« Animal, on est mal » chantait Gérard Manset. Notre premier ministre bien aimé souhaite que chacun rajoute « quelques gouttes de tendresse » et « quelques gouttes d’humour », dans ce monde de brutes. Et on le sent sincère, pas du tout répétant le texte de quelques conseillers en image. On peut noter en ce moment la grande dignité de nos hommes politiques, ne partant pas en campagne pour 2007, et se cachant par pudeur derrière quelques accessoires comme des talons hauts pour Ségolène, un chapeau à la Mitterrand pour Laurent, une alliance pour Nicolas. Baissons les armes pour nous lancer dans un émouvant élan charitable et laissons de côtés nos âmes chagrines. « Animal » est donc dans ce mouvement, n’ayons pas peur des mots, l’un des plus probants films de l’histoire du cinéma de ces 170 dernières années. Roselyne Bosch auteur de scénarios inoubliables – dont « Bimboland », une comédie proche du ton d’un Lubitsch, « Le pacte du silence », l’un des derniers très grands rôles de Depardieu, particulièrement inspiré par la grâce de l’écriture de cette ancien grand reporter -. C’est l’entreprise d’une française qui prouve, sans aucune prétention, que l’on peut aisément rivaliser avec Hollywood, avec ce projet franco-portugo-britannique, supplantant même les grandes réussites de nos petits « frenchies » comme Pitof : « Catwoman » et Mathieu Kassovitz : « Gothika », c’est dire ! Dans un campus quelque part en Europe, Thomas Nielsen, jeune savant suédois, vient en généticien étudier le cas d’un Vincent Iparrak, un serial killer qui a épargné la propre sœur de ce dernier danseuse étoile dans un des caprices de son cerveau reptilien. Le sieur Thomas fait une découverte sensationnelle, renvoyant les travaux d’Henri Laborit dans « Mon oncle d’’Amérique » d’Alain Resnais au niveau de la préhistoire. Nous sommes déterminés par notre ADN, dégagés de toute responsabilité – ce qui est une bonne nouvelle, mais pas pour les psychiatres, il suffit juste de quelques gouttes de sérum pour transformer un bourreau en agneau -.

Roselyne Bosch déclare partout avoir contacté les plus grands scientifiques, elle nous livre ici ses conclusions sérieuses et probantes, révolutionnaires, devant même de changer notre vision du monde, ce qui est exceptionnel pour une œuvre de divertissement. David Cronenberg avait déjà traité cette idée dans sont « Hystory of violence », il pâtit hélas du regard boschien, écrasant de subtilité. Elle prouve qu’un œuvre de fiction est susceptible de bouleverser l’ordre établi du monde. La reconstitution de la vie d’un scientifique est ici hyperréaliste, la réalisatrice rajoutant même des petites touches du quotidien, comme celle de perdre un loup cobaye en plein centre ville et de s’en apercevoir en regardant la télévision, on sait bien que les scientifiques sont de grands distraits. En effet où trouver ailleurs qu’ici une distribution aussi prestigieuse qu’Andreas Wilson, Emma Griffith Marlin, Diogo Infante ou Ed Stoppard, excusez du peu, tous absolument convaincant, charismatiques et probant, crédibles et inspirés. Le grand méchant est ici tellement effrayant qu’Hannibal Lecter est à reléguer au niveau de Bambi en comparaison. Tout ici est admirable, on est pris dans une spirale infernale où jamais l’on s’ennuie. Euphorisé par les déclarations de notre grand Dominique, j’ai peut-être eu la main un peu lourde pour la tendresse. Quant à l’humour, c’est ici une question de degrés.