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L’ÉTAT DE GRACE

Anne Consigny, « Mme la présidente », comme Al Gore, travaille avec « Apple » !

A voir le sieur Patrick de Carolis, faire des vœux pieux dans un numéro de septembre de « Télérama », on pouvait se demander s’il y a actuellement, des améliorations dans la fiction française via le service public. Il fallait le voir, figurer dans ce magazine, posant façon style Harcourt, avec un sourire encore plus effrayant que celui de Jean Lecanuet – mon traumatisme enfantin ! – Il est vrai que l’on peut avoir une certaine lassitude via bien des téléfilms, et retrouver un ennui habituel face à nos héros récurrents récurés. La fiction France Télévision  a souvent des qualités, quand elle table toujours sur les sujets de sociétés « Harkis », ou les téléfilms historiques « Les vauriens », « La volière aux enfants », etc… », en attendant la nouvelle mode des adaptations de faits divers.  Mais on le sait, on peut se souvenir des témoignages de scénaristes dans feu la revue « Synopsis », pour passer au Prime time, il ne faut surtout heurter personne, et surtout ne faire aucune preuve d’originalité. Petit saut chez « L’état de Grace », en 6 épisodes, réalisé par Pascal Chaumeil. C’est bien Grace et non grâce, c’est un jeu de mot infâme avec le prénom du personnage principal, enceinte durant son quinquennat -. Le public a boudé dès les premiers épisodes – les deux premiers épisodes furent classés 4ème en résultat d’audience ! -. Mais la distribution particulièrement brillante et le sujet abordé – la représentation des politiques – pouvait titiller notre curiosité. Cette mini série est présentée sous le format de 52minutes. C’est ici un procédé particulièrement roublard – le tout ne dépasse pas en fait les 100 minutes -, ce découpage permet en fait de placer entre les deux épisodes un écran de pub supplémentaire en contournant la législation, de là à croire que l’on nous prend pour des cochons de payants… Grace Bellanger – la délicieuse Anne Consigny, qui danse ici le tango comme dans le subtil « Je ne suis pas là pour être aimé » -, venant de la société civile et du militantisme, a été élue présidente de la République Française. C’est un coup de tonnerre dans le Landerneau politique, elle était au second tour face à face avec le socialiste Victor Tage – l’excellent André Marcon, pas vraiment gâté par son son rôle -, qui se retrouve Premier ministre, et la première présidente de la France, s’entoure de conseillers, et combat pour maintenir sa probité face aux arcanes du pouvoir et des sondages en baisse. La France est à la fois devenue le pays des fées, sorte de royaume d’opérette, avec une petite touche de cauchemardesque cependant, Ariane Massenet étant ici une animatrice à part entière ! – il faut la voir, tétanisée, avec l’aisance d’un condamné à la chaise électrique -. Évidemment quand on voit le romanesque de nos deux précédents présidents de la République, entre maladie, nudisme sur son lieu de vacances, bestiaire amusant, chiens ou canards, trahisons, cocufiages, passés troubles divers, on se dit pour reprendre un mot de Patrice Delbourg que la réalité dépasse l’affliction.

Anne Consigny & Zinedine Soualem

Évidemment, la fiction paraît bien mièvre en comparaison, on peut constater le même problème avec « Président », pâtissant de la mise en scène pataude de Lionel Delplanque, et où malgré le talent d’Albert Dupontel, on ne croit guerre à cette incarnation de cette personnification de l’État. Il fallait un peu plus de tonus, d’irrévérence et de crédibilité, à l’exemple des anglais dans « Les années Tony Blair » ou « The Queen », qui sort la semaine prochaine. Le scénariste Jean-Luc Gaget, peut être bridé par des cahiers des charges restrictifs, nous raconte une bluette, sans trouver ses marques. Il se perd en de toutes petites évocations de notre réalité – reprise du pssshittt chiraquien -, évocation plombée de personnages réels – Edith Cresson sacrifiée sur l’autel du machisme, Chirac réduit à être un ventre, Marc-Olivier Fogiel – au service du pouvoir, le dialogue précisant « Il nous doit bien çà ! » -. En prime, il s’auto cite, le personnage joué par Michèle Godet se nomme Clémence Acéra en référence à son film comme réalisateur. Il y a pourtant la caution de Christophe Barbier – chroniqueur régulier dans une émission d’Yves Calvi sur la Cinquième -, mais ces greffons ne font que surligner l’incohérence de l’ensemble. On pouvait voir à la rigueur, la réaction d’un homme désemparé de voir sa femme le dépasser. Dans cet emploi de « first man »,  Frédéric Pierrot fait ce qu’il peut pour animer l’ensemble. Mais son machisme et son problème de couvade flirtent avec la guimauve. La charge contre le pouvoir de l’image est bien niais, à l’instar de l’interminable casting du chien Jean-Paul. Les 6 épisodes semblent délayés, et la satire bien inoffensive. On peut sourire, notamment avec Martine Chevallier en mère dragon de Mme la présidente, où quand on voit André Marcon se servir d’un « Sac à hurler » – qui permet de crier sans se faire entendre -. Mais les personnages sont très caricaturaux, malgré le grand talent des acteurs, voir la distribution que j’ai complétée sur IMDB, il manque encore les noms des participants aux deux derniers épisodes, mais on dépasse déjà les 100 noms. Zinedine Soualem insuffle un peu d’humanité à son rôle de confident, Daniel Martin – son rôle est trop court – est formidable en leader de l’opposition particulièrement retord,  Bernard Ballet en père un peu paumé, Marie-Sonha Condé est irrésistible en séguélette – elle veille sur l’image de Mme la présidente -, Yves Jacques en conseiller qui se déride, Annelise Hesme est ravissante… Le moindre petit rôle est joué par de brillants comédiens, Philippe Laudenbach en serveur dissertant sur les estomacs de politiques, Jean-Pierre Becker en chef des Renseignements Généraux travaillant dans le secret, Rémy Roubakha en kiosquier sympathique, etc… reste que les rôles sont un peu légers pour une telle distribution. La mise en scène est très sage, même quand elle pille « Six feet under », avec des numéros musicaux rêvés ou des interventions intempestives des personnages à la Blier, regard caméra. Mais, quand on voit, l’audace, l’imagination et le talent aux États-Unis, dans les séries estampillées HBO, on se dit que décidément nos fictions TV traînent laborieusement la patte. Si la tâche de Patrick de Carolis, est de nous jeter dans un sommeil profond, en période électorale, il a pleinement rempli sa mission.

