« La vie à deux », une rareté de 1958, est désormais disponible en DVD chez René Château. Dénonçons par contre la malhonnêteté foncière de cet éditeur. Le prix reste cher, même en « premiers » prix, pour un produit sommaire, sans bonus et sans chapitrage. L’affiche originale du film ci-dessus provenant du site des « Gens du cinéma » est trafiquée pour la jaquette, avec un rajout grossier du visage de Louis de Funès, qui n’a d’ailleurs qu’un second rôle, histoire de vendre l’objet sur son nom et sur celui de Fernandel. Il y figure aussi la mention « le dernier film de Sacha Guitry » – qui apparaît sur le générique du film mais en hommage -. Guitry est mort le 27 juillet 1957, et le tournage a débuté le 22 juillet 1958 selon Jean-Charles Sabria, vaste fumisterie donc. C’est Clément Duhour, un de ses proches collaborateurs qui a produit – avec Gilbert Bokanowski, qui joue un rôle non crédité – et réalisé ce film, dont Sacha Guitry avait eu l’idée avant sa mort. L’adaptation d’un certain Jean Martin – ça sent le pseudo – compile les pièces de théâtres comme « Désiré »; « L’illusionniste » « Faisons un rêve », « Le blanc et le noir », sur le thème du couple en rajoutant une sommaire histoire d’héritage. Le film est donc à sketches, avant la grande mode des années 60. Le prétexte est le suivant, l’auteur Pierre Carreau – Pierre Brasseur, qui s’est fait la tête de Guitry dans ses derniers jours et qui est ici très impressionnant -, réuni ses amis – Gilbert Boka et Jean Tissier, luisants à souhaits -, son secrétaire, Max Montavon dans son rôle de cabot habituel de maniéré, ici encore plus mauvais que d’habitude, c’est dire -, un notaire – Louis de Funès donc, très bon avec sa manière bien à lui de dire les aphorismes du maître -, et deux généalogistes – Christian Duvaleix et Jacques Jouanneau, lunaires et maladroits -. Carreau est mourant et souhaite léguer sa fortune aux personnes réelles dont il se servit comme modèles pour les personnages de son roman « La vie à deux ». La condition à respecter pour ces couples, qui ne sont pas au courant de ce projet et qu’ils soient toujours comme ils étaient alors, des exemples de bonheur.

Les généalogistes partent, flanqués des deux amis qui recevront l’héritage « en cas de malheur ». Une pléïade de comédiens défilent avec bonheur, de Jean Richard rageant de la proximité de sa belle-mère, joué avec sensibilité par Jane Marken,Odette, une femme volage – Lili Palmer -, partagée entre son amant officiel, un ministre – Jacques Morel, plaisant -, un amant de passage – Jean Marais, pour l’épisode « L’illusionniste », et qui fantasme sur son valet – Gérard Philipe, retrouvant des accents guitryens, épisode « Désiré »-., Monique – Danielle Darrieux – qui subit les avances d’Henri – Robert Lamoureux, ludion – devant son mari amateur de belote – Pierre Mondy, vraiment virtuose dans une amusante scène de claques -, Marguerite – Sophie Desmarets – cocufiant Marcel – Fernande, plus sobre qu’à l’accoutumé – et enceinte d’un ténor noir, alors qu’elle a rendez-vous dans le noir avec son amant norvégien -, et l’ami de Marcel – Robert Manuel toujours brillant – qui a du mal à expliquer que ce dernier est père d’un petit enfant noir. La bilan de ces couples étant décourageant, Pierre Carreau agonise dans son lit d’hôpital, trouvant que « La morphine a été inventée pour permettre aux médecins de dormir tranquille... » Son ancienne femme – Edwige Feuillère, port de reine -, le rejoint à son chevet à l’insu de son mari arriviste – Ivan Desny -. La distribution est brillante, on peut rajouter Pauline Carton en femme de Jean Tissier, Mathilde Casadesus en cuisinière amusée, Jacques Dumesnil en digne médecin, mais pas de Pierre Larquey, son rôle ayant été coupé au montage final. Le film finit même pas retrouver, dans ce ton un peu boulevardier, l’amertume et le cynisme que l’on retrouvait dans les derniers Guitry – « La vie d’un honnête homme », « Assassins et voleurs… » -, et retrouve la vision noire du couple chère au grand maître. Inégal mais plaisant, souffrant de n’être disponible que chez René Château, qui semble être resté bloqué sur la période VHS, et c’est très dommage…