Annonce de la mort de Clément Harari le 16 mai dernier, à Sèvres où il habitait, par les gens du cinéma, faite par sa petite fille Morgan. Max Biro avait publié pour le site Altermonde-sans-frontières.com, la passionnante et foisonnante histoire de sa vie « Le roman biographique de Clément Harari » en 17 parties. Il définissait bien son utilisation au cinéma : « …Il se jura de ne plus être sage, il eut raison. De ce jour, il fit les films avec Constantine, et au bout de chacun trouvait autre chose. Il n’est pas un rôle de petite fripouille, huissier, trafiquant juif, usurier ou diable, notaire ou scorpion d’outre-mer que l’on ne pensa à lui, cantonné dans le mal… ». Il est vrai qu’il excelle dans les méchants, il vole même la vedette face à l’impressionnante galerie d’affreux dans « Les espions » (1957) d’Henri-Georges Clouzot, film à revisiter malgré la phrase assassine d’Henri Jeanson faite à son auteur « Clouzot a fait Kafka dans sa culotte ». Voir roder Clément Harari est déjà pour le spectateur objet d’inquiétude. Le cinéma français peu imaginatif face aux fortes personnalités le cantonne dans des rôles d’hommes de main ou de malfrats. Il est ainsi un honnête commerçant dans « Échec au porteur » (1957), qui est en fait un redoutable trafiquant entouré des inquiétants Gert Froebe et Reggie Nalder. Il est rare de le voir dans un autre emploi, notons cependant l’installateur de juke-box dans « Une aussi longue absence » (Henri Colpi, 1960) désorienté face à Alida Valli. Ses personnages sont souvent envahissants. Il est irrésistible en manager d’une troupe de danseuses dans « Cargaison blanche ». Il faut le voir déplorer dans un cabaret qu’elles ne suscitent pas l’intérêt du public présent. Il sera impitoyablement envoyé à la porte par son « écurie » quand il voudra entrer dans leur loge. Dans « Charade » (Stanley Donen, 1962), il est un touriste allemand, paisiblement attablé à la terrasse du café. Audrey Hepburn en pleine filature du personnage incarné par Cary Grant, s’installe auprès de lui pour mieux se dissimuler. Hélas pour elle, car Harari devient particulièrement collant, lui lançant des « Fraulein » énamourés pensant que la belle a succombé à son charme. Il n’aura jamais manqué, en réaction contre son emploi dans des personnages déplaisants, d’autodérision, son regard bleu trahissant une malice. On le voit même en femme (!) dans « Compartiment tueurs », pocharde hallucinée dans un café, et en fou qui se voit en sosie d’Einstein dans l’ahurissant « Tais-toi quand tu parles ». Il joue même l’amant que l’on devine être célèbre de Jane Birkin dans « La moutarde me monte au nez »… totalement de dos ! Il est formidable en savant fou pour Georges Franju dans la série télévisée « L’homme sans visage » (1973) sur un scénario avisé de Jacques Champreux, et dans « Les nuits rouges » montage différent de la précédente version et qui fut diffusée en salles. Claude Beylie le saluait ainsi dans la revue « Écran 75 » N°32 : « …Le personnage du docteur Dutreuil, par exemple, superbement incarné par Clément Harari, est une charge inénarrable de tous les médecins fous de l’écran, de « Galigari » à Phibes », jusqu’au Pierre Brasseur dans « Les yeux sans visage », il roule des yeux exorbités comme aux plus beaux jours du Grand-Guignol ». Les mânes de Frédérick Lemaître ont dû rougir d’aise ». Il est à l’aise dans l’humour noir tel son rôle de parrain inquiétant dans « Vous ne l’emporterez pas au paradis ». La démesure lui sied toujours. Il est un « très méchant » échappé d’un cartoon dans « Valparaiso, Valparaiso » (Pascal Aubier, 1970). Du trio de bourreaux qu’il forme avec Hans Meyer et Rufus, torturant un imperturbable Alain Cuny, il est assurément le plus dangereux, jouant de l’arme blanche à grand renfort de rires sardoniques, dans un grand moment de burlesque. Dans « Tous le monde peut se tromper » (1982), il est un joaillier très sympathique, philosophe et prévenant pour son employée jouée par Fanny Cottençon, le scénario sera pourtant cruel avec son personnage. Il est hallucinant dans « La note bleue » (1990) où il est un démon païen et muse de la création pour le couple George Sand – Frédéric Chopin. Il entre à son aise dans l’univers survolté d’Andrzej Zulawski et montre ses capacités burlesques. Il trouve peut être son plus beau rôle en rabbin dans « Train de vie » (1997), très beau film de Radu Mihaileanu, variante de « La vie est belle » de Roberto Benigni, mais une folie salvatrice et une subtilité en plus. Le théâtre lui a donné plus de satisfactions que le cinéma – dans des mises en scène de Robert Hossein, André Engel ou Marcel Maréchal -. Il était également metteur en scène de théâtre. Nos pensées vont à sa famille. 