MORT DE DANIÈLE HUILLET

Jean-Marie Straub & Danièle Huillet

Nous avons ce jour, une pensée pour Jean-Marie Straub, à l’annonce de la mort de sa femme, Danièle Huillet, des suites d’un cancer, avec laquelle il fit un cinéma exigeant et radical.

Filmographie : Comme réalisatrice, auteur, monteuse et productrice, avec Jean-Marie Straub : 1962  Machorka Muff (CM) – 1965  Nicht versöhnt  oder es hilft nur gewalt wo gewalt herrscht (Non réconciliés : seule la violence aide où la violence règne, MM) – 1967  Chronik der Anna Magdalena Bach (Chronique d’Anna Magdalena Bach) –  1968  Der bräutigam, die komödiantin und der zuhälter (Le fiancé, la comédienne et le maquereau, CM) – 1969  Othon / Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer ou peut-être qu’un jour Rome se permettra de choisir à son tour – 1972  Einleitung zu Arnold Schonbergs « Begleitmusik zu einer Lichtspielscene »  (Introduction à la musique d’accompagnement pour une scène de film d’Arnold Schonberg) (CM) – Geschicht Suntericht (Leçons d’histoires) – 1974  Moses und Aaron (Moïse et Aaron) – 1976  Forti Cani / I cani del Sinaï / Die hunde von Sinai (Les chiens du Sinaï ) – 1977  Toute révolution est un coup de dés (CM) – 1979  Dalla nube alla resistenza / Von der wolke zum Widerstand (De la nuée à la résistance) – 1980  Trop tôp, trop tard – 1982  En rachâchant (CM) – 1984  Amerika, klassenverhältnisse (Amerika, rapports de classe) – 1986  Der Tod des Empedokles oder wenn dann der erde grün von neuem euch erglänzt (La mort d’Empédocle) – 1988  Schwarze Sünde (Noir péché ) – 1989  Cézanne (documentaire, CM, + narration) – 1992  Antignone –   1995  Lothringen ! (CM) – 1996 Von heute auf morgen (Du jour au lendemain) – 1998  Sicilia ! – 2000 Operai e contadini  (Ouvriers, paysans) –2003  Le retour du fils prodigue / Humiliés – 2004  Une visite au Louvre (documentaire) – 2006  Quei loro incontri (Ces rencontres avec eux) – Interprétation : 1971  Obrigkeitsfilm (Vlado Kristl) – 1983  Jean-Marie Straub und Danièle Huillet bei der arbeit an einem film (Harun Farocki, CM) – 1984  Cinématon N° 343 (Gérard Courant, CM) – 1999  Die musik seid ihr, Freunde ! – Danièle Huillet und Jean-Marie Straub bei der Arbeit an ihrem Film Sicilia ! (Andreas Teuchert, documentaire) – 2000  Sicilia ! Si gira  (Jean-Charles Fitouni, CM) – 2001  Cinéma de notre temps : Danièle Huillet / Jean-Marie Straub : Où gît votre sourire enfoui ? (Pedro Costa, documentaire, TV) –Montage seulement : Jane erschießt John, weil er sie mit Ann betrügt (Rudolf Thome, CM).

Signalons également la mort de Jean-Pierre Dougnac, dont on peut lire le portrait chez « Les gens du cinéma » et de l’égérie de la « Blaxploitation », Tamara Dobson, célèbre Cleopatra Jones.

DANS PARIS

Troisième film de Christophe Honoré, auteur complet avec « Dans Paris », écrit et tourné à toute berzingue a été présenté et salué à la quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes, en mai dernier. C’est incontestablement un auteur doué, trouvant ces marques malgré quelques afféteries dans ces deux premiers films. 17 fois Cécile Cassard a donné l’un de ses meilleurs rôles à Béatrice Dalle, et avait révélé un grand talent de composition chez Romain Duris – on se souvient de son interprétation de la chanson de « Lola » de Jacques Demy -, et « Ma mère », cherchait à trouver une équivalence dans l’œuvre majeure de Georges Bataille, avec un certain trouble. Pour la petite histoire, on se demande d’ailleurs ce vaut l’adaptation de « l’histoire de l’œil »  par le Belge Patrick Longchamps en 1975, intitulé « Simona », mais il faut préciser que Marcelle, l’adolescente est jouée par la pulpeuse Laura Antonelli ! Christophe Honoré trouve ici son rythme, son style est littéraire, mais c’est brillant et jamais écrasant. Guillaume – Romain Duris -, vit une sorte d’abattement moral suite à un chagrin d’amour avec sa compagne, Joanna, mère d’un petit garçon – singulière Joana Preiss, vue déjà dans « Ma mère » et qui a une très forte présence -. Il s’installe chez son père Mirko – Guy Marchand – et prend possession de la chambre de son jeune frère Jonathan, un infatigable jouisseur, énergique et un peu cradingue – Louis Garrel -, qui dort lui sur le canapé. La petite famille ne communique pas beaucoup, surtout depuis un drame familial que tous évitent d’évoquer -. Pour aider son frère, il va vivre avec intensité, pour faire vivre un peu par procuration son frère qui reste cloîtré dans sa chambre. Il décide de faire une course, jusqu’au « Bon marché » pour découvrir les décorations de Noël, Honoré retrouvant ainsi l’esprit de Jean-Luc Godard de « Bande à part », quand Anna Karina, Sami Frey et Claude Brasseur traversent le Louvres à toute vitesse. La grande idée du film, c’est l’inversion des emplois, on attendait évidemment Louis Garrel dans le rôle du dépressif comme son personnage dans « Ma mère » et Romain Duris dans le rôle du frère porteur d’énergie.

