A l’heure des faux films cultes, ou autoproclamés, mais vrais films de potaches – genre charpironés -, un film resté longtemps dans les placards comme « Bubba Ho-Tep », peut aisément prétendre à ce titre. C’est le retour de Don Coscarelli à la réalisation après des films de séries B. comme « Dar l’invincible » et « Phantasm ». Après la peu crédible interprétation d’un certain Tyler Hilton dans le rôle d’Elvis Presley, dans le pourtant formidable « Walk the line » diffusé cette même semaine, c’est ici Bruce Campbell qui s’y colle. On connaissait son auto-ironie sur ses rôles habituels dans le cinéma fantastique – la trilogie « Evil dead » -. Il écornait son image dans « La patinoire » de Jean-Philippe Toussaint (1997), en déglinguant son emploi de comédien américain. Il campe dans une savoureuse composition, Sebastian Haff, un septuagénaire impotent. Il est  pensionnaire d’une maison de retraite assez sordide du Texas. Son voisin de chambre meurt, il se retrouve seul et assez désemparé. La fille du mort, après trois années sans le voir, arrive pour récupérer ses affaires, réveillant un peu les ardeurs de Sebastian devenu impuissant suite à l’apparition d’une excroissance sur sa verge. Il lui révèle son secret, il ne serait autre qu’Elvis Presley en personne, végétant dans l’anonymat après un échange d’existence avec un de ses sosies qui ayant une vie encore plus dissolue que l’original avait succombé très vite. Une infirmière austère, le corps médical étant qualifié de « robots en blouse blanches », joue le jeu de ce joyeux délire.

Bruce Campbell

Tout serait assez désespérant si  une mystérieuse momie  ne sévissait pas au milieu des personnes âgées, à la recherche d’âmes faciles, accompagné d’un scarabée géant échappé de l’univers de David Cronenberg. Un des pensionnaires, Jack – Ossie Davis, acteur fétiche de Spike Lee, ici très digne, et mort en février 2005 -,  se prend pour J.F. Kennedy, transformé en noir pour être neutralisé suite à un complot (sic). Il lui explique que la momie aspire les âmes par les orifices naturels, de préférence l’anus. Ils sortent déambulateurs et fauteuils roulants pour neutraliser le monstre nocturne… Le film est riche en trouvailles, comme les deux nigauds préposés à la levée des corps, et en répliques désopilantes. De la représentation d’un Elvis fatigué, d’un détail comme la confiture sur la commissure de la bouche du sosie, ou de la chasse à la créature par deux seniors déjantés, tout est ici assez jubilatoire. Don Coscarelli revisite les légendes urbaines, les affres de la célébrité ou de la déchéance de l’âge sans fausse pudeur. Derrière une trame assez déjantée, se cache une amertume, la peur de la sénilité. La vision de la vieillesse est d’ailleurs acerbe, comme la vieille dame volant les lunettes à une grabataire.  Le personnage d’Elvis n’est d’ailleurs pas icônifié… Devant  un marathon télévisuel de ses films comme acteur, il déplore  ne pas avoir renvoyer le colonel Parker. Il ne sauve d’ailleurs aucun de ses films, les saluant par un « tous nuls ! ». Les scènes fantastiques sont probantes, le climat est assez malsain, et on finit par s’attacher à ce couple de vieillards indignes. Ce réjouissant jeu de massacre grinçant et décalé, même s’il a un petit ventre mou, est une allègre surprise. Hélas, peu de copies sont disponibles, donc un rendez-vous à ne pas rater.