Avant-première à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux de « Lady Chatterley », en présence de Pascale Ferran et de Jean-Louis Coulloc’h. La célèbre œuvre de D.H. Lawrence a été adaptée à plusieurs reprises, citons « L’amant de Lady Chatterley » de Marc Allégret, avec Danielle Darrieux en 1955 – que l’on imagine bien édulcoré -, l’érotico-soft film de Just Jaeckin, avec Sylvia Kristel en 1981, deux obscurs « Young Lady Chatterley », une préquel ? signé Alan Roberts en 1977 puis 85,  et un téléfilm, « Lady Chatterley » de 1993 de Ken Russel, qui semble légitime pour le réalisateur du célèbre « Love » en 1969, autre adaptation culte de l’écrivain. Personnellement, j’avais été fortement impressionné par la maîtrise de ses « Petits arrangements avec les morts », en 1993, l’un des meilleurs films français des années 90. L’annonce d’une nouvelle version de l’œuvre de D.H. Lawrence pouvait surprendre dans le cliché que l’on pouvait avoir sur cette œuvre, sans l’avoir lue. Le silence de Pascale Ferran pouvait surprendre, depuis « L’âge des possibles » réalisé pour Arte en 1995. Elle répond avec franchise, qu’elle s’était totalement investi dans son premier film, et qu’elle manquait d’inspiration pour d’autres œuvres. La créativité revenue, elle n’a pas hélas réussi à obtenir un budget conséquent pour un film d’auteur ambitieux : « Paratonnerre ». Elle a fait beaucoup de travaux d’écritures, de la version française « Eyes Wide Shut » de Stanley Kubrick, et a était scénariste sur « La sentinelle » ou « Mange ta soupe », ce qui l’a aidé pour l’écriture du film, avec Pierre Trividic. La réalisatrice a utilisé la troisième version écrite de l’œuvre « Lady Chatterley et l’homme des bois ». Elle a eu un véritable coup de cœur pour cette œuvre éditée chez Gallimard, et qui est sensiblement différente de l’œuvre la plus connue. L’adaptation est originale, même si les conditions ne furent pas optimales ce soir là. Ca a commencé par une adepte de « La dame aux camélias », qui jalouse de voir une de ses rivales sur l’écran, s’est mise à cracher ses miasmes durant tout le film, avec la dernière énergie. Crachant tripes et âme, la « tubarde » doit avoir contaminé la moitié de la ville désormais. Jamais on aura vu autant de ferveur à élaborer une toux inédite, entre le brame du cerf et le marteau piqueur. N’importe qui serait mort à sa place… d’épuisement. En plus, le film a carrément cassé à deux reprises, dont durant une jolie et sensuelle scène florale, résultat une partie du public, panurgiste se mit à sortir, devant penser que c’était une audace de mise en scène de terminer un film d’une manière aussi abrupte… Si le film est parfois inégal, trop riche peut être et souffrant peut-être d’un trop plein filmique – le personnage de Bernard Verley, dans le rôle du père de Constance, doit se contenter d’une simple apparition, mais on devrait retrouver sous peu, une version feuilleton TV sur Arte, plus complète sous le titre éponyme « Lady Chatterley et l’homme des bois ».

Marina Hands & Jean-Louis Coullog’h

Pascale Ferran évite tout académisme – à déplorer par exemple chez Jean-Daniel Verhaeghe, qui a signé une adaptation trop classique du « Grand Meaulnes », alors qu’il est beaucoup plus probant sur le petit écran -.En effet, loin des clichés attendus, on redécouvre l’œuvre originelle d’une grande sensibilité. Constance – étonnante et superbe Marina Hands, déjà sensible dans « Sur le bout des doigts » d’Yves Angelo, se fane littéralement d’ennui dans le château des Chatterley. Son mari Clifford – Hippolyte Girardot, rarement aussi bon, sauf chez Arnaud Desplechin -, handicapé physique, a du mal à la comprendre. Il dispose de sa domination sociale, et a une fierté avec son handicap le raidissant encore plus – confère la scène très drôle de la petite voiture qui refuse d’avancer -. Elle ne peut que se distraire qu’écouter ses conversations avec ses anciens amis militaires ou recevoir les rares visites d’Hilda, sa sœur – Hélène Fillières, étonnante en « garçonne » -. Les convenances la pèsent, et elle finit par tomber malade, mais la rencontre avec le garde-chasse Wragby, fruste et mutique – Jean-Louis Coullog’h, sorte d’amalgame entre Nicolas Silberg et Daniel Mesguich, avec une fragilité derrière un aspect « brut de décoffrage » -. Le désir physique naît entre ces deux personnes. Ils finissent par se découvrir, avec sensualité au fil de la relation, chacun donnant de l’énergie à l’autre, et s’obligeant à se transcender contre les conventions du voisinage. Le cinéma a rarement montré aussi justement l’amour fusionnel et une intimité fragile dans un couple. Ils transgressent une époque rigoriste sans obscénité, l’amour est un dénominateur commun pour ceux que tout oppose. Loin de l’agitation « gymastiquatoire » d’un Just Jaeckin – sans avoir vu son film cependant -, Pascale Ferran s’approche de l’essence charnelle des êtres. Le débat était passionnant, de découvrir le comédien Jean-Louis Coullog’h, très intuitif et au parcours singulier – de la cuisine au théâtre exigeant de Claude Régy -, timide, semblant à l’aise avec les scènes physiques, mais beaucoup moins dans les scènes de dialogue, il pulvérise par une grande sensibilité son personnage. La rencontre avec Pascale Ferran fut magnifique, rarement on peut retrouver dans le cinéma français une grande richesse, un investissement de tous les instants, une attention aux moindres détails. D’une œuvre de fiction, elle en fait un projet personnel, réussit à recréer une Angleterre puritaine mais fantasmée, à partir des superbes paysages du Limousin. Elle montre le passage des saisons, et l’évolution de la nature selon les périodes, elle la domestique, la recrée, en replantant des fleurs par exemples, pour magnifier les sens et cette histoire d’amour. Pascale Ferran livre une eau forte absolument originale, souhaitons que nous n’attendions pas 10 ans pour retrouver cet univers si riche, à l’écran.