Une comédienne Mary Palesi – radieuse Juliette Binoche – tourne dans un film opportuniste d’un cinéaste Tony, qui joue également le Christ, « Ceci est mon sang ». Elle y joue une Marie-Madeleine réhabilitée d’après son évangile apocryphe, objet de controverse et retrouvé en Egypte en 1945. Ébranlée par ce rôle, elle décide de se retirer dans Jérusalem et abandonner sa carrière. Theodore Younger qui présente une émission religieuse, fait un travail pour retrouver la vérité sur le Christ. Il est fortement marqué par l’interprétation de Marie et il décide d’inviter le cinéaste sur son plateau, pour en savoir plus sur elle… C’est un grand morceau de mise en scène. On est admiratif de voir comment Abel Ferrara réussit à s’approprier des morceaux de vies, des réflexions de théologiens, des questionnements de la foi, une critique acerbe d’un metteur en scène suffisant réinterprétant les évangiles – allusion évidente et assumée de « La dernière tentation du Christ » où Mathieu Modine serait à la fois Mel Gibson et James Caveziel -. De l’incapacité de la représentation des évangiles, aux images d’actualités, il intègre tout à son univers. Il relie d’ailleurs les hommes entre eux, avec une espèce de naïveté folle, un attentat à Jérusalem semblant avoir une répercussion sur un nourrisson sous couveuse. Les hommes sont proches par leurs errances que les conflits soient intérieurs ou extérieurs. Et ça marche, il ose une allégorie sur l’amour des autres, donne des pistes et jamais de réponses sur la foi. Abel Ferrara qui cite volontiers « Je vous salue Marie » de Jean-Luc Godard, et « L’évangile selon Matthieu », réussit à rendre cette histoire chaotique, touchante et brûlante.

Juliette Binoche

L’interprétation ici est très forte, l’admirable Forest Whitaker, joue un animateur d’émission religieuse, en prise avec ses contradictions. Il vit très mal ses indélicatesses, comme de délaisser sa femme enceinte -Heather Graham, très sensible -, pour la tromper avec une jeunesse – Marion Cotillard, marquante dans un court rôle -. Il demande même à sa productrice – Stefania Rocca, déterminée et charmeuse -, de lui donner un alibi, ce qu’elle refuse. Le film en abîme « Ceci est mon sang » recevant le même accueil que « La dernière tentation du Christ » de Martin Scorsese, Theodore entre aussi dans la tempête médiatique, mais finit par établir un lien avec le portable de Mary, qu’il a réussit à avoir, qui lui parle de foi et d’amour, et grâce à lui va connaître une rédemption. Tony, lui vire à la bouffonnerie, peste de voir une intervention par téléphone de Mary, sur ce qu’il appelle son « show », Mathiew Modine s’amuse à ridiculiser un metteur en scène fat. Et puis il y a Juliette Binoche, touchée par la grâce dans ce film. A la voir, laisser volontiers apparaître ses larmes, dans une émission TV en pleurant à l’évocation de Denis Lavant, avouant se croire forte, alors que l’émotion n’est jamais très loin, puis rire de son rire lumineux, que les metteurs en scène n’ont que rarement utilisé, on se dit que cette femme, c’est le charme à l’état pur. Sur ce film, elle réussit à rendre la foi presque palpable – même pour un anticlérical primaire comme mézigue -, ce qui est rare à l’exception peut-être de Catherine Mouchet dans le « Thérèse » d’Alain Cavalier. Elle nous livre sa générosité, accompagne un artiste dans son oeuvre, c’est décidément une très grande comédienne. Abel Ferrara, dans sa continuité, nous livre ses démons et sa vision du monde, et c’est du très grand cinéma.