Avant-première hier à l’UGC Cité Ciné Bordeaux du premier film de Corinne et Gilles Benizio. Amusé par les teasers du film, où devant une caméra en morceaux, ils figurent deux apprentis réalisateurs maladroits, on attendait de voir le résultat final. Avec un peu d’appréhension cependant, car les comédiens qui ont un univers très fort sur les planches n’arrivent parfois à retranscrire leur univers au cinéma. Raymond Devos avait raté son film « La raison du plus fou » réalisé avec François Reichenbach, Fernand Raynaud a sombré dans le tout venant du nanar et Alain de la Morandais, comique bouffon onaniste n’a même pas fait de films. Hors ils signent une comédie très réussie, trouvant le moyen d’imposer une singularité immédiate. Ils reprennent les personnages biens connus de Shirley et Dino. Shirley et son cousin Dino sont des forains, et font des numéros de singe furieux qui font fuir le public. Une prénommée Maryline – Franckie Pain, actrice fétiche de Gaspar Noé et Jean-Pierre Mocky, à la personnalité fracassante – qui les emploie, chasse le couple à coup de fusil, quand ils parent pour Paris pour recevoir un héritage. Ils reçoivent d’un oncle obscur, la propriété d’un cabaret assez ringard avec un couple d’italien – dont Vittoria Scognamiglio irrésistible en tenue affriolante -, vedettes blasées. Un caïd local voisin – Riton Liebman saisissant dans un contre-emploi, il fallait oser le voir en chef de gang suffisant et violent -, flanqué de deux hommes de main frappés de stupidités – Michel Vuillermoz drôlissime et bas du front et Christian Heck survolté – réclame les dettes de jeu de l’oncle défunt. Voulant récupérer le lieu, ils vont rivaliser de duplicité violentes, font partir les Italiens, mais le couple se découvrent une passion en voulant faire vivre le lieu. Avec les employés présents, Pakita – Maaïke Jansen désopilante en dresseuses de chien alcoolique -, le barman russe – Serge Riaboukine jubilatoire s’improvisant lanceurs de couteaux -, la secrétaire dévouée – Agathe Natanson -, un trapéziste spectaculaire – Gérard Fasoli – et Gabriel, un intendant lunaire – excellente révélation mais je n’ai hélas pas retenu le rom du comédien -…ils improvisent des numéros de spectacles vivants maladroits mais singuliers qui amènent un nouveau public…

Maaïke Jansen & Serge Riaboukine

En dépit de quelques rares maladresses, le film trouve son envol, nous donnant même deux morceaux d’anthologie – la boîte et la chanson de l’infirmière -. Autour d’eux une troupe enthousiaste les accompagnent, certains étant des fidèles de leur univers ou des compagnons de longue date, et les petits nouveaux –Serge Riaboukine et Riton Liebman, citons également Ériq Ebouaney en commissaire de police – étaient ravis de cette rencontre. Ils rendent un hommage très vibrant au music-hall, soigné – Jeanne Lapoirie est à la photo -. Le plaisir a été dédoublé pour les avoirs retrouvés après le film. Un peu déboussolés de se déplacer – c’est la première semaine de promotion -, sans avoir à faire un spectacle, ils nous ont régalés d’un échange complice et narquois et de sympathiques vacheries domestiques. Ils étaient tellement volubiles qu’un intervenant a déclaré « J’en ai oublié ma question, ça fait dix minutes que j’attends ! ». Leur film a été réfléchi et construit, ils citaient en exemple « Le pigeon » mythique film de Mario Monicelli décortiqué sur la forme. Car ce sont de grands cinéphiles, ils citent volontiers Laurel & Hardy, Jacques Tati, Pierre Étaix, Franck Capra et grand Totò – dont Gilles Benizio connaît tous les films par un ami italien -. Intarissable, lucides et amoureux, et qui ont comme Albert Dupontel une énorme générosité pour le public, ils nous prouvent que la comédie française est probante quand on sort du produit manufacturé ou de consommation – inutile de redéfinir le niveau actuel -. Rendez-vous à partir du 12 avril prochain.