Après le très abouti « Petite chérie » en 2000, avec Corinne Debonnière et Jonathan Zaccaï, on attendait légitimement beaucoup de la seconde réalisation d’Anne Villacèque. Si on retrouve bien sa maîtrise, le film hélas déçoit un peu, mais possède une maîtrise évidente. A l’heure où statistiquement 1 réalisateur sur 3, ayant réalisé son second film passe au troisième, espérons pouvoir retrouver son univers dans les années à venir. La réalisatrice se coltine une nouvelle fois avec une certaine vacuité de l’existence et l’idée de la perte de l’innocence. Antoinette, employée au ménage d’un grand hôte sur la Côte d’Azur – Miou-Miou, humanisant un personnage assez retord -, attend beaucoup de sa fille, Stella, – Vahina Giocante – superbe jeune femme « go-go danseuse ». Elles ne font que se croiser, la mère terminant son service et rentrant dans son appartement quand sa fille part travailler. Stella est vue seulement par les hommes que comme une « cagole », loin de voir autre chose au-delà de son charme fracassant, comme Fabrizio – Mathieu Simonet, qui a le même timbre de voix que son père Jacques Perrin – petit richard en goguette. Seul le patron de Stella – Antoine Basler, passant avec aisance de l’inquiétant au rassurant, encore un sous-utilisé à déplorer -, semble avoir un peu de tendresse pour elle. Pour Antoinette, sa fille est sa revanche sociale, elle montre avec fierté sa photo à un jeune livreur de pizza dégingandé – Franc Bruneau, vu dans « Les fautes d’orthographes »,  tout en regrettant sa jeunesse charmeuse. Elle n’hésite pas à instrumentaliser le destin, lors du passage d’un certain Romansky (… Jean-Michel), agent immobilier aisé et échappé à un univers Houellebecquien.  

Miou-Miou

La réalisatrice décortique derrière les clichés d’une ville touristique écrasée de soleil, la vacuité possible de l’existence, la vérité derrière les faux-semblants, la frustration surlignée par le bonheur apparent des riches, la promesse d’une vie facile à travers l’omniprésence d’une télévision promettant le quart d’heure Warholien à chacun. C’est dans cette analyse sans concession du désœuvrement que la réalisatrice retrouve la justesse de son regard. La résignation est vaine pour elle, mais elle démontre la possibilité de révolte naissante voire destructrice, à l’exemple d’un esclandre entre deux personnages au bord de la piscine. Miou-Miou en travailleuse discrète, que l’on ne remarque pas, vivant fusionnellement avec sa fille, dont elle attend beaucoup amène une justesse incroyable à un personnage dérangeant, retord. Elle souhaite pousser sa fille à réussir dans le monde, tout en ayant peur de sa réussite car elle pourrait se retrouver seule. Vahina Giocante, que j’avais vu lors de l’avant-première de « Lila dit ça » – elle avait d’ailleurs charmé tout son auditoire et montré une belle lucidité sur son parcours – un rôle assez similaire que Stella, dégage un érotisme fracassant digne d’une Brigitte Bardot – « l’ancienne ! », comme disait Fellag -, elle est bouleversante dans l’impuissance de bien cerner le trouble qu’elle suscite. Elie Semoun, prouve après le très bon « Aux abois », la  richesse de son registre, gauche et en manque d’amour, désarmé par la jeunesse de Stella et efficace dans son travail, compose avec aisance une personnalité peu accorte, le film doit beaucoup à ses trois comédiens. Le film finit par trouver une certaine limite peut-être par son scénario, mais saluons son côté dérangeant et inconfortable, assez courageux. Mais elle dépeint très bien de manière presque sociologique, la perte des illusions, un quotidien écrasant et le manque de perspectives dont notre société actuelle – elle avait fait un documentaire sur la jeunesse actuelle avec « Oh ! les filles » en 2003, que l’on aimerait pouvoir découvrir. Un regard singulier d’une noirceur peu commune et la réussite de véritablement capter l’air du temps, font les qualités de ce film. La cinéaste devrait beaucoup compter, même si on en ressort un peu déçu finalement de ce film, surtout après une formidable première oeuvre.