Guy Marchand & Louis Garrel

Louis Garrel est étonnant, l’on songe bien évidemment à Jean-Pierre Léaud – qui est un grand comédien, rappelons le sans cesse, et qui est d’ailleurs son parrain, Romain Duris dans l’introversion est ici, très touchant. On a plaisir à retrouver Guy Marchand, dans la tonalité qu’il avait dans les années 70-80, chez Maurice Pialat ou Claude Miller. Il est irrésistible en papa « bouillon de… » poule, aux portes de la précarité. Drôle et touchant, refusant devoir son neurologue, suite à des soucis de santé, c’est l’abattement de son fils qui le force à réagir. Il faut le voir transporter un énorme arbre de Noël, retrouver les mécanismes de la dispute avec son ancienne femme – Marie-France Pisier, sa partenaire dans « Cousin-Cousine » (Jean-Charles Tacchella, 1975). Cette dernière dans un bref rôle, est marquante dans la dureté et la sécheresse de cœur de son personnage. Si le film parfois arrive à trouver son rythme, le regard caméra de Louis Garrel fait un peu procédé, l’ensemble est cohérent, intense et très vivant. L’écueil des citations, est évité, le réalisateur digérant le travail de ses grands aînés, avec humour et irrévérence. S’il cite « La maman et la putain » – un de mes films de chevet – quand trois personnages couchent dans le même lit, la chanson au téléphone entre Romain Duris et Joana Preis évoquant irrésistiblement l’univers de Jacques Demy, ou la séance de lecture dans « Domicile conjugal » entre Claude Jade et Léaud, c’est pour mieux trouver un moteur car le film est bien ancré dans notre société contemporaine, avec une désillusion et le deuil d’une perte de l’innocence bien dans l’air du temps. . . Les « passantes » qui gravitent autour de Jonathan trouvent aussi une consistance, citons Alice Butaud, dans le rôle d’Alice, subtile dans un rôle de jeune femme blessée et un peu revancharde. La vision d’un Paris hivernal, débarrassé de ces clichés me semble formidablement juste.

INDIGÈNES

Amis blogueurs arrêtez de bloguer, citons en exemple hier un de mes concitoyens de 61 ans, Alain J. ayant traversé une période d’exil et de recul… Il avait, pour meubler cette période d’incertitude, ouvert son blog. A son retour il abandonne ce support, et tout lui souri, à méditer… Désolé, mais je dois surmonter un certain dégoût depuis que j’ai vu, dans le zapping de Canal+, le sinistre ludion écrivaillon Nicolas Rey – qui ne mérite pas sa presque homonymie avec Nicholas Ray, le cinéaste -, boire dans la bottine de l’infâme Alexia Laroche-Joubert dans « En aparté »… On attendait mieux de Pascale Clark, son émission pouvant désormais s’appeler « L’auberge espagnole ». Pitié Pascale ! on voit suffisamment d’horreurs en ce bas monde… Je digresse de plus en plus, c’est grave docteur ?

Parlons du film qui a touché notre vénérable président – enfin ce qu’il en reste -, « Indigènes ». Soucieux de ne pas laisser seulement lors de son passage à l’Élysée, le seul souvenir d’avoir celui qui a réhabilité le néologisme « abracadabrantesque », il daigne enfin s’occuper de la question des pensions versées aux anciens combattants. Tardive consolation pour ces vétérans de la seconde guerre mondiale, venant du Maghreb et d’Afrique noire, certains vivant dans des foyers Sonacotra -, avec un l’effet non rétroactif à déplorer. Organisons-lui donc des projections privées à l’avenir, la « Raison du plus faible » de Lucas Belvaux par exemple, sur la précarité, si ça semble le réveiller un peu. Pourvu que ne lui montre pas des classiques, comme « Vos gueules les mouettes », de Robert Dhéry, il va y voir un message contre une certaine nuisance sonore durant cette campagne électorale pourtant d’une grande tenue. Et le film lui-même… et bien il fait mentir  l’adage, « Les grands sujets ne font pas forcément des bons films ». Au-delà du devoir de mémoire, son cinéaste Rachid Bouchareb, 5 ans après le poignant « Little Sénégal », nous invite à découvrir ce point d’histoire méconnu, salutaire en cette période où de nombreux politiques continue à vanter les mérites de la colonisation des pays africains par la France, avec une arrogance ethnocentrique. Le film est porté par ses cinq interprètes, tous formidables. Jamel Debbouze dans le rôle de Saïd, est émouvant quand il sort du giron de sa mère pour s’affirmer, et découvre sa rage de se défendre quand on l’humilie. Sami Bouadjila dans le rôle d’Abdelkader, joue le soldat le plus instruit de ce bataillon, il est en attente de reconnaissance – Le réalisateur Jean- Pierre Sinapi, avec raison évoquait à son sujet la classe d’un Marcello Mastroianni -. Roschdy Zem dans le rôle de Messaoud, est excellent  et touchant quand il tombe amoureux d’une belle marseillaise, Samy Naceri dans le rôle de Yassir, violent mais qui protège son père et Bernard Blancan, est très convaincant dans un personnage complexe. Dans le rôle de Martinez, un sergent « pied-noir » en prise avec ses contradictions, finit par nous donner une véritable empathie avec son personnage. Il confirme ici son grand talent, après son personnage touchant et lunaire de Cloclo dans « Peau d’homme, cœur de bête » (Hélène Angel, 1999). Le prix collectif d’interprétation à Cannes est donc amplement mérité. Le film a une grande qualité pédagogique, mais sans manichéismes, les personnages ne sont pas des héros, ils ont des faiblesses à l’instar de Yassir n’hésite pas à piller ses ennemis. Ce sont des individus qui cherche à survivre, qui cherche à s’en sortir, ballottés par le destin et en prise avec une armée française qui ne cesse de les dénigrer…

Bernard Blancan & Jamel Debbouze

S’ils obtiennent de l’estime, c’est surtout pour mieux être manipulés, comme le fait le personnage du colonel joué par Antoine Chappey – épatant -, qui propose une émulation factice au petit groupe, pour mieux sauvegarder ses intérêts. Il était important ici de garder la langue arabe, lien très fort entre ses soldats inconsidérés, le retour à cette langue maternelle, est aussi ici un refuge contre toutes les épreuves. Il y a beaucoup d’humanité ici, et pas seulement pour les soldats, mais aussi pour toutes les victimes de la guerre, comme ces villageois du Bas Rhin, montrant simplement – par des saluts amicaux, ou pour par la cuisine comme le fait une vieille dame -, la reconnaissance devant les libérateurs. Comme disent si bien, les personnages du film, les balles allemandes ne font aucune différence entre les nationalités. Les effets spéciaux guerriers signés les « Versaillais » sont très probants. On retrouve un souffle épique, rare dans notre cinéma. Les scènes de guerres, sont particulièrement réalistes, évitent tout manichéisme. Les scènes de désolations, de villages détruits, où l’on retrouve des carcasses de chevaux morts, sont ici très justes, on ne souffre pas ici d’un effet de reconstitution. La musique de Armand Amar et Khaled, évocatrice de souvenirs et d’un paradis perdu pour les soldats est ici simplement magnifique. Saluons dans de brefs rôles Mélanie Laurent dans une scène très émouvante face à Jamel Debouzze, l’indispensable Philippe Béglia, qui arrive à faire exister un ancien ministre vichyste en un seul plan, Assad Bouab dans le rôle de Larbi ou Thomas Langmann qui ne fait plus que de simples apparitions – il participe ici à production -, alors qu’il était un excellent acteur dans les années 90, c’est dommage. Il faut saluer la détermination de toute l’équipe du film, pour donner le plus de chances possibles à ce film, on le sait Jamel Debbouze a beaucoup apporté à ce film – il s’est beaucoup investi dans ce film, et a trouvé avec le Maroc par exemple quelques partenaires -. Il y a beaucoup d’émotions et d’authenticité, jusqu’à la dernière scène sobre et retenue. Pour terminer saluons Bernard Blancan, qui dans son site officiel, nous propose son blog : Blancan… Journal d’un comédien qui est superbement écrit. Il relate avec humour son parcours de comédien, ses joies ou ses incertitudes avec beaucoup de retenue et de modestie. Une réussite de la blogosphère…

