D’avoir entendu un excellent entretien sur Michael Lonsdale, lundi 24 avril dernier sur « France culture », m’a redonné l’envie de retrouver « Une sale histoire » moyen-métrage de 50mn tourné en 1978 par Jean Eustache. Le film végétait sur une cassette VHS fatiguée enregistrée lors d’un passage sur Arte il y a une dizaine d’années. Si les films de Jean Eustache passent en cinémathèque, on peut déplorer qu’ils n’existent pas en DVD, qui serait un support idéal pour ce poète maudit, qui n’a jamais respecté la durée normale d’un film passant des 3h40 de la « Maman à la putain » à la durée de courts-métrages. D’avoir vu, outre les deux titres cités « Le père Noël a les yeux bleus », court tourné en parallèle du Masculin-Féminin de Godard, en utilisant la pellicule du film, presque en contrebandier et « Mes petites amoureuses », restent comme une marque au fer rouge, de ce dandy lucide et désespéré. Michael Lonsdale parlait avec chaleur du tournage d’une « Sale histoire », il témoignait d’ailleurs il y a peu sur Eustache dans « Le Monde » du 1 avril 2006 : « Quand il m’a demandé de faire ça, j’ai été totalement emballé. Cette histoire du voyeur est à moitié inventée, je pense, par son ami et scénariste Jean-Noël Picq. Parce que c’est quand même complètement invraisemblable qu’il y ait en bas d’une porte, dans les toilettes, un trou qui permette de voir le sexe des dames sans qu’on soit les cheveux dans la pisse ou je ne sais pas quoi ». Le résultant est étonnant, en fait c’est une histoire de Jean-Noël Picq, psychologue réputé – il jouait l’ami de Jean-Pierre Léaud qui s’achetait une veste trop large dans « La maman… ». En fait c’est une de ses histoires, qu’il semble avoir peaufiné au film, un récit sur une perversité échappée de l’univers de Sade ou de Georges Bataille, d’un homme qui s’installe dans un café, et qui profite régulièrement de la cabine téléphonique au sous-sol. Un jour il entend « et pourtant il est jeune celui là », ce qui lui fait comprendre le rituel voyeuristes de quelques paumés qui par un trou judicieusement placé dans les toilettes des femmes, ont une vision directe sur le sexe féminin… Selon le narrateur le café semble même avoir été construit autour du trou !

Michael Lonsdale

Le narrateur raconte en fait à son ami cinéaste – Jean Eustache -, avec délectation une sorte de d’addiction, née à ce moment là, très crue à cette pratique, n’omettant aucun détail choquant – il faut se tenir les cheveux pour qu’ils ne trempent pas dans la pisse, il fait récit de constipations -. Il y a une auditoire sidéré de femmes, qui finissent par sortir d’une sorte de torpeur – joué par Annette Wademant, Françoise Lebrun, Virginie Thévenet… -, pour finir par réagir à cette histoire, dont Picq confit qu’elle ne les intéresse que quand il s’adresse à un homme. Le récit est évocateur d’images sordides et on finit par s’intéresser à une sorte de musicalité du texte, franche et perverse. Le récit est filmé comme un documentaire, image mobile en Cinéma 16. Mais là où Jean Eustache est très fort, consiste a ce que cette partie documentaire est précédée par la brillante reprise par un comédien reprenant le même texte mais en l’interprétant, l’image est plus soignée, il y a un prologue avec Jean Douchet qui joue le cinéaste qui explique vouloir utiliser le récit pour un début de film. L’image est plus soignée, et on assiste a une grande performance de Lonsdale, et la manière dont il s’approprie le texte, ce que l’on constate mais en voyant ensuite la partie « véridique », inventée en partie selon certaines sources. Il fait naître une tension, un jeu provocateur, reprenant les hésitations de quelqu’un qui répond ensuite aux questions, avec un rythme plus lent que celui de Picq, et mettant formidablement le texte en valeur. C’est dont le principe de « L’effet Koulechov » nous rappelle la « Saison cinématographique 78 » – d’ailleurs pas très enthousiaste, le récit est dit deux fois, Eustache reprendra cette idée en retournant enn 1979 une seconde version de son documentaire « La rosière de Pessac » (1968). Ce film nous montre à nouveau l’inventivité et le grand talent d’Eustache cinéaste – il se suicida en 1981, et le grand talent d’acteur et de conteur de Michael Lonsdale, excellent dans l’ambivalence. Une intégrale du réalisateur en DVD, à l’instar de l’œuvre de Jean Vigo, reste un grand rêve, ne désespérons pas…

