Le cinéma de Francis Veber, c’est un peu comme le restaurant où vous avez vos habitudes, vous trouvez que c’est copieux, sans surprises, plutôt bien fréquenté, pas trop cher au vu du résultat, pas trop original même si le chef s’évertue à vous faire croire avec son bagou que c’est un maître-queue. Et puis un jour vous en sortez, ballonné, un peu écœuré, avec des crampes dans l’estomac et vous vous mettez à vous étonner de sa réputation, des éloges de ses pairs, et des guides gastronomiques. Car Francis Veber bénéficie de la politique des auteurs, et jouit d’une véritable considération. C’est un malin, roublard – son gimmick pathétique du personnage de François Pignon -, un don pour capter un air du temps, un mécanisme d’horlogerie d’accord, mais qui ferait un bruit de pendule normande, vous empêchant de dormir la nuit. On rit avec cette « doublure » comme acquis d’avance, en suivant le troupeau pavlovisé. Veber du haut de sa suffisance et de sa terreur toute Doillonnienne de faire refaire un plan jusqu’à trouver sa petite musique, le ton juste, et la mise en scène dans tout ça… Des champs contre-champs, une fausseté de convention qui ne nous fait jamais nous attacher aux personnages et nous convie à rire contre eux, des pantins chargés dans la grande tradition du vaudeville français version gros rouge qui tâche. Tout ici est dans la fausseté, des décors dignes d’une des pires captations télévisées, et les transparences d’un autre âge dans les scènes de voitures, nous font penser que l’on assiste actuellement à la pire régression de notre cinématographie nationale. Et ça marche, ça cartonne même, les gens applaudissent à la fin, on finit par se retrouver pisse-froid de service. Mais on veut bien d’une comédie vite oubliée, mais au moins qui garde une modestie dans son propos…. On peut certes aussi jouer avec les conventions pour mieux les dynamiter, comme un Bertrand Blier, mais il n’en est rien ici.  

Francis, tu t’es vu quand tu frimes !

Veber ne supporte pas que l’on amène un semblant de talent à son œuvre, désavoue Philippe de Broca quand il nous livre un « magnifique » jubilatoire, cède aux sirènes hollywoodiennes et nous régale d’interviews convenues. Le cinéma est riche d’écrivains et d’auteurs, donnant ses lettres de nobles au cinéma français – de Pagnol à Guitry -, Veber a du talent mais n’innove jamais, répète son système à l’envi. Il féminise ses personnages dit-on, mais pour en faire quoi, des caricatures, malgré le talent de ses interprètes – Alice Taglioni en mannequin tendre version – et assez improbable d’ailleurs – « Trop belle pour toi », Kristin Scott-Thomas en épouse pas dupe, Virginie Ledoyen en amour platonique romantique -, mais l’humanité des personnages est inexistante. Certains arrivent à tirer leur épingle du jeu dans ce petit jeu là, comme Michel Aumont jubilatoire en toubib hypocondriaque – chacune de ses apparitions nous est un absolu régal, pourtant son personnage est archi-convenu – et Richard Berry est parfait en avocat cynique et cauteleux. Mais Daniel Auteuil est presque quelconque – c’est bien la première fois -, Gad Elmaleh, Danny Boon font ce qu’ils peuvent pour donner une âme à des stéréotypes. Alors on se raccroche aux seconds rôles, vieille habitude rengaine, mais on ne trouve ici que des ectoplasmes, des semblants de rôles, des figurants de luxe. Philippe Magnan n’a rien d’autre à faire qu’à bougonner en silence, on retrouve des fidèles veberien mais marionnettisés à souhait  – Philippe Brigaud, Laurent Gamelon -, les nouveaux se contentent d’ombres – Paulette Frantz taxidermisée, Philippe Béglia manièrisant, Patrick Mille rodant son antipathie habituelle, Michel Jonasz perdant sa singularité, Michèle Garcia mamantisant – trop jeune pour le rôle -, telle une zombie -. J’ai mes indulgences ici, surtout dans la comédie, genre que j’affectionne particulièrement, mais nous livrer une œuvre faisandée comme ici – Bernard Stora avait déjà raconté la même histoire en 1988 dans « La petite amie » avec Jean Poiret et Jacques Villeret. De Francis Veber ou du cinéaste le plus surestimé du cinéma français… 1h25 ça peut être très long parfois. Usé et usant…