COURS, JEAN-BAPTISTE, COURS…

Évidemment c’était une gageure d’adapter « Le parfum », beau roman de Patrick Süskin et succès mondial de librairie, ce dernier lâchant enfin les droits en raison de la forte insistance de son compatriote, le producteur Bernd Eichinger – producteur du douteux « La chute » -, avec ce film « Le parfum, histoire d’un meurtrier ». On le sait Stanley Kubrick, Milos Forman, Steven Spielberg, Martin Scorsese, Ridley Scott, Tim Burton, sans oublier Patrice Leconte – que la réussite du « Mari de la coiffeuse » pouvait légitimer -. On se demande ce que fait ici le tâcheron Tom Tykwer dans cette entreprise– du moins avec le souvenir de « Cours, Lola, cours », et qui participe en prime à la sirupeuse du film. On découvre donc le destin de Jean-Baptiste Grenouille, né en 1744 d’une femme accouchant et abandonnant son enfant dans un marché aux poissons. Heureusement pour lui, il a un sens très fort de la survie et un odorat hors du commun. Vendu par un orphelinat à une tannerie, il livre un jour des peaux à un célèbre parfumeur. Il va chercher à s’imposer pour arriver à finaliser son obsession, conserver le parfum des femmes… Malgré une débauche de moyens, il n’arrive qu’à une veine illustrative, sans susciter aucune émotion. Je dois confesser ici un ennui profond. Avec le souvenir de la lecture lointain mais persistant du livre, on finit par faire des allers-retours avec les deux œuvres, histoire de se lamenter un peu. On déplore une figuration particulièrement statique, au mieux cela figure un champ d’oignons. La reconstitution est ici compassée et on ne retrouve aucun souffle, aucune vie, même dans un champ de lavande. Tout ici sent le « Matte painting » à plein nez ! (arf, arf).  On pouvait attendre mieux, que certaines ellipses, notamment la scène où Grenouille devient ermite dans sa grotte, traitée ici de manière particulièrement anecdotique. Le réalisateur voulant sans doute jouer sur le réalisme, confine sa restitution dans le misérabilisme.

Dustin Hoffman & Ben Whishaw

L’ensemble finit par sombrer dans le grotesque, on finit par ricaner, à voir la mort implacable des personnes quittant notre Grenouillot. Le réalisateur multiplie les maniérismes, des plans de petit malin d’introspection nasale, ou la caméra placée à l’intérieur d’une distillerie, avec des ralentis poussifs ou des accélérations soudaines. C’est un aveu patent d’impuissance à animer l’aseptisation générale dans ce musée Grévin boursouflé. Certes traduire le sens olfactif à l’écran était compliqué, la littérature de Süskin avait un fort potentiel de suggestion. Mais tout ici est vain, le réalisateur échouant lamentablement ici, le frémissement des narines grenouillettes, et une bande-son exacerbée confinant au grotesque. Mais on pouvait espérer au moins un peu de sensualité, même le pataud « Chocolat » de Lars Hallström était plus évocateur. Quant au morceau de bravoure final attendu, c’est un sommet de fadeur. La direction d’acteur laisse à désirer, Dustin Hoffman en roue libre dans le rôle de Baldini, parfumeur poudré à la ramasse, arrive un peu à tromper notre ennui, la présence butée de l’Anglais Ben Whishaw, n’est pas idéale pour avoir de l’empathie avec personnage, la belle allemande Corinna Harfouch fait de la figuration intelligente dans le rôle de Mme Arnulfi, Sarah Forestier ne fait que trépasser. Et Rachel Hurd-Wood, sorte de clone de Franka Potente dans « Cours, manque sérieusement de charisme,  le réalisateur semble faire une fixette sur les Lolita à cheveux rouges, au moins il se fait plaisir… Seul Alan Rickman, en père possessif arrive à tirer un peu son épingle du jeu avec autorité. Autre écueil l’utilisation de John Hurt comme récitant. Pourquoi pas se servir de la voix-off comme rustines aux faiblesses du scénario, le comédien anglais pouvant formidablement évoquer certaines émotions. Le problème est que Hurt était aussi le récitant de « Dogville » et « Manderlay », œuvres audacieuses et stylisées du grand manipulateur Lars Von Trier. Le souvenir de la narration de ces deux films, ne font que souligner la platitude de l’ensemble. A noter que Jacques Perrin est le récitant français. Nous ne sommes pas loin d’un désartre. Mais le film semble avoir ses fans, notamment en Allemagne où il triomphe.

SI TU ES GAY, RIS DONC…

Avant-première le 3 octobre à l’UGC cité-ciné Bordeaux de « Poltergay » en présence de l’équipe du film. C’était une belle consolation pour mézigue, pour avoir raté dans ce lieu, des rencontres au mois de septembre avec excusez du peu, Jamel Debbouze, Bernard Blancan, Rachid Bouchareb, Emmanuel Bourdieu, Jean-Pierre Darroussin, Asia Argento, Tony Gatlif et Bruno Dumont. Éric Lavaine très en verve – il a participé à l’écriture des « Guignols » et de la série « H », et avait réalisé « Le 17 » -, éphémère sitcom  avec Jean Benguigui et Jean-Paul Rouve, tenait à présenter le film. Il a commencé par nous faire peur, en nous précisant que des fantômes existent à Bordeaux… En effet il nous citait l’exemple d’un individu ayant disparu pendant un an, et qui circulerait beaucoup en ce moment pour retrouver ses anciennes responsabilités… Renseignement pris, c’est même un ancien collègue blogueur, mais son blog, bien que non hébergé chez 20six, fabrique ectoplasmique, mord désormais, lui les pissenlits par les racines. Je crois que le réalisateur a raison, je dois témoigner aussi de phénomènes inexpliqués et paranormaux dans cette fille. En effet, j’arpente chaque jour la même rue, et je vois la bobine de l’ancien spectre en question sur des affiches électorales, salués par quelques citadins inscrivant quelques noms d’oiseaux sur la relative honnêteté du susdit candidat. Comme par miracle, les affiches redeviennent immaculées chaque matin ! Dans le petit matin blême, l’effroi est saisissant. Si ce n’est pas un phénomène à la « X-files » !. Il y a matière à un débat à la con chez feu Stéphane Bern, chez (F)rance 2, dirigé par aussi un esprit frappeur n’ayant pas survécu d’être le biographe officiel de Bernadette C. Après ses digressions cinquièmedimensionesques sans aucun intérêt,  venons au sujet du film. Marc – Clovis Cornillac, remarquable comme à l’accoutumée -, s’installe avec l’amour de sa vie – Julie Depardieu -, dans une grande maison isolée. Comme il est chef de chantier, il rénove ce bâtiment, abandonné depuis 30 ans. Mais ce lui, est une ancienne boîte de nuit homosexuelle, « L’ambigu », lieu d’un incendie accidentel en 1979. 5 ectoplasmes « gay » sont prisonniers du lieu depuis ce drame. Esseulés, et confinés dans la cave, ils sont émoustillés par le corps d’athlète de Marc – Clovis Cornillac, s’étant entraîné de manière spectaculaire pour interpréter un champion de boxe-thaï -…

