Avant-première à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux du film « Le temps des porte-plumes », en présence de son réalisateur Daniel Duval, et de Jean-Paul Rouve. Le film commence par une sorte de passage de relais, entre Daniel Duval, qui tient le rôle du psychologue, lui-même et le personnage de Pippo, fortement inspiré du parcours du metteur en scène, joué par Raphaël Katz, qui pour l’anecdote âgé de 9 ans, a souhaité refaire ses essais étant malade la première fois. Le cinéaste – qui n’a plus fait de film comme réalisateur depuis l’honnête polar « Effraction » (1983), l’un des rares rôles de méchants de Jacques Villeret – a depuis 20 ans, essayé de tourner ce projet, d’après sa propre enfance. Il nous déclarait avoir eu peu de trouver de l’amertume en voulant la reconstituer, mais il était surpris d’avoir trouvé finalement de la grâce. C’est donc un projet cher aux yeux du cinéaste, qui l’avait abandonné plusieurs fois – il devait être interprété par Jean Carmet, puis Philippe Léotard, dans le rôle de Gustave -, ne se sentant pas près à affronter son enfance. Il avait enfin trouvé l’énergie de monter ce projet, avec Miou-Miou –son interprète de « La dérobade », et Jacques Villeret, mais ce dernier meurt trois mois avant le début du tournage -. Daniel Duval décide de rajeunir les personnages de la famille d’accueil, en utilisant Jean-Paul Rouve, dans le rôle de Gustave,-  à la présence goguenarde ce soir là et très probant dans un rôle plein de sensibilité – et Anne Brochet, dans le rôle de Cécile, prodigieuse en femme meurtrie, qui n’arrive pas de par les aléas de la vie à s’abandonner à son instinct maternel, c’est une actrice rare, et remarquable.

Nous sommes dans l’été 1954, le jeune Pippo, recueilli dans un centre dirigé par Martine Ferrière, a des parents difficiles et alcooliques. Un couple de paysans, Gustave et Cécile l’adopte, mais l’enfant est difficile, même s’il ne demande qu’à être aimé. Pippo a un cœur d’or – il s’occupe de la marginale locale, tombée à moitié folle à la mort de son mari – Annie Girardot, formidable de sensibilité -, s’attache à un commis agricole – Lorànt Deutsch, très crédible en soldat revenant de la guerre d’Indochine, et ne trouvant pas sa place -, et souffre du racisme de part ses origines italiennes. Parmi les interprètes on retrouve Max Morel, habitué des films de Daniel Duval et le grand Philippe Khorsand, très surprenant en curé sourcilleux.  Malgré l’autorité austère de son professeur – Denis Podalydès, tentant de garder la face malgré les turpitudes de Pippo, absolument irrésistible -, la cruauté de la vie, la froideur de Cécile, Pippo finira par trouver son envol – au sens propre, comme au sens figuré, dans une très belle scène. A l’instar de « L’ombre des châteaux », beau film de Daniel Duval de 1976, avec Philippe Léotard et Albert Dray, on retrouve son univers de Daniel Duval, que certain de ses rôles ne laissaient pas entrevoir – « Le bar du téléphone » par exemple assez emblématique. Avec beaucoup d’émotion et de retenue, Daniel Duval a parlé chaleureusement de son film, avec une pudeur dissimulée derrière quelque raclement de gorge  gênés. Le film est simplement magnifique, subtil, on ne sent pas le poids de la reconstitution – les scènes de moissons sont d’une grande justesse -, et il a beaucoup de très belles séquences, que je vous laisse découvrir pour ne pas vous gâcher le plaisir. Le réalisateur évite tout pathos ou effets larmoyants, fait preuve d’humour – Denis Podalydès et ses boulettes de papier -, retrouve l’émotion dans des silences significatifs, il a d’ailleurs souvent sacrifié les dialogues de son scénario, pour retrouver une authenticité dans les regards et le jeu des comédiens. Le film est baigné par la belle musique de Vladimir Cosma, qui a malheureusement réutilisé un thème déjà entendu, dans un film d’Yves Robert, que je n’ai pas réussi à identifier. Il est d’ailleurs coutumiers du fait – il utilise d’ailleurs une musique de bal populaire entendue dans « Ville à vendre » de Jean-Pierre Mocky -, s’il a beaucoup de talent, on peut pourtant trouver ces « déflagrations » assez méprisables pour le public. Très probant, ce film est dores et déjà une des belles surprises de cette année.