Après l’excellent « Révélations » de Michael Mann, on retrouve ici sur le mode cynique, le principe du lobbying du tabac. Ce petit cousin de « Lord of war », nous fait une habile description de ce monde de pression de groupes influents, souhaitant défendre leurs intérêts et faisant pression sur le pouvoir politique. Jason Reitman, fils d’Ivan Reitman – que l’on dit en petite forme ces derniers temps -, adapte ici un pamphlet de Christopher Buckler, il semble avoir hérité de l’humour de son père. Il se focalise sur la personnalité grinçante de Nick Taylor interprété avec maestria, par Aaron Eckhart, déjà très convaincant il y a peu dans « Conversation(s) avec une femme ». Arriviste cynique, grand maître de la rhétorique et grand manipulateur devant l’éternel, il finit toujours par se tirer des situations les plus épineuses. Il se réunit d’ailleurs avec deux de ses semblables, pour adopter des stratégies, chargés de représenter les lobbysmes de l’alcool – Marie Bello ironique – ou des armes – David Koechner déplaisant à souhait -. Cette joyeuse assemblée se nomme la M.O.D. Squad, abréviation pour « Marchands de mort », adopte une stratégie défensive pour mieux continuer à vivre de ces maux de la société, dans un climat défavorable aux toxines de toutes sortes, où les associations consuméristes ont enfin la parole. Séparé de sa femme, il finit pourtant par garder l’estime de son fils par son charisme – Cameron Bright à l’aise en petit surdoué -, par son art de l’expression orale. C’est cet autodidacte la meilleure des revanches, plus que la motivation non négligeable de pouvoir payer ses crédits. C’est une charge réjouissante contre le politiquement correct. Elle n’épargne personne et évite un prévisible côté moralisateur. Les répliques percutantes fusent de toutes parts. Il y a aussi ici de véritables trouvailles, comme de l’utilisation inattendue de patchs anti-tabac.

Marie Bello, David Koechner & Aaron Eckhart.

Il est vrai que la réalité est déjà matière à dérision. Prenons l’exemple assez croquignolet de Ted Turner, s’engageant à caviarder des plans des dessins animés de « Tom & Jerry », suite à la plainte d’une téléspectatrice. Tom, notre matou fumant dans deux épisodes, il donne ainsi le mauvais exemple à la belle jeunesse ! Il est vrai que l’on a du mal à voir ainsi une incitation à la tabagie issue d’épisodes anciens… Une aseptisation globale est ici dénoncée, à l’exemple des acteurs hollywoodiens privés de cet accessoire mythique, comme l’habile citation de l’histoire d’amour entre Lauren Bacall et Humphrey Bogart débutant par une cigarette dans « Le port de l’angoisse ». Nick Taylor remarque que seuls les psychopathes et les Européens fument désormais sur l’écran. Il fomente un plan machiavélique avec un agent prestigieux adepte du zen – impayable Rob Lowe -, pour envisager de faire fumer Brad Pitt et Catherine Zeta-Jones… dans l’espace après une torride nuit d’amour. La distribution est formidable, outre ceux cités on retrouve William H. Macy, désopilant en sénateur opportuniste, trop sûr de lui, en croisade contre le tabagisme, Katie Holmes – Mme de…-, en journaliste perverse, J.J. Simmons en petit chef énervé – dans un registre similaire à « Spider-man » -, Sam Elliott émouvant en cow-boy malboro malade et sur le déclin – fumant des cools ! -, et le grand Robert Duvall en mentor fatigué. Ces interprétations arrivent à sortir les personnages d’éventuels stéréotypes. Le film décortique ici certaines méthodes de communication, la cigarette n’étant qu’un prétexte à l’instar du revirement final concernant une autre controverse, la téléphonie mobile. Ce portrait au vitriol de la société américaine est mordant et salutaire et très bien écrit. De la roublardise hissée au niveau des beaux-arts…