Julie Depardieu & Clovis Cornillac

Taquins, narquois, versions discos d’Albin Mougeotte, ils ne cessent d’importuner Marc, et bien évidemment Emma, ne voit rien. Il demande conseil à son meilleur ami, David, médecin de nuit cocufié par la belle Anne Caillon – non, elle n’est pas coupée au montage cette fois… Je devine déjà vos sarcasmes -.  pensant que de fantasmes à fantômes il n’y a qu’un pas, y voit un symptôme d’homosexualité refoulée pour Marc… L’idée de base, qui en vaut bien une autre, on se demandait si ce divertissement pouvait tenir la route… Porté par de formidables comédiens, cette comédie enlevée se révèle finalement très probante, proposant en passant une petite ode sur la tolérance. Éric Lavaine, joue avec les poncifs, avec la formidable idée de prendre des comédiens inattendus et excentriques pour jouer des stéréotypes de « folles furieuses ». Il faut voir Lionel Abelanski – voir note d’hier -, Gilles Gaston-Dreyfus inconditionnel du repassage coiffé d’une improbable perruque blonde, Jean-Michel Lahmi, en timide en quête de son identité, Philippe Duquesne destroy, brodant partout des symboles phalliques et qui nous livre un véritable morceau d’anthologie dans son plaidoyer de l’hétérosexuel landa, sans oublier le nouveau venu Georges Gay (sic), grand échalas survolté. Les voir danser au son de « Rasputin » vaut son pesant de cacahuètes, ils arrivent à glisser chacun une émotion alors que l’on pouvait présager une lourde caricature. Le quintet est absolument remarquable. C’est la première rencontre à l’écran de Clovis Cornillac et Julie Depardieu – ils partageaient l’affiche de « Un long dimanche de fiançailles », mais ils n’avaient pas de scènes ensemble -. Ils montrent à nouveau leurs grands talents, car il faut arriver à exister face à 5 voleurs de scènes spectraux particulièrement redoutables. Ils ont d’ailleurs fait des suggestions sur le film, comme la belle scène de la pomme, proposée par Cornillac, à la réécriture du rôle féminin qui n’existait pas véritablement dans la première version du scénario. Julie Depardieu, à nouveau subtile – chantant joliment « Born to be alive » -est idéale pour jouer un contrepoint inquiet à cette farce, aidant à la crédibilité de la situation.

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Lionel Abelanski, Philippe Duquesne, Georges Gay, Clovis Cornillac, Gilles Gaston-Dreyfus & Jean-Michel Lahmi.

Les autres comédiens sont à l’unisson, dont Michel Duchaussoy décalé en médium amateur de McDonald’s, Christian Pereira en beau-père bougon appréciant modérément son gendre, Thierry Heckendorn en patron vindicatif, Gérard Loussine en flic sarcastique, Christophe Guybet en dragueur d’hétéros ou Michel Modo en cafetier sensible, plus quelques surprises, comme le retour de Stefano Cassetti ou l’invité surprise du dernier plan. Le débat d’après film, fut absolument jubilatoire, en effet outre la venue de Clovis Cornillac et Julie Depardieu, nous avons eu la surprise de découvrir une chorégraphie hilarante de nos cinq fantômes au complet, porté par un Jean-Michel Lahmi virevoltant, avec un numéro halluciné rodé sans doute chez Édouard Baer, et ponctué par les traits d’esprits d’un Lionel Abelanski en grande forme. Grande et joyeuse animation, une petite fille posant une question sur le chat, on a eu confirmation après « La nuit américaine », de faire tourner des chats dans un film. Il disparaît du film, même avec des doublures, l’animal reste rétif à jouer son rôle. Pour la petite histoire, Marc-Antoine Beldent, ingénieur du son présent ce soir là, a révélé un de ses secrets… Pour obtenir les cris d’un chat apeuré, il a dû écraser les testicules d’un félidé de l’Europe de l’Est ! – mais que fait Brigitte ! -. Jolie rencontre ensuite avec les membres du film, de Julie Depardieu d’une grande franchise, et très critique envers elle même, Clovis Cornillac, toujours aussi disponible et généreux, Lionel Abelanski et Jean-Michel Lahmi rivalisant de sympathie, et Gilles Gaston-Dreyfus et Philippe Duquesne, plus calmes mais avec de la malice. Au final ce film, même s’il n’est pas sans défauts, finit par se distinguer dans le tout venant de la comédie française particulièrement en méforme ces derniers temps.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Lionel Abelanski

