Qu’est-il arrivé à Philippe Le Guay auteur de films remarquables des « Deux Fragonard » (1988), « L’année Juliette » (1994), « Trois huit » (2000), « Le coût de la vie » (2002) avec un sens aigu de l’observation, mais ici le film patine laborieusement. Reprenant comme modèle de construction le film « Un jour sans fin » d’Harold Ramis, ce film se veut une fable, sur notre capacité au bonheur, de son attitude vis-à-vis des autres pouvant générer une situation en sa faveur ou en sa défaveur, et de la capacité de chacun à se résigner et à subir. François Berthier – Benoît Poelvoorde convainquant mais il n’arrive pas à sauver le film, trop au service du cinéaste -, est un employé landa d’une banque. Son bureau exigu semble sortir tout droit du « Brazil » de Terry Gilliam, vit mal la séparation avec sa femme – Anne Consigny décidément radieuse et que l’on a du plaisir à voir en premier plan – et de sa petite fille. Son morne quotidien se passe entre les brimades d’un chefaillon « tape-dur » – Bernard Bloch, formidable en huissier blessé dans « Le coût de la vie », ici moins inspiré -, les avanies d’un quotidien agressif, de la machine à café qui explose, nuisances sonores de toutes sortes et son évolution poissarde dans un univers hostile. Hors du jour au lendemain, sa condition change du tout au tout, sans explications réalistes. François finir par vivre très mal cet état de grâce, et finit par dériver dans une paranoïa autodestructrice…

Le film n’arrive pas à transcender l’idée de départ, le scénario cousue de fil blanc, pourtant co-signé par Olivier Dazat, est trop visible. Le laborieux running-gag du « mardi » lasse très vite et on essaie durant toute la durée de comprendre pourquoi ça ne fonctionne pas. On retrouve pourtant les qualités habituelles de Philippe Le Guay, mais les affres du quotidien, pourtant notre lot commun, n’arrive pas à réveiller notre affect, mais il se complaît dans l’anecdotique. Il tente même une citation de l’œuvre de Jacques Demy, il faut voir Bernard Bloch et Benoît Poelvoorde chantant dans un parc, mais ici ça confine au grotesque. La quête du personnage principale et sa théorie de « La mécanique des fluides » patinent, et on finit par ce demander où veut en venir le metteur en scène. On est loin du réalisme poétique cher à Prévert, malgré une utilisation insolite des décors parisiens. On peut sauver une interprétation de qualité, mention spécial à Rufus, jubilatoire en officier obsédé par les batailles Napoléoniennes – il faut le voir agresser Philippe Béglia lointain descendant d’un ennemi félon du sieur Bonaparte – et Anne Le Ny, prévenante collègue en mal d’amour. Saluons aussi Bernard Ballet et Manuela Gourary en voisins pleurant la mort de son chien hurleur et mélomane, Robert Castel en petit entrepreneur timoré, Daniel Isoppo en kiosquier obséquieux, Olivier Broche en pizziaolo apeuré, Constance Dollé en jeune femme en roller, Michaël Cohen en amant rassurant, François-Eric Gendron en joueur de tennis cyclothymique, etc… Un film que l’on aurait aimé aimer. Dommage le thème pouvant concilier drôlerie et réflexion sur la notion relative d’être heureux…