant vietnamien. Certains de ses camarades à l’école sans-papiers ont été expulsés, l’enfant a alors demandé quand c’était son tour. La mère s’est trouvée dans l’impossibilité de lui expliquer cette situation, comment justifier selon Goupil l’injustifiable et qu’il y aurait de « bons » étrangers d’un côté car naturalisés français et d’autres mauvais donc indésirables, la situation est donc inadmissible. Il citait aussi l’exemple de la comédienne Sandrine Dumas, qui dans une situation analogue a recueilli un enfant sans-papiers. D’où une vision via l’avenir – où Milana ne se souvient plus quel était le Président de la République d’alors -, avec une incompréhension légitime. Goupil reste iconoclaste et passionnant – pour l’avoir vu plusieurs fois présenter ses films dont ‘À mort, la mort’, ne manquant pas de déstabiliser parfois ses interlocuteurs. Il donne au travers du personnage du frère virulent de Cendrine, joué par Hippolyte Girardot, l’occasion d’exprimer une opinion inverse, quand il ironiste sur sa sœur en parlant des Justes de la seconde guerre mondiale. Il ne fait pas donc d’amalgame avec une période noire de notre pays, comme il a répondu à l’une des intervenantes.

Romain Goupil, Jules Ritmanic, Louna Klanit, Linda Doudaeva et Valeria Bruni Tedeschi dans « Les mains en l’air »  © Les Films du Losange 

Il évite tout manichéisme en défendant la police – la scène d’interrogatoire ayant marqué l’un des interlocuteurs dans la salle-, saluons au passage Florence Muller, actrice fétiche de Bruno Podalydès qui joue ici une commissaire opiniâtre. Cendrine, jouée par une Valeria Bruni Tedeschi radieuse, a une attitude selon son réalisateur de louve, épidermique, elle recueille Milana sans même demander son avis à son mari – joué par Goupil lui-même -. A noter que la comédienne annoncée, n’est pas venue, mais on la comprend, car elle semble légitimement agacée par le questionnement habituel sur le fait de savoir si sa sœur a vu le film. Goupil a narré une anecdote, lui disant de répondre aux journalistes pressants de savoir si leur propre sœur avait vu le film, sur quoi elle aurait répondu une sorte de « et ta sœur » assez confus. Cette comédienne continue avec conviction un parcours exemplaire et exigeant, loin des contingences de sa belle-famille. Loin de n’être qu’un plaidoyer, le film est ludique, avec un côté « les disparus de Saint-Agil », les gamins trouvant une parade pour éviter l’expulsion de leur amie, le film prenant alors l’allure d’un conte, alors, mais toujours avec un fond documentaire. Les enfants sont tous très justes, les spectateurs ont remarqué la présence et l’aura de la petite Linda Doudaeva, présentée par une famille lyonnaise d’origine tchéchène aidée par le réalisateur. A noter que c’est sa propre mère qui joue celle de la petite Milana, elle « accroche » également la lumière comme sa fille, selon Romain Goupil. Deux intervenantes ont parlé du problème des expulsions très présent sur Bordeaux, l’une s’occupait d’une association et faisait remarquer que dès que certains enfants deviennent majeurs ils sont renvoyés à la frontière et une mère de famille évoquait plusieurs cas dans l’école de ses enfants. On ne peut que saluer son réalisateur, le cinéma français, étant on le sait, pas toujours prompt à parler de notre actualité. Il poursuit ses envies, à son rythme et garde toujours une acuité, même si elle est parfois à contre-courant.