© R.SCHROEDER – source Zelig

L’avant-première bordelaise de « Je préfère qu’on reste amis » du 15/02/2005, à l’UGC-Cité nous avait donné deux belles surprises, l’émotion de voir Annie Girardot nous présenter le film, et celle surprise de la visite de « l’épatant » Lionel Abelanski qui accompagnait la bonne humeur de Olivier Nakache et Éric Toledano. C’était un bonheur de voir sa modestie devant les compliments des spectateurs, de l’entendre parler de l’échec injuste du film de Steve Suissa « Le grand rôle », et de ne rien regretter sur le choix de ses rôles tout en envisageant d’autres perspectives. Ce qui caractérise Lionel, c’est l’énergie, il traversait la salle ce soir là, pour donner le micro aux spectateurs, nous régalant de sa bonne humeur. Puis en octobre 2006, toujours à l’UGC-Cité Bordeaux, il fallait le voir animer et improviser une chorégraphie disco avec Gilles Gaston-Dreyfus, Philippe Duquesne, Jean-Michel Lamy et Georges Gay, faisant même monter sur scènes des spectateurs enthousiasmés, suites aux réactions amusées de la salle. Il est toujours formidable, même si on le cantonne trop souvent dans le rôle du bon copain paumé – tel dans « Un petit jeu sans conséquence » dans lequel il reste digne en se retirant, alors que personne n’est à l’écoute de ses difficultés -. Il tire à chaque fois son épingle du jeu. Son meilleur rôle est peut-être celui de « Shlomo » un idiot céleste dans « Train de vie », qui lui vaut en 1999 d’être nommé aux Césars dans la catégorie du « meilleur espoir masculin ». Il est le copain « lourd » et insistant d’Yvan Attal dans « Ma femme est une actrice » – rôle qu’il tenait déjà dans la version court-métrage « I got a woman » -,  un improbable homme-sandwich et inventeur loufoque dans « Delphine 1, Yvan O », de Dominique Farruggia, policier obsédé par la traque des fumeurs de joints dans le cornichonesque « La beuze », l’assistant acariâtre et « borderline » dans « Mes amis » de Michel Hazanavicius et le voisin de palier serviable de Marie Gillain dans « Tout le plaisir est pour moi » d’Isabelle Broué. Il est à l’aise dans d’autres registres, tel le père odieux du téléfilm « La nourrice » de Renaud Bertrand, falot et manipulable.

Dans « La calvitude »

Mais il suscite toujours la sympathie, et arrive toujours à distiller de l’humour dans toutes les situations, comme dans le court-métrage « La calvitude » (Julien Weill, 2002), comédie dépressive, où un trentenaire abandonné par l’amour de sa vie, se retrouve dans le désarroi le soir de son anniversaire, mais finit par retrouver le goût de la vie quand une jolie caissière lui souhaite un chaleureux anniversaire en voyant sa carte d’identité présentée avec un chèque de paiement. Casanier et pantouflard, il joue le futur mari d’Anne Consigny, dans « Je ne suis pas là pour être aimé ». Neurasténique,  il se laisse dévorer par l’écriture d’un roman, quitter à abandonner son emploi de professeur. Égoïste et peu à l’écoute de celle qui prépare avec lui le mariage, dernière chance de se couple, il reste pantois quand cette dernière lui exprime ses inquiétudes dans le giron des beaux-parents. Il finit, enfin par déclarer enfin son amour lorsqu’il sent qu’elle perd sa joie de vivre mais sans la comprendre finalement. Une individualité fracassante ! En peu de scènes il réussit dans « Je préfère qu’on reste ami » épatant à faire exister son personnage de réprésentant en « bonbonnes d’eau », enfin « casé » rajoutant du désarroi à son meilleur ami campé formidablement par Jean-Paul Rouve. Du jeune marié bondissant, il devient, à la fois drôle et touchant, la victime de sa première crise conjugale. Il a une scène étonnante face à Gérard Depardieu (Enfin retrouvé depuis quelques films) qui le déstabiliste par son analyse de la situation.

Lionel Abelanski dans « Un petit jeu sans conséquence »

Dans « Poltergay », il est aussi drôle qu’émouvant. Le metteur en scène Éric Lavaine lui avait proposé initialement le rôle du bon copain de Clovis Cornillac, joué en fait par Alain Fromager. Soucieux de se renouveller, Lionel Abelanski, prefera tenir le rôle de « salopette », fantôme homosexuel taquin, mais qui se révèle au final très touchant. La scène des retrouvailles de son personnage, qui garde éternellement le physique qu’il avait à l’époque de sa mort avec son vieil amant, joué avec beaucoup d’humanité par Michel Modo, est particulièrement émouvante alors qu’elle pouvait à tout moment sombrer dans le scabreux. On le retrouve dans « Zone libre », premier film de cinéma de Christophe Malavoy, avec Tsilla Chelton et Jean-Paul Roussillon dans un registre plus dramatique. Il trouve également un rôle de premier plan dans « Je déteste les enfants des autres » (Anne Fassio, 2006), mais le film manque d’originalité. On lui doit pourtant de bon moments en père dévoué formant un couple fusionnel avec Valérie Benguigui. Mais la belle harmonie du couple va éclater durant les vacances, alors qu’il est émoustillé par le charme d’une « cagole ». Il campe également un Bernard Franck touchant qui cache une sensibilité derrière un brillant esprit teinté de cynisme dans « Sagan ». Il tire aussi son épingle du jeu, en vieux garçon amoureux de la nature et de Beauvais, sa ville natale, perdu dans la brousse dans « Safari ».  Tout comme dans « Train de vie », on attend un rôle à sa – dé – mesure, son « grand rôle » à lui en fait, il va continuer à nous surprendre.. A sa chaleureuse présence, on ne peut que répondre « Salut l’artiste » !

 

