Skip to main content

LA TETE DE MAMAN

Il y avait eu une avant-première à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux du premier long-métrage de Carine Tardieu, « La tête de maman », le 9 février dernier, en sa présence et celle de sa jeune interprète Chloé Coulloub. Le souvenir du film sorti ce 28 mars, est resté vivace, ce qui n’est pas si fréquent. Lulu, 15 ans, vit dans une région tranquille de la France, avec son père Antoine, un ingénieur souvent absent – Pascal Elbé – et sa mère, Juliette, une hypocondriaque patentée – Karine Viard dans une étonnante composition de l’éditrice survoltée dans « Les ambitieux » de Catherine Corsini, traînant une éternelle langueur. Cette dernière est plus à l’écoute de ses embarras gastriques que sa fille. Sa fille, éternelle révoltée, est bagarreuse et n’hésite pas à partager des coups de poing, avec son copain de classe Simon et ne ménage pas beaucoup sa grand-mère – Suzy Falk, formidable comédienne belge -. Elle s’invente une mère de substitution, qu’elle fantasme en la présence de Jane Birkin – excellentes interventions de Jane, jouant avec délectation l’imagination de la réalisatrice. Un jour Lulu, tombe sur un film super-8, où adolescente, elle avait un grand sourire, elle était amoureuse d’un certain Jacques Charlot. Lulu tente de retrouver ce dernier vingt ans après, histoire de comprendre pourquoi le sourire de sa mère s’est volatilisé. L’histoire de ce film, provient d’un coup de cœur du producteur Christophe Rossignon – qui fait son habituelle apparition dans les films qu’il produit, ici en patron de café dépenaillé – pour les deux premiers courts-métrages de la réalisatrice – « Les baisers des autres » (2002) , « L’aîné de mes soucis » (2004) -. En effet, il l’avait rencontrée dans un festival, et avait accepté de visualiser ses films sur un lecteur DVD, tout en déclarant ne plus vouloir du tout produire de premiers films. Mais emballé par le résultat, il lui commande son premier long, alors qu’elle n’avait pas de projets particuliers. Elle écrit donc ce film, avec Michel Leclerc rencontré lors de l’écriture d’une série sur France 2 : « L’âge sensible » éphémère série abandonnée rapidement par la chaîne, alors que Martin Winckler la défendait avec enthousiasme. Le tandem Michel Leclerc – qui avait réalisé « J’invente rien », un film décalé très drôle avec Elsa Zylberstein et déjà Kad Merad, apportant un humour proverbial, et Carine Tardieu, plus dans la gravité et la rêverie, donne un étonnant cocktail doux amer.

Chloé Coulloub & Karine Viard

Ce premier film est une très bonne surprise, Chloé Coulloub vu vite après dans le téléfilm d’Alain Tasma, « La surprise » où elle jouait la fille peu compréhensive de Mireille Perrier, a un tempérament étonnant. La jeune comédienne a d’ailleurs un sacré aplomb, qui lui a permis de décrocher presque immédiatement le rôle lors des castings. Elle a dû juste prendre un peu de poids pour ne pas donner trop d’assurances dans sa composition. Elle déclare d’ailleurs avoir abandonné l’école à 16 ans, et sans faire la fausse modeste, se déclare assurée de réussir dans ce métier. Pourquoi pas finalement, car c’est une nature qui devrait visiblement exister au cinéma. Ce film est un hommage de Carine Tardieu, à sa mère, dont le destin a été – sans vouloir déflorer l’histoire du film – le même que celui du personnage de Juliette. Le film est poétique, onirique et décalé, du personnage de Pascal Elbé poétisant un travail que l’on imagine austère, au personnage joué par Kad Merad – celui de Jacques, qui déçoit de prime abord la jeune Lulu « … Qu’est-ce qu’il a pris dans la gueule en 20 ans ! », dit-elle en commentaire. On s’attache rapidement aux personnages, pour savoir ce qui se passe dans « la tête de Maman ». La mise en scène est d’une inventivité constante, aussi bien dans la forme que dans la narration. Dans un cadre suranné, elle arrive aisément à faire naître l’émotion. Tous les comédiens sont d’ailleurs excellent, Chloé Coulloub, donc en ado effrontée, Karine Viard en mère éthérée, Kad Merad qui en vétérinaire dans un zoo, continue à nous prouver son grand talent et Pascal Elbé – dans un personnage en retrait, ce dont il semblait un peu souffrir selon sa réalisatrice, par ses interventions souvent ponctuelles. A noter quelques personnages secondaires juste, comme une Lisa Lamétrie envahissante rendant visité à Juliette, ou Jérôme Kircher, compagnon de route de Juliette adolescente. Carine Tardieu a une grande conviction comme réalisatrice, c’était un régal de l’écouter, dans ses choix de mise en scène, ou dans ses évocations d’instants imprévus, comme le léopard, tétanisant Karine Viard, d’où une scène où elle regarde dans le vague avec Kad Merad, la réalisatrice ayant oublié au couple de sourire. L’univers de cette cinéaste est donc à suivre assurément.

