Nouveau « biopic », avec ce film, « Truman Capote » en V.O. . C’est le premier film de Bennett Miller et pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, adapté d’une biographie de Gerald Clarke.. En 1959, le romancier, adulé de son vivant,  Truman Capote se passionne pour le massacre crapuleux, d’une sauvagerie implacable, d’une famille de quatre personnes, dans une petite ville rurale du Kansas. Accompagné de son amie d’enfance Harper Lee – Catherine Keener, superbe de retenue -, il se rend sur place pour enquêter, après avoir convaincu le journal « New Yorker » de le commanditer, histoire de confronter son œuvre avec une réalité brute. Ce projet va finalement prendre 5 ans de sa vie pour ce qui sera son dernier ouvrage. Assez d’avis avec Christine Angot donné dans l’émission « Campus » sur France 2, on peut s’étonner de voir la description assez négative de Truman Capote, dans les critiques ou les avis du public, alors que les deux tueurs sont assez dédouanés. Il y a une même fraternité d’âmes entre Capote et l’un d’eux, Perry Smith – usant de ruses, d’ambiguïté et de séduction, parfaitement rendues par le jeu de Clifton Collins Jr. -. Ils ont peut être en commun la même monstruosité, si le destin l’avait pas voulu  autrement, pour reprendre l’une des répliques de mémoire : « c’est un peu comme si j’avais grandi avec lui dans la même maison. Il serait sorti par la porte de derrière et moi par celle de devant ». Capote cherche à comprendre l’attitude des deux meurtriers, avec un cynisme défensif, fasciné par cette violence, il décortique le parcours de deux prisonniers dans l’attente de leur exécution, passant de la compassion à l’indifférence. L’incarnation de Philippe Seymour Hoffman, dont le talent n’est plus à prouver depuis longtemps, dans le rôle titre est formidable, dans les attitudes et le timbre de voix. Il était fortement d’ailleurs fortement impliqué dans ce projet. Loin d’un numéro d’esbrouffe laborieuse, ou d’un cabotinage attendu dans ce type de rôle pour une personnalité homosexuelle, mondaine et alcoolique, il évite tous ces pièges, pour une composition tout en nuances. De sa quête de la vérité, à la première lecture de son livre, il restitue avec humanité la richesse de son personnage new-yorkais. Il a réussit à nous montrer l’essence du personnage au-delà de l’idée de performance, le travail, intensif de l’acteur pour le rôle, ne se voyant pas à l’écran.

Dans cette lignée, je ne vois que peu d’exemple, mais citons Philippe Clévenot dans « Elvire Jouvet 40 », ou Michel Bouquet dans « Le promeneur du champ de Mars ». Tout en nuance, entre égocentrisme, failles multiples, il est tout aussi probant quand il fait preuve de brio dans la haute société, que quand il se fait admettre dans l’Amérique profonde, où les autochtones le regardaient de prime abord, comme une improbable personnalité ambivalente. Il est amusant de se souvenir alors de Truman Capote acteur, qui ne déméritait pas d’un casting all-star, dans l’amusant « Un cadavre au dessert » que cite Docteur Orloff et Mister Pierrot, dans son article. L’oscar et le golden globe du meilleur acteur 2006, sont ici amplement mérités, tant il Le rapport Capote-Smith est décrit ici avec beaucoup de retenue et de justesse, chacun manipulant l’autre. L’écrivain, pour avoir l’œuvre de sa vie fait preuve de pionnier dans la restitution de ce fait divers – il a ouvert une voix dans l’écriture de romans de non-fiction, largement galvaudée depuis, on se souvient depuis, du « forcément sublime » durassien face à l’affaire Vuillemin. Il dissèque, observe, se renseigne avec les témoins et les policiers locaux – formidable incarnation de Chris Cooper, connaissant les victimes, et incarnant la probité – fraternise avec les tueurs, ouvre les cercueils, et finalement se brûle à vouloir obtenir la vérité. Bennett Miller, dans la stylisation rend parfaitement les abysses de contradiction des personnages, installe un climat fascinant en adoptant un ton feutré et restitue en évitant les écueils de la reconstitution, le début des années 60. Tout ici respire l’intelligence, jusqu’à l’écriture des seconds rôles de Bruce Greenwood dans le rôle de Jack Dunphy, amant écrivain délaissé mais compréhensif de Capote, ou Bob Balaban, probant dans le rôle de William Shawn, un éditeur compréhensif. A ne pas rater la diffusion de « De sang froid » de Richard Brooks, ce mercredi 29 mars, à 22h40 sur Arte, adaptation du célèbre roman éponyme.