 

 

Dans « Maigret et la fenêtre ouverte »

 

 

Filmographie établie avec Christophe Bier et Armel de Lorme, initialement établie pour « Les gens du cinéma » : 1941  La terre du Nil (André Vigneau) – 1950  Nous n’irons plus au bois (Claude Sautet) –  1952  It happened in Paris (C’est arrivé à Paris) (Henri Lavorel & John Berry) – 1954  Ca va barder (John Berry) – 1956  Notre dame de Paris (Jean Delannoy, rôle coupé au montage ?) – Les louves (Luis Saslavsky) – Que les hommes sont bêtes (Roger Richebé) – L’homme et l’enfant (Raoul André, rôle coupé au montage ?) – La traversée de Paris (Claude Autant-Lara) – Mon curé chez les pauvres (Henri Diamant-Berger) – 1957  Les espions (Henri-Georges Clouzot) – Marchands de filles (Maurice Cloche) – Tamango (John Berry) – Cargaison blanche (Georges Lacombe) –  Me and the colonel (Moi et le colonel) (Peter Glenville) – Échec au porteur (Gilles Grangier) – 1958  Arrêtez le massacre (André Hunebelle) – En cas de malheur (Claude Autant-Lara) – 1959  La nuit des espions (Robert Hossein) – Le saint mène la danse (Jacques Nahum) – Fanny (Id) (Joshua Logan) (rôle coupé au montage ?)  – Une aussi longue absence (Henri Colpi) – La fête espagnole (Jean-Jacques Vierne) – 1961 Cause toujours mon lapin (Guy Lefranc) – Le couteau dans la plaie / Five Miles to Midnight (Anatole Litvak) – 1961/62  The longest day (Le jour le plus long) (scènes sous la direction de Darryl F. Zanuck) –  1962  Le diable et les dix commandements [épisode  « Homicide point ne seras »] (Julien Duvivier) – Le scorpion (Serge Hanin) – Champagne flight (Lewin) (sous réserves) – Les bricoleurs (Jean Girault) –  Charade (Id) (Stanley Donen) – 1963  Des frissons partout (Raoul André) – Le train (John Frankenheimer, rôle coupé au montage ?) –  Les aventures de Salavin / La confession de minuit (Pierre Granier-Deferre) – 1964  Sursis pour un espion (Jean Maley) – Les gorilles (Jean Girault) – Passeport diplomatique, agent k 8 (Robert Vernay) – Compartiment tueurs (Costa-Gavras) – 1965         Le spie uccidono a Beirut (Les espions meurent à Beyrouth) (Nino Loy & Luciano Martino) – Pleins feux sur Stanislas (Jean-Charles Dudrumet) – Monkeys, go home ! (Andrew Mac Laglen) – 1966  Roger La Honte (Ricardo Freda) – Triple cross (La fantastique histoire vraie d’Eddie Chapman) (Terence Young) – Sette volte donna (Sept fois femmes) (Vittorio de Sica) – 1968  La belle cérébrale (Peter Foldes,  voix seulement) – Faites donc plaisir aux amis (Francis Rigaud) – 1970  Valparaiso, Valparaiso (Pascal Aubier) – Macédoine (Jacques Scandélari) –  1973  Nuits rouges (Georges Franju) – Défense de savoir (Nadine Trintignant) – 1974  La moutarde me monte au nez (Claude Zidi) – Vous ne l’emporterez pas au paradis (François Dupont-Midy) – 1976  March or die (Il était une fois la légion) (Dick Richards) – 1978  Ils sont grands ces petits (Joël Santoni) – La petite fille en velours bleu (Alan Bridges) – Once in Paris (Frank D Gilroy) – Les égouts du paradis (José Giovanni) – 1979            Gros câlin (Jean-Pierre Rawson) –  The fiendish plot of Dr. Fu Manchu (Le complot diabolique du Dr. Fu Manchu) (Piers Haggard) –  1980  Inspecteur La Bavure (Claude Zidi) – Docteur Jekyll et les femmes (Walerian Borowczyk) – 1981  Ingenjör Andrées luftfärd (Le vol de l’aigle) (Jan Troell) – Tais toi quand tu parles ! (Philippe Clair) – 1982  La déchirure (Whaim Dia Mokhouri) – Tout le monde peut se tromper (Jean Couturier) – 1983  La garce (Christine Pascal) – 1987  Saxo (Ariel Zeïtoun) – 1988  Radio corbeau (Yves Boisset) – 1989  J’aurais jamais dû croiser son regard (Jean-Michel Longval) – Milena (Véra Belmont) – 1990  La note bleue (Andrzej Zulawski) – Isabelle Eberhardt (Ian Pringle) – 1991  Les clés du paradis (Philippe de Broca) – 1996  Un amour de sorcière (René Manzor) – 1997        Train de vie (Radu Mihaileanu) –  2003     L’heure dite (TomHarari, CM) –Le grand rôle (Steve Suissa). Nota : Clément Harari a participé à ses débuts à plusieurs films égyptiens non identifiés.