« LES COUILLES EN OR » DE JEAN-PIERRE MOCKY

Un ami qui connaît bien Jean-Pierre Mocky, mais qui tient à être discret, m’a montré le fameux film pornographique « Les couilles en or », réalisé en 1973 ou 1974 par notre  bateleur… Quelle surprise…  il existe !  Pour être honnête, je ne croyais pas trop à son existence, pensant que c’était une affabulation de notre provocateur préféré. J’avais même poussé le vice jusqu’à vérifier dans les catalogues du CNC, qui répertoriait de manière exhaustive les génériques des films pornos de l’époque, s’il y avait bien un « Serge Bateman » –  son pseudo -, en vain… Mais il est vrai qu’il était le premier à avoir mis des inserts hards dans « L’ombre d’une chance » que j’avais déjà évoqué ici-même. Le palpitant s’emballe, découvrir cet incunable, qui circule sous le manteau sous forme d’une VHS au-delà de l’anémique, est une chance inouïe pour l’amateur de Mocky que je suis. Mocky en parlait dans son « M  le Mocky  » : « …Les Allemands payaient 400 000 francs pour un film porno. Je portais un masque. Sur mon T-shirt était brodée la tête de Batman. En trois jours nous avons bouclé « Les couilles en or ». Le film signé Serge Bateman m’a rapporté 2000 000 francs. Ce fut le tournage le plus chaste que j’ai jamais connu. Les candidates qui s’étaient présentées étaient à cent lieues des reines du porno. J’ai reçu entre autres, une fille de la Comédie Renaud-Barrault. La plus intéressante était une ouvrière d’une usine de roulements à billes, un physique pulpeux à la Viviane Romance. Elle me déclare tout de go : « J’ai un beau vagin »… ». » (sic !)  Il présentait aussi sur le veb ce film, comme un acte de révolte carrément hardcore, en réaction à la « libéralisation suffocante du porno sous Giscard » … Quelle énigme que ce film, car une petite légende, alimentée par Mocky lui-même, circulait allégrement… Le film était détruit par le mari très riche d’une des comédiennes, ayant acheté le négatif au producteur, à l’instar de celui d’Hedy Lamar, qui fit racheter toutes les copies du film « L’Extase » (Gustav Machaty, 1933), où la belle actrice figurait nue. Il  parlait hier encore de ce film, dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché », avec son sens de la provocation habituel… L’histoire, Camille, un jeune cadre, aux allures – très vagues – de play-boy, fait part à son ami Édouard  – acteur à la pilosité épouvantable -, de son intention d’épouser la charmante – et très riche – Janine  – ce doit être l’actrice de chez « Renaud-Barrault », vu son « jeu » très statique -. Il met à profit ses fréquents déplacements pour dissimuler à son épouse actuelle cette nouvelle union. Jaloux du succès de son confrère, Édouard s’empresse d’apprendre la nouvelle à Laura – femme de Camille -, qui saisit l’occasion d’une revanche contre son mari. La bigamie fait désordre, mais dans un porno… Janine, naïve, se rend pour un examen pré-conjugal chez le docteur qui, chaud lapin, ne manque pas d’abuser de la situation… La distribution qui m’est strictement inconnue, a dû prendre des cours chez « l’endive’s Studio ». Il reste le côté sociologique de voir les mœurs de l’époque, l’épilation n’étant pas monnaie courante dans les années 70… Cela dit il est d’ailleurs difficile de tout voir, tant l’image est de mauvaise qualité – il est vrai que c’est une pièce de musée. Il m’a d’ailleurs semblé reconnaître vaguement la silhouette – habillée – de Paul Muller, tenant une couple de champagne, lors d’une partouze mondaine, mais les plans peuvent provenir d’un autre film…  Le film, il faut bien le dire, n’est pas très passionnant, ni même excitant on peut sauver quelques scènes de luxure et de sadisme, très anodines d’ailleurs. Seule une réplique libertaire est mémorable, une partouzeuse recouverte du drapeau français (!) et qui déclare – »…passer de la verge gauchiste à celle mollassonne de ce bourgeois, c’est comme si je me tapais CENSURED« – suit le nom d’un célèbre homme politique dont je tairais le nom par simple lâcheté… Sacré Mocky, omniprésent dans les médias – pas autant que François Berléand et l’ineffable Roland Cayrol, vendeur de poudre aux yeux – pardon, je veux dire sondage -, il n’a pas fini de nous surprendre. Il vient de commenter ses affiches dans « Mocky s’affiche » chez « Christian Pirot », dans un livre à la très riche iconographie, et a offert en avant-première à 13ème rue – chaîne que je n’ai pas, hélas -, la primeur de son dernier film « Le deal », avec Jean-Claude Dreyfuss, Jackie Berroyer et Jean-François Stévenin. En attendant la prochaine salve des films de Mocky en DVD, prévue le 25 avril prochain : « Les vierges », « Divine enfant », « Noir comme le souvenir », « Chut ! », « Le mari de Léon », et deux inédits en salles, « Les ballets écarlates » et « Touristes, oh yes ! ». Mais je doute fortement que ces « couilles en or« , sortent un jour en DVD !