Filmographie : 1988  Romuald et Juliette (Coline Serreau) – 1993  Méprises multiples (Christian Charmetant, CM) – 1995  Douce France (Malik Chibane) – Le futur (Dominique Farrugia, CM) – I like she (Guillaume Moscovitz, CM) – Coup de vice (Patrick Lévy) – Un samedi sur la terre (Diane Bertrand) – Delphine : 1, Yvan : O (Dominique Farrugia) – 1996  Didier  (Alain Chabat) – La femme du cosmonaute (Jacques Monnet) – 1997  I got a woman  (Yvan Attal, CM) – La méthode (Thomas Bégin, CM) – Train de vie (Radu Mihaileanu) – 1998  Le voyage à Paris (Marc-Henri Dufresne) – Les parasites (Philippe de Chauveron) – Formidable (Gilles Cohen, CM) – Trafic d’influence (Dominique Farrugia) – À table ! (Idit Cébula, CM) – Mes amis (Michel Hazanavicius) – 1999  Accidents (Pascal Laëthier, CM) – Nationale 7 (Jean-Pierre Sinapi) – 2000  Ces jours heureux (Olivier Nakache & Éric Toledano, CM) – En attendant (Serge Hazanavicius, CM) – Belphégor, le fantôme du Louvre (Jean-Paul Salomé) – 2001  Ma femme est une actrice (Yvan Attal) – 2002  Varsovie-Paris (Idit Cébula, CM) – La beuze (François Desagnat & Thomas Sorriaux) – La calvitude (Julien Weill, CM) – Bienvenue au gîte (Claude Duty) – Scotch (Julien Rambaldi, CM) – Spartacus (Virginie Lovisone, CM) – Mais qui a tué Pamela Rose ? (Éric Lartigau) – 2003  Double zéro (Gérard Pirès) – Le grand rôle (Steve Suissa) – Toute une histoire (Jean Rousselot, CM) – Tout le plaisir est pour moi (Isabelle Broué ) – Narco (Tristan Aurouet & Gilles Lellouche) – Alive (Frédéric Berthe) – 2004  Victor (Fabrice Michelin, CM) – Un petit jeu sans conséquence (Bernard Rapp) – Je préfère qu’on reste amis (Éric Toledano & Olivier Nakache) – Cavalcade (Steve Suissa) – Je ne suis pas là pour être aimé (Stéphane Brizé) – 2005  Zone libre (Christophe Malavoy) – Une histoire de pieds (David & Stéphane Foenkinos, CM) – Mes voeux les plus sincères (Arnaud Cassand, CM) – Poltergay (Éric Lavaine) – 2006  Les yeux bandés (Thomas Lilti) – Je déteste les enfants des autres (Anne Fassio) – Atonement (Reviens-moi) (Joe Wright) – 2007  The Jerusalem syndrome (Stéphane Belaïsch & Emmanuel Naccache) – Sagan (Diane Kurys, + version TV) – Le secret de Salomon (David Charhon, CM) – La plus belle fille du monde (Stéphane Couston, CM) – Deux vies plus une… (Idit Cébula, rôle coupé au montage) – Ma fille a quatorze ans (François Desagnat & Thomas Sorriaux) – 2008  Safari (Olivier Baroux) – Le concert (Radu Mihaileanu) – Kaparah Carpe (Jessica Vaturi Dembo, CM) – 2009  Protéger et servir (Éric Lavaine) – Imogène (Alexandre Charlot & Franck Magnier) – Quartier lointain (Sam Gabarski) – 2010  Son souffle contre mon épaule (Emmanuel About, CM) – Un peu d’écume (Christel Delahaye, CM) – L’art de séduire (Guy Marzaguil) – Mais y va où le monde? (Serge Papagalli) – Beur sur la ville / Capitaine Khalid (Djamel Bensalah) – 2011  Les infidèles [épisode « La bonne conscience »] (Michel Hazanavicius) – Mais qui a re-tué Pamela Rose (Kad Merad & Olivier Baroux) – 2012  La banda Picasso (Fernando Colomo) – De l’autre côté du périph’ (David Charron) – 13 rue Mandar (Idit Cébula) – Boule et Bill (Alexandre Charlot & Franck Magnier) – 2013  Kidon (Emmanuel Nakkachee) – Barbecue (Éric Lavaine) – Les vacances du petit Nicolas (Laurent Tirard).

Télévision : notamment : 1994  En garde à vue (Didier Albert, plusieurs épisodes) -1995  Tango, mambo et cha-cha-cha (Françoise Decaux Thomelet) -1996  Coeur de cible (Laurent Heynemann) – 1997  Combats de femme : harcelée (Nicolas Cuche) – Les marmottes (Jean-Denis Robert) – 2000  Contre la montre (Jean-Pierre Sinapi) – 2003  Le gang des poupées (Philomène Esposito) – Le grand plongeoir (Tristan Carné, variétés) – 2004  La nourrice (Renaud Bertrand) – Maigret chez le docteur (Claude Tonetti) – Le carmargais : Jean-Jean (William Gotesman) – 2005  Riquet (Bertrand Arthuys) – Les femmes d’abord (Peter Kassovitz) – L’homme qui voulait passer à la télé (Amar Arhab & Fabrice Michelin, variétés) – La famille Zappon (Amar Arhab & Fabrice Michelin, variétés) – 2006  Vive la bombe ! (Jean-Pierre Sinapi) – 2007  Nos enfants chéris (Benoît Cohen, saison 2) – 2009  Le grand numéro (Julien Weill) – 2010  Mademoiselle Drot (Christian Faure) – Au bas de l’échelle (Arnaud Mercadier) – 2012 À dix minutes des naturistes (Stéphane Clavier) – 2013  Myster Mocky présente : La curiosité qui tue (Jean-Pierre Mocky, CM) – La faute de l’abbé Viallard (Christian Faure). 

Théâtre : 1988/89 Un mouton à L’entresol, d’Eugène Labiche, mise en scène Gilles Cohen – 1990/91 Le mystère de la chambre jaune, de Gilles Cohen – 1992 Les petits marteaux, de Gilles Cohen – 1993 Le plus heureux des trois, d’Eugène Labiche, mise en scène de Jean-Luc Revol – 1994 Quisaitout et Grobeta, de Coline Serreau, mise en scène Benno Besson – 1998 Germania 3, d’Heiner Müller, mise en scène Jean-Louis Martinelli – 1999/2000 Mariages et conséquences, d’Alan Ayckbourn, mise en scène de Catherine Allary – 2001/2002 Théâtre sans animaux, de Jean-Michel Ribes (+ captation TV) – 2003  Bash, de Neil La Bute, mise en scène de Pierre Laville – 2008  Geronimo, de David Decca, mise en scène Caroline Duffau & Serge Hazanavicius – 2009  Les Insatiables, d’Hanokh Levin, mise en scène Guila Braoudé – 2010  Miam-Miam, de et mis en scène d’Édouard Baer – 2011  La méthode Grönholm, de Jordi Galceran, mise en scène de Thierry Lavat.

Mise à jour du 05/02/2011

THANK YOU FOR SMOKING

 Après l’excellent « Révélations » de Michael Mann, on retrouve ici sur le mode cynique, le principe du lobbying du tabac. Ce petit cousin de « Lord of war », nous fait une habile description de ce monde de pression de groupes influents, souhaitant défendre leurs intérêts et faisant pression sur le pouvoir politique. Jason Reitman, fils d’Ivan Reitman – que l’on dit en petite forme ces derniers temps -, adapte ici un pamphlet de Christopher Buckler, il semble avoir hérité de l’humour de son père. Il se focalise sur la personnalité grinçante de Nick Taylor interprété avec maestria, par Aaron Eckhart, déjà très convaincant il y a peu dans « Conversation(s) avec une femme ». Arriviste cynique, grand maître de la rhétorique et grand manipulateur devant l’éternel, il finit toujours par se tirer des situations les plus épineuses. Il se réunit d’ailleurs avec deux de ses semblables, pour adopter des stratégies, chargés de représenter les lobbysmes de l’alcool – Marie Bello ironique – ou des armes – David Koechner déplaisant à souhait -. Cette joyeuse assemblée se nomme la M.O.D. Squad, abréviation pour « Marchands de mort », adopte une stratégie défensive pour mieux continuer à vivre de ces maux de la société, dans un climat défavorable aux toxines de toutes sortes, où les associations consuméristes ont enfin la parole. Séparé de sa femme, il finit pourtant par garder l’estime de son fils par son charisme – Cameron Bright à l’aise en petit surdoué -, par son art de l’expression orale. C’est cet autodidacte la meilleure des revanches, plus que la motivation non négligeable de pouvoir payer ses crédits. C’est une charge réjouissante contre le politiquement correct. Elle n’épargne personne et évite un prévisible côté moralisateur. Les répliques percutantes fusent de toutes parts. Il y a aussi ici de véritables trouvailles, comme de l’utilisation inattendue de patchs anti-tabac.