Commentaires ancien blog

Gashade /

 D’avoir entendu un excellent entretien sur Michael Lonsdale, lundi 24 avril dernier sur « France culture », m’a redonné l’envie de retrouver « Une sale histoire » moyen-métrage de 50mn tourné en 1978 par Jean Eustache. Le film végétait sur une cassette VHS fatiguée enregistrée lors d’un passage sur Arte il y a une dizaine d’années. Si les films de Jean Eustache passent en cinémathèque, on peut déplorer qu’ils n’existent pas en DVD, qui serait un support idéal pour ce poète maudit, qui n’a jamais respecté la durée normale d’un film passant des 3h40 de la « Maman à la putain » à la durée de courts-métrages. D’avoir vu, outre les deux titres cités « Le père Noël a les yeux bleus », court tourné en parallèle du Masculin-Féminin de Godard, en utilisant la pellicule du film, presque en contrebandier et « Mes petites amoureuses », restent comme une marque au fer rouge, de ce dandy lucide et désespéré. Michael Lonsdale parlait avec chaleur du tournage d’une « Sale histoire », il témoignait d’ailleurs il y a peu sur Eustache dans « Le Monde » du 1 avril 2006 : « Quand il m’a demandé de faire ça, j’ai été totalement emballé. Cette histoire du voyeur est à moitié inventée, je pense, par son ami et scénariste Jean-Noël Picq. Parce que c’est quand même complètement invraisemblable qu’il y ait en bas d’une porte, dans les toilettes, un trou qui permette de voir le sexe des dames sans qu’on soit les cheveux dans la pisse ou je ne sais pas quoi ». Le résultant est étonnant, en fait c’est une histoire de Jean-Noël Picq, psychologue réputé – il jouait l’ami de Jean-Pierre Léaud qui s’achetait une veste trop large dans « La maman… ». En fait c’est une de ses histoires, qu’il semble avoir peaufiné au film, un récit sur une perversité échappée de l’univers de Sade ou de Georges Bataille, d’un homme qui s’installe dans un café, et qui profite régulièrement de la cabine téléphonique au sous-sol. Un jour il entend « et pourtant il est jeune celui là », ce qui lui fait comprendre le rituel voyeuristes de quelques paumés qui par un trou judicieusement placé dans les toilettes des femmes, ont une vision directe sur le sexe féminin… Selon le narrateur le café semble même avoir été construit autour du trou !

Michael Lonsdale

Le narrateur raconte en fait à son ami cinéaste – Jean Eustache -, avec délectation une sorte de d’addiction, née à ce moment là, très crue à cette pratique, n’omettant aucun détail choquant – il faut se tenir les cheveux pour qu’ils ne trempent pas dans la pisse, il fait récit de constipations -. Il y a une auditoire sidéré de femmes, qui finissent par sortir d’une sorte de torpeur – joué par Annette Wademant, Françoise Lebrun, Virginie Thévenet… -, pour finir par réagir à cette histoire, dont Picq confit qu’elle ne les intéresse que quand il s’adresse à un homme. Le récit est évocateur d’images sordides et on finit par s’intéresser à une sorte de musicalité du texte, franche et perverse. Le récit est filmé comme un documentaire, image mobile en Cinéma 16. Mais là où Jean Eustache est très fort, consiste a ce que cette partie documentaire est précédée par la brillante reprise par un comédien reprenant le même texte mais en l’interprétant, l’image est plus soignée, il y a un prologue avec Jean Douchet qui joue le cinéaste qui explique vouloir utiliser le récit pour un début de film. L’image est plus soignée, et on assiste a une grande performance de Lonsdale, et la manière dont il s’approprie le texte, ce que l’on constate mais en voyant ensuite la partie « véridique », inventée en partie selon certaines sources. Il fait naître une tension, un jeu provocateur, reprenant les hésitations de quelqu’un qui répond ensuite aux questions, avec un rythme plus lent que celui de Picq, et mettant formidablement le texte en valeur. C’est dont le principe de « L’effet Koulechov » nous rappelle la « Saison cinématographique 78 » – d’ailleurs pas très enthousiaste, le récit est dit deux fois, Eustache reprendra cette idée en retournant enn 1979 une seconde version de son documentaire « La rosière de Pessac » (1968). Ce film nous montre à nouveau l’inventivité et le grand talent d’Eustache cinéaste – il se suicida en 1981, et le grand talent d’acteur et de conteur de Michael Lonsdale, excellent dans l’ambivalence. Une intégrale du réalisateur en DVD, à l’instar de l’œuvre de Jean Vigo, reste un grand rêve, ne désespérons pas…

