On craint toujours un peu quand un grand talent comme Fernando Meirelles, ayant eu une consécration internationale avec « La cité de Dieu », est embauché par le cinéma américain. Cette appréhension est vite dissipée, on retrouve la réalisation nerveuse avec cette adaptation du scénariste Jeffrey Caine du livre de John Carré. L’œuvre est efficace, pousse à la réflexion, pour ce « The Constant gardener » est une réussite, à noter le titre en VO « La constance du jardinier » ne devant pas être assez vendeur. Le couple Ralph Fiennes et Rachel Weisz est particulièrement convaincant, le premier dans le rôle de Justin Quayle, ambassadeur anglais, par sa retenue toute britannique, ne laissant sa peine l’envahir que dans un moment de solitude profond et la seconde en personnage énergique, Tessa Quayle avocate militante qui garde espoir dans une utopie qui ne peut que lui être fatale. Les personnages ne sont pas monolithiques, parfois pris dans leurs contradictions comme les membres du Haut commissariat britannique, dans cette sombre affaire de machination par un important lobby de laboratoires pharmaceutiques, dans une région sinistrée au Nord du Kenya.

Ralph Fiennes & Pete Postlethwaith

Le metteur en scène s’entoure de solides comédiens, dont le trop rare Hubert Koundé, en médecin utopiste, Bill Nighy composant un salaud délectable, Gerard McSorley – La révélation du film   » Omagh », en officiel anglais cynique, le buriné Pete Postlethwaith en quête de rédemption ou Danny Huston, en amoureux transi de Tessa pour ne citer que les plus connus.  Tout est ici soigné, et semble rendre justice avec justesse à l’univers de John Le Carré. Une humanité noire est montrée, trouvant le moyen de capitaliser des laissés pour compte, on assiste à une démonstration brillante des différences de mentalités, de privilégiés qui culpabilisent voulant aider des pauvres mourants des conséquences du sida et de la misère. Mais les repères manquent pour eux pour aider des gens dans une société régie par la compromission ou une autre éthique, à l’image de cette pauvre enfant abandonnée à son triste sort pour un problème de règlement. Poignant sans être misérabiliste, ce film nous renvoie à notre confort et nos contradictions, et étudie un couple antinomique dont chacun conserve ses secrets pour épargner l’autre, c’est de plus une belle histoire d’amour, violente et universelle, face à une adversité constante. Le cinéma américain particulièrement acerbe en ce moment, montre toujours sa capacité de concilier divertissement et une approche de notre monde contemporain comme ici avec ce thriller haletant.