Marie Bello, David Koechner & Aaron Eckhart.

Il est vrai que la réalité est déjà matière à dérision. Prenons l’exemple assez croquignolet de Ted Turner, s’engageant à caviarder des plans des dessins animés de « Tom & Jerry », suite à la plainte d’une téléspectatrice. Tom, notre matou fumant dans deux épisodes, il donne ainsi le mauvais exemple à la belle jeunesse ! Il est vrai que l’on a du mal à voir ainsi une incitation à la tabagie issue d’épisodes anciens… Une aseptisation globale est ici dénoncée, à l’exemple des acteurs hollywoodiens privés de cet accessoire mythique, comme l’habile citation de l’histoire d’amour entre Lauren Bacall et Humphrey Bogart débutant par une cigarette dans « Le port de l’angoisse ». Nick Taylor remarque que seuls les psychopathes et les Européens fument désormais sur l’écran. Il fomente un plan machiavélique avec un agent prestigieux adepte du zen – impayable Rob Lowe -, pour envisager de faire fumer Brad Pitt et Catherine Zeta-Jones… dans l’espace après une torride nuit d’amour. La distribution est formidable, outre ceux cités on retrouve William H. Macy, désopilant en sénateur opportuniste, trop sûr de lui, en croisade contre le tabagisme, Katie Holmes – Mme de…-, en journaliste perverse, J.J. Simmons en petit chef énervé – dans un registre similaire à « Spider-man » -, Sam Elliott émouvant en cow-boy malboro malade et sur le déclin – fumant des cools ! -, et le grand Robert Duvall en mentor fatigué. Ces interprétations arrivent à sortir les personnages d’éventuels stéréotypes. Le film décortique ici certaines méthodes de communication, la cigarette n’étant qu’un prétexte à l’instar du revirement final concernant une autre controverse, la téléphonie mobile. Ce portrait au vitriol de la société américaine est mordant et salutaire et très bien écrit. De la roublardise hissée au niveau des beaux-arts…

LITTLE MISS SUNSHINE

« Little Miss Sunshine », présenté Festival de Sundance 2005 et en compétition officielle du 32ème festival du film américain de Deauville, est assurément la bonne surprise de cette tournée. Nous découvrons avec grand plaisir la famille Hoover – rassurez-vous rien à voir avec le ciaesque J. Egar Hoover, travesti à ses heures -. La petite famille se retrouve dans un road-movie azimuté, à bord d’un véhicule Wolkswagen jaune et déglingué, échappé des années 70, qui est d’ailleurs un personnage à part entière du film. Il y a le père de famille, Richard – Greg Kinnear -, qui se veut un gagneur et qui tente de placer partout ses « Parcours vers le succès en 9 étapes », sorte de petits commandements devant ouvrir les portes de la réussite. Son épouse Sheryl – Toni Collette -, essaye de faire tampon avec son fils, Dwayne – Paul Dano inquiet et sensible -, nietzschéen convaincu, qui par rébellion a fait vœu de silence jusqu’à sa candidature pour la prestigieuse Air Force Academy.. Dwayne, finit par se consoler de voir son oncle Frank, encore plus déprimé que lui et qui vient de réchapper à une tentative de suicide.  – Steve Carell -, spécialiste de Proust et amoureux éperdu d’un de ses élèves et en rivalité avec une autre sommité proustienne, qui lui a ravi l’objet de ses pensées. A ce petit groupe, se rajoute le père de Richard – Alan Arkin, à mon avis un comédien aussi génial que Peter Sellers -, qui découvre l’héroïne à 70 ans, qui fait tout pour devenir un vieillard indigne, en disant tout ce qui lui passe par la tête. La petite fille de 7 ans de la famille, est sélectionnée pour participer aux épreuves de « Little Miss Sunshine », une sorte de concours de beauté de petites filles. Sa joie va convaincre tout ce petit groupe de s’y rendre pour y assister. 

Steve Carell, Greg Kinnear, Alan Arkin, Paul Dano & Toni Collette

Une causticité remarquable balaye cette famille modèle de névroses urbaines, qui vont déplacer leurs problèmes pour se focaliser sur le rêve de la petite Olive – craquante Abigail Breslin -. En effet, les membres de cette famille qui traversent tous une mauvaise passe, vont s’unir, malgré les mésententes et diverses hostilités. L’humour noir traverse ce film, le véhicule mangé aux mites et exigu n’est pas le lieu le plus probant pour réduire les tensions… La distribution est exceptionnelle et au diapason. Le cap vers l’Ouest est riche en rebondissement. Le trait est mordant, et la réalisation du couple – à la ville comme à l’écran -, Jonathan Dayton et Valerie Faris, issus de l’univers du vidéo-clip – la B.O. est d’ailleurs ici très bien amenée -, se révèle très subtile, et assez vacharde, voire la manière dont ils décrivent le ridicule – voire l’indécence naïve – de petites filles singeant les miss de beauté. Le dosage humour corrosif et situation dramatique est habile, la mièvrerie est éviter pour laisser éclater l’humanité des personnages. La critique d’une société obsédée par le succès, ayant du mal à surmonter des rêves brisés, et dans laquelle on a de plus en plus de mal à trouver sa place, est assez implacable, mais finalement assez optimiste. On évite la caricature dans ses situations insolites, Steve Carell tout en retenue mais en rajoutant de l’humour à l’instar de sa curieuse manière de courir, Toni Collette en mère courageuse et sans tabous et compréhensive, Alan Arkin en désinhibé iconoclaste et Greg Kinnear, enfermé derrière ses propres principes, sans oublier Paul Dano et Abigail Breslin finissent par former, malgré leurs personnalités diverses, un groupe très homogène très crédible. On aurait bien continué un petit brin de route, avec cette famille encombrée… Et mine de rien, ce joli conte cruel est véritable petit hymne à la vie.