 

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Gashade / Site web (6.5.06 07:46)
Et parmi les femmes superbes (ah, Thévenet…) écoutant Lonsdale, qui trouve-t’on égarée là avec son délicieux accent américain, hein?…
Laurie Zimmer, apparition météoritique et lumineuse de Assaut (ou Assault On Precinct 13) de Carpenter, passer de Carpenter à Eustache (ou je sais plus dans quel sens), ça vaut son pesant d’eskimos, pas vrai?
Charlotte Szlovak lui rendit justice dans un film émouvant passé sur Arte, Qui Se Souvient De Laura Fanning (son vrai nom, qu’elle garde au générique du Eustache)?
Elle a abandonné le cinéma et s’occupe désormais d’enfants inadaptés.


le coin du cinéphage / Site web (6.5.06 09:48)
Merci pour ton érudition habituelle, j’avais vu cet excellent doc, mais je n’avais pas fait le rapprochement, c’est une idée d’hommage pour ton site…


Gashade / Site web (6.5.06 10:22)
Mais sa fiche est depuis longtemps dans mon manuscrit!
Je te l’envoie…


Dr Orlof / Site web (6.5.06 13:47)
Merci de rendre hommage à cet immense cinéaste que fut Eustache.
« La maman et la putain » reste, selon moi, un des plus grands films français de tous les temps, à l’égal de « Pierrot le fou », « l’atalante », « la règle du jeu » et « Céline et Julie vont en bateau »…

(6.5.06 07:46)
Et parmi les femmes superbes (ah, Thévenet…) écoutant Lonsdale, qui trouve-t’on égarée là avec son délicieux accent américain, hein?…
Laurie Zimmer, apparition météoritique et lumineuse de Assaut (ou Assault On Precinct 13) de Carpenter, passer de Carpenter à Eustache (ou je sais plus dans quel sens), ça vaut son pesant d’eskimos, pas vrai?
Charlotte Szlovak lui rendit justice dans un film émouvant passé sur Arte, Qui Se Souvient De Laura Fanning (son vrai nom, qu’elle garde au générique du Eustache)?
Elle a abandonné le cinéma et s’occupe désormais d’enfants inadaptés.

le coin du cinéphage / Site web (6.5.06 09:48)
Merci pour ton érudition habituelle, j’avais vu cet excellent doc, mais je n’avais pas fait le rapprochement, c’est une idée d’hommage pour ton site…

Gashade /

 D’avoir entendu un excellent entretien sur Michael Lonsdale, lundi 24 avril dernier sur « France culture », m’a redonné l’envie de retrouver « Une sale histoire » moyen-métrage de 50mn tourné en 1978 par Jean Eustache. Le film végétait sur une cassette VHS fatiguée enregistrée lors d’un passage sur Arte il y a une dizaine d’années. Si les films de Jean Eustache passent en cinémathèque, on peut déplorer qu’ils n’existent pas en DVD, qui serait un support idéal pour ce poète maudit, qui n’a jamais respecté la durée normale d’un film passant des 3h40 de la « Maman à la putain » à la durée de courts-métrages. D’avoir vu, outre les deux titres cités « Le père Noël a les yeux bleus », court tourné en parallèle du Masculin-Féminin de Godard, en utilisant la pellicule du film, presque en contrebandier et « Mes petites amoureuses », restent comme une marque au fer rouge, de ce dandy lucide et désespéré. Michael Lonsdale parlait avec chaleur du tournage d’une « Sale histoire », il témoignait d’ailleurs il y a peu sur Eustache dans « Le Monde » du 1 avril 2006 : « Quand il m’a demandé de faire ça, j’ai été totalement emballé. Cette histoire du voyeur est à moitié inventée, je pense, par son ami et scénariste Jean-Noël Picq. Parce que c’est quand même complètement invraisemblable qu’il y ait en bas d’une porte, dans les toilettes, un trou qui permette de voir le sexe des dames sans qu’on soit les cheveux dans la pisse ou je ne sais pas quoi ». Le résultant est étonnant, en fait c’est une histoire de Jean-Noël Picq, psychologue réputé – il jouait l’ami de Jean-Pierre Léaud qui s’achetait une veste trop large dans « La maman… ». En fait c’est une de ses histoires, qu’il semble avoir peaufiné au film, un récit sur une perversité échappée de l’univers de Sade ou de Georges Bataille, d’un homme qui s’installe dans un café, et qui profite régulièrement de la cabine téléphonique au sous-sol. Un jour il entend « et pourtant il est jeune celui là », ce qui lui fait comprendre le rituel voyeuristes de quelques paumés qui par un trou judicieusement placé dans les toilettes des femmes, ont une vision directe sur le sexe féminin… Selon le narrateur le café semble même avoir été construit autour du trou !