Télévision : (notamment) 1955  L’ombre du cardinal (Stellio Lorenzi) – 1956  Entre chien et loup (Claude Barma) – Le révizor (Marcel Bluwal) – 1958  La fille de la pluie (Jean Prat) – 1959  Le juge de Malte (Bernard Hecht) – 1960  L’histoire dépasse la fiction : Lorenzino de Médicis (Jean Kerchbron) – Le fils du cirque (Bernard Hecht & Brigitte Muel) – 1961  Le petit ramoneur (Gérard Pignol) – Flore et Blancheflore (Jean Prat) – 1962  L’inspecteur Leclerc enquête : La trahison de Leclerc (Marcel Bluwal) – 1963  Commandant X : Le dossier Pierre Angelet (Jean-Paul Carrère) –  Le chemin de Damas (Yves-André Hubert) –  Monsieur Laplanche (Bertrand Dunoyer) – 1964  Le théâtre de la jeunesse : Le matelot de nulle part (Marcel Cravenne) –  Les beaux yeux d’Agatha (Pierre Cardinal) – Alerte à Orly (Jacques Renzo-Villa) – 1965  Ce fou de Platanov (François Gir) – David Copperfield (Marcel Cravenne) – Théâtre de la jeunesse : Une certaine jeune fille : Marie Curie (Claude Santelli) – Les facéties du sapeur camember (Pierre Boursaus) – 1966  Théâtre de la jeunesse (L’homme qui a perdu son ombre) (Marcel Cravenne) – Le parfum de la dame en noir (Yves Boisset) – 1967  Huckleberry Finn (Marcel Cravenne) –  La prunelle (Edmond Tyborowski) – La valse de Monsieur Bontemps (André Teisseire) – Antoine et Cléôpatre (Jean Prat) – 1968  Graf Yoster gibt sich die Ehre (Le comte Yoster a bien l’honneur) : Fiat Justicia (Michael Braun) – Les grandes espérances (Marcel Cravenne) –  1969  Que ferait donc Faber ? (Dolorès Grassian) – Allô police : La petite planète (Pierre Goutas) – Thibaud ou les croisades : Les pèlerins (Henri Colpi) – 1972  Mauprat (Jacques Trébouta) – La malle de Hambourg (Bernard Hecht) – 1973  L’Alphomega (Lazare Iglèsis) – L’homme sans visage (Georges Franju, série TV) -1975  Les Rosenberg ne doivent pas mourir (Stellio Lorenzi) – 1976  Commissaire Moulin : La surprise du chef (Jacques Trébouta) – Lulu (Marcel Bluwal) – Pas d’orchidée pour Miss Blandisch (Robert Hossein, captation) – 1979   Les dossiers éclatés : Mort non naturelle d’un enfant naturel (Roger Kahane) – 1980  Mont-Oriol (Serge Moati) – 1983  Par ordre du Roi : Madame Tiquet (Michel Mitrani) –  Merci Sylvestre : Du caviar dans le ketchup (Serge Korber) – Louisiane (Philippe de Broca) (version TV seulement) – 1984  Disparitions : Double fond (Yves Ellena) – 1986  Le maestro (Serge Korber) – Monte Carlo (Anthony Page) – 1988  Palace (Jean-Michel Ribes) – 1989  L’or du diable (Jean-Louis Fournier) – Les cinq dernières minutes : Ah ! mon beau château (Roger Pigaut) – Une fille d’Ève (Alexandre Astruc) –  1990  La goutte d’or (Marcel Bluwal) – La nuit des fantômes (Jean-Daniel Verhaeghe) – 1991  Le gang des tractions : Station liberté (François Rossini) – Blood and dust (Les croisades) (Jim Goddard) – L’affaire Seznec (Yves Boisset) – 1994  Highlander : Prodigal son (Dennis Berry) – 2000  Maigret : Maigret et la fenêtre ouverte (Pierre Granier-Deferre).

Remerciements : à Jean-Jacques Jouve

Mise à jour du 22/07/2009