Vendredi c’est Panini ! le compte à rebours de la coupe du monde a commencé. Certains vont souffrir, si vous avez comme moi une case non irriguée du cerveau ne vous permettant pas de goûter aux charmes du football. Comment surmonter une incompréhension totale pour suivre quelques pérégrinations de milliardaires en short ou des commentaires passionnés qui vous laissent absolument de marbre ? Les dérives du football sont nombreuses, la haine étant souvent un moteur pour les passionnés, un exutoire montrant les pires dérives racistes – cris de singes sur certains joueurs jusqu’à l’imitation du Zyklon B -. Le parti pris est ici de découvrir ce petit monde hooliganiste, au travers du regard de Matt Buckner, un jeune américain – Elijah Wood, qui est excellent dans l’évolution de son personnage – . Il nous convie à suivre son regard extérieur face à des supporters anglais, avant d’y adhérer sans réserves. Il se retrouve en Angleterre pour retrouver sa sœur, car il vient d’être renvoyé de l’université d’Harvard où il devait achever des études de journalisme. Il s’est montrait complaisant en acceptant d’être désigné comme dealer de drogues, en échange de quelques argents, en endossant la responsabilité d’un jeune fils à papa, dont le père a une grande influence. Dépité, il se retrouve en Europe, il n’a pas informé son père grand reporter, constamment absent, qu’il ne peut joindre que par répondeur. Il trouve refuge chez sa sœur – Claire Forlani, incarnation de la sagesse -, bourgeoisement installée, elle vit désormais avec son mari et son enfant. Matt y rencontre Pete Dunham, le frère de son beau-frère – Charlie Hunnam, apportant un charisme certain -. Cette rencontre est assez tumultueuse, mais Pete finit par le prendre en sympathie. Batailleur et violent, il lui fait rencontrer sa bande de hooligans dont il est le leader. Ces membres finissent par l’accepter hormis Bovver qui voit d’un sale œil cette nouvelle recrue. Ce dernier est interprété par Leo Gregory, étonnant acteur ayant une forte présence, avec un physique tourmenté à la Klaus Kinski, nous livrant un curieux mélange de sensibilité et de sauvagerie. Matt remplit de rage suite à l’injustice dont il est victime, finit par trouver avec eux un expiatoire à sa lâcheté, en se faisant une place dans chez eux. Le groupe est haineux, raciste – optique abandonnée très vite dans le film cependant -. Même s’ils réfutent l’appellation de gang, ils se livrent à des bagarres sanglantes contre d’autres groupes en se désinhibant allégrement à la bière. Lexi Alexander, une cinéaste allemande, montre donc l’utra-violence de ces fanatiques.

Elle tord le cou à certains clichés, ils ne sont pas forcément des laissés pour compte d’une société économique impitoyable, ils sont nombreux à avoir une situation, et certains viennent de milieux aisés. Mais ils se trouvent dans cette bande, une famille, une communauté, une raison de vivre, une solidarité ancrée dans un solide camaraderie.  Ce ne sont pas forcément des skinheads ou des jeunes, on retrouve le portrait terrifiant d’un homme plus mature – c’est le grand méchant du film – dans un groupe adverse, qui vit mal sa responsabilité de la mort de son fils, tué dans une rixe. Le film a le mérite de vouloir nous faire comprendre le mode de fonctionnement de ces groupes attachés à un chauvinisme exacerbé, c’est assez méritoire car il y a finalement assez peu d’exemples cinématographiques – « À mort l’arbitre » (Jean-Pierre Mocky, 1983), notamment -. Reste une ambiguïté, notamment sur le personnage joué par Charlie Hunnam, qui trouve une sorte de rédemption, par sa droiture, dans une sorte de code de l’honneur – ne pas frapper un homme à terre, ne pas s’en prendre aux à des personnes vulnérables -. Il y a une empathie avec le petit groupe de Pete, de par la sympathie avec ses interprètes ce qui finit par nuire à la portée du film. Reste une évidente aisance à filmer la violence, le chaos, à camper une atmosphère ou à décortiquer les petits rites de ces extrémistes, des chants quasi guerriers. On peut comprendre que la distance à trouver peut être difficile quand on souhaite analyser les phénomènes autour de la folie autour du ballon rond. La violence dépeinte ici me semble être un peu trop picturale, à l’instar des ralentis, montrant une sublimation de la volonté de vouloir en découdre, avec l’adversaire, mais il y a un intérêt documentaire au film. On retrouve aussi le choc des mentalités, des revirements des personnages – le beau-frère de Matt, qui essaie de résonner son frère cadet, qu’il ne comprend que trop bien -. Il y a une ritualisation ici de la violence, pour accéder, ou tout au moins avoir des repères, au monde assagi des adultes. Si le film n’évite pas quelques écueils et une certaine complaisance, il a le mérite de vouloir démontrer la barbarie humaine prête à ressortir quand il y a une émulation de groupe. Le choix de vouloir comprendre les personnages, même s’il est parfois maladroit, plutôt que de les juger, est finalement assez honorable. Au moins un film qui vous donne du grain à moudre dans votre abomination footbalistique.