Retour aux sources, pour Paul Verhoeven, qui avec son vieux complice le scénariste néerlandais Gérard Speteman, retourne en Hollande pour un projet vieux de 20 ans, avec ce « Black Book », « Zwartboek », en V.O.. Évidemment, il était difficile d’attendre de la subtilité de la part de ce cinéaste, mais on pouvait le penser perverti par le système hollywoodien. De par le souvenir de ses premiers films provocateurs et mordants, on pouvait espérer au moins une œuvre plus personnelle. Le film est certes divertissant, le bougre a du métier et il arrive à nous tenir en haleine dans le style « Bécassine chez les Nazis ». On ne peut pas dire qu’il innove beaucoup, on pouvait retrouver le portrait d’une femme, prête à tout pour survivre dans l’adversité – dans « La chair et le sang » en 1985, où l’admirable Jennifer Jason Leigh bataillait avec les horreurs du XVIe siècle. Surprise, le cocktail gore, sexe et religion est ici sérieusement aseptisé. Le film est malgré tout aidé par le charisme de sa jeune interprète Carice van Houten. Elle joue Rachel Stein, jeune et séduisante chanteuse juive, voulant regagner avec sa famille, la partie de la Hollande libérée. Après bien des rebondissements, elle finit par rejoindre la Résistance et finit par infiltrer la Gestapo, occupé par un officier allemand Müntze – Sebastian Koch, traînant sa lassitude en nazillon repenti – qu’elle va séduire. Mais un effrayant officier SS, qu’elle a croisé dans de tragiques circonstance,s règne dans ce lieu par sa cruauté –  Waldemar Kobus au moins aussi drôle que Francis Blanche en Papa Schülz dans « Babette s’en va-t-en guerre » -. Rien ne lui sera épargné dans les épreuves… Il faut l’entendre dire « Tout cela ne cessera donc jamais ? » – allusion aux 2h25 de film ? -. La moralité du film est plus que douteuse, ne servant qu’à de vains retournements de scénarios, un officier nazi pouvant se révéler particulièrement sympathique.

Carice van Houten & Waldemar Kobus

Les notions de bien et de mal sont ici caricaturées et ne servent qu’à de redoutables effets de scénarios rocambolesques avec une musique de fond façon potage. Le petit jeu prévisible des faux-semblants est exploité à l’envi, et donne un effet d’un éloge flagrant de l’opportunisme. Verhoeven multiplie les fausses audaces, confinant au grotesque, comme la teinture de poils pubiens pour la jeune chanteuse histoire de faire plus aryenne ! Ces personnages sont des pantins ballottés par les événements, ces aliens insectes ou ces femmes fatales d’opérette pouvaient être plus crédibles, c’est dire. Les interprètes sont assez jouissifs dans le ridicule, comme Thom Hoffman, médecin résistant, Christian Berkel en général SS déterminé ou Derek de Lint en père possessif et résistant. Ce curieux mélange de mièvrerie, d’esbroufe, de bons sentiments et d’atrocités finit par avoir son petit effet rigolo. Le pire est que le réalisateur, se dit s’inspirer de faits réels, on se demande quel est le matériel de départ devant tant d’invraisemblances et de roublardises. Le film prend une vérité historique, un dixième de la population juive survivra au Pays-Bas, pour aboutir à une BD caricaturale, ce qui me semble vraiment malsain. Ce qui est difficilement compréhensible c’est un certain accueil critique favorable, sans créer de polémiques ce qui est assez décourageant. Heureusement que les chroniqueurs du « Masque et la plume », sur France Inter,  ont hier allégrement assassiné ce film, car je finissais par douter de ma santé mentale. Pierre Murat a finement comparé ce film avec « La chatte » d’Henri Decoin, film des années 50 avec Françoise Arnoul. C’est le même type d’histoire d’espionnage durant l’occupation, mais ce film ne se voulait qu’un honnête divertissement. Amateurs de nanars cultes, précipitez-vous ! Il est curieux que ce metteur en scène, avouant ses compromis avec le cinéma américain finisse par faire pire dans son pays d’origine. Le baquet de merde du film finit par être une métaphore assez juste de cette oeuvrette grotesque et boursouflée.