Michael Lonsdale

Le narrateur raconte en fait à son ami cinéaste – Jean Eustache -, avec délectation une sorte de d’addiction, née à ce moment là, très crue à cette pratique, n’omettant aucun détail choquant – il faut se tenir les cheveux pour qu’ils ne trempent pas dans la pisse, il fait récit de constipations -. Il y a une auditoire sidéré de femmes, qui finissent par sortir d’une sorte de torpeur – joué par Annette Wademant, Françoise Lebrun, Virginie Thévenet… -, pour finir par réagir à cette histoire, dont Picq confit qu’elle ne les intéresse que quand il s’adresse à un homme. Le récit est évocateur d’images sordides et on finit par s’intéresser à une sorte de musicalité du texte, franche et perverse. Le récit est filmé comme un documentaire, image mobile en Cinéma 16. Mais là où Jean Eustache est très fort, consiste a ce que cette partie documentaire est précédée par la brillante reprise par un comédien reprenant le même texte mais en l’interprétant, l’image est plus soignée, il y a un prologue avec Jean Douchet qui joue le cinéaste qui explique vouloir utiliser le récit pour un début de film. L’image est plus soignée, et on assiste a une grande performance de Lonsdale, et la manière dont il s’approprie le texte, ce que l’on constate mais en voyant ensuite la partie « véridique », inventée en partie selon certaines sources. Il fait naître une tension, un jeu provocateur, reprenant les hésitations de quelqu’un qui répond ensuite aux questions, avec un rythme plus lent que celui de Picq, et mettant formidablement le texte en valeur. C’est dont le principe de « L’effet Koulechov » nous rappelle la « Saison cinématographique 78 » – d’ailleurs pas très enthousiaste, le récit est dit deux fois, Eustache reprendra cette idée en retournant enn 1979 une seconde version de son documentaire « La rosière de Pessac » (1968). Ce film nous montre à nouveau l’inventivité et le grand talent d’Eustache cinéaste – il se suicida en 1981, et le grand talent d’acteur et de conteur de Michael Lonsdale, excellent dans l’ambivalence. Une intégrale du réalisateur en DVD, à l’instar de l’œuvre de Jean Vigo, reste un grand rêve, ne désespérons pas…

 

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Gashade / Site web (6.5.06 07:46)
Et parmi les femmes superbes (ah, Thévenet…) écoutant Lonsdale, qui trouve-t’on égarée là avec son délicieux accent américain, hein?…
Laurie Zimmer, apparition météoritique et lumineuse de Assaut (ou Assault On Precinct 13) de Carpenter, passer de Carpenter à Eustache (ou je sais plus dans quel sens), ça vaut son pesant d’eskimos, pas vrai?
Charlotte Szlovak lui rendit justice dans un film émouvant passé sur Arte, Qui Se Souvient De Laura Fanning (son vrai nom, qu’elle garde au générique du Eustache)?
Elle a abandonné le cinéma et s’occupe désormais d’enfants inadaptés.


le coin du cinéphage / Site web (6.5.06 09:48)
Merci pour ton érudition habituelle, j’avais vu cet excellent doc, mais je n’avais pas fait le rapprochement, c’est une idée d’hommage pour ton site…


Gashade / Site web (6.5.06 10:22)
Mais sa fiche est depuis longtemps dans mon manuscrit!
Je te l’envoie…


Dr Orlof / Site web (6.5.06 13:47)
Merci de rendre hommage à cet immense cinéaste que fut Eustache.
« La maman et la putain » reste, selon moi, un des plus grands films français de tous les temps, à l’égal de « Pierrot le fou », « l’atalante », « la règle du jeu » et « Céline et Julie vont en bateau »…

(6.5.06 10:22)
Mais sa fiche est depuis longtemps dans mon manuscrit!
Je te l’envoie…


Dr Orlof / Site web (6.5.06 13:47)
Merci de rendre hommage à cet immense cinéaste que fut Eustache.
« La maman et la putain » reste, selon moi, un des plus grands films français de tous les temps, à l’égal de « Pierrot le fou », « l’atalante », « la règle du jeu » et « Céline et Julie vont en bateau »…