C’est la trêve des confiseurs, la tentation est grande de la respecter, surtout qu’elle est raccord avec l’optique de robinet d’eau tiède consensuel de ce blog. Tant pis le pisse-froid est de sortie ! Si on pouvait attendre légitimement beaucoup de ce remake du « King Kong » original d’Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper – j’ai beaucoup apprécié la trilogie du « Seigneur des anneaux » -, il faut bien le dire que l’on en ressort, mi-abruti, mi-déçu. La huitième merveille du monde  – je vous épargne les jeux de mots habituels – fait penser ici à une vieille dame, outrageusement ripolinisée, ayant subit un liftinge – francisation à la Queneau, en passant -, lui donnant un drôle de petit air momifié. Mais on retrouve les signes de fatigue, dans un visage inexpressif, sans âge véritable, elle met beaucoup plus de temps à se déplacer. 188 minutes, pour ce grand amour contrarié, et désensualisé en passant, c’est beaucoup ! On retrouve bien le personnage du metteur en scène mégalomane, Carl Denham, sorte de Werner Herzog avant l’heure, du style « il peut y avoir des morts », si c’est pour établir une œuvre. Jack Black,  y ajoute beaucoup d’humour, il est étonnant dans le style chaînon manquant entre Orson Welles et … Sébastien Cauet. Ann Darrow est joué par la lumineuse Naomi Watts, digne de figurer chez les grandes « screaming girl », elle amène une sensibilité face un pathos un peu trop outrancier. Face à elle, King Kong est décidément trop humain. Bardé de cicatrices et usé par les épreuves et la solitude, il faut le voir faire du patinage sur glace comme Marlon Brando dans « Premiers pas dans la mafia » !

Naomi Watts

Les autres personnages sont des créations du scénariste intellectuel, qui s’avère être un héros (Adrien Brophy, qui n’en rajoute pas trop pour une fois). Les personnages sont des stéréotypes des films d’aventures d’avant –guerre, même si cette caractérisation est assez plaisante, elle en devient lassante (Le bellâtre – Kyle Chandler -, le mousse recueilli – Jamie Bell, très bon -, le marin baroudeur à la clope au bec, le capitaine sombre du navire – Thomas Kretschmann qui retrouve son partenaire du « Pianiste », le sieur Brophy en l’occurrence -. On a l’impression ici d’un immense recyclage, des films de zombies, « Jurassic Park ». Si Peter Jackson explore d’autres pistes – « Au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad -, c’est pour mieux l’abandonner. Il nous livre ici son savoir-faire, indéniable, mais sans supplément d’âmes. C’est une amère déception, on aurait aimé retrouver l’esprit iconoclaste des premiers Peter Jackson, que l’on peut retrouver parfois avec les « diplodos » transformés en auto-tamponneuses ou quand le metteur en scène déclare que Fay Wray – créatrice du rôle d’Ann Darrow – n’est pas libre comme actrice car elle tourne avec… Cooper ! Il y a trop de tout ici, bestioles, guimauve…, et on a l’impression parfois que les acteurs jouent sur un fond bleu, et certaines incrustations sont carrément visibles, ce qui est gênant. La dépression, était déjà décrite en direct dans la toute première version – Fay Wray volant une pomme -, on ne retrouve ici rien de plus constructif, Peter Jackson, se paye même le luxe d’une ellipse de taille, le transport de King Kong de « Skull Island » à New-York ! C’est donc de la monnaie de singe (désolé, ce n’est pas pire que le « putain Kong » de « Libération », à trop vouloir jouer à l’esbroufe mégalomaniaque.  Le divertissement est au rendez-vous, mais sans plus. Je vous conseille le DVD du film de 1933, qui comprend aussi la suite « Le fils de Kong »,  et des bonus où l’on retrouve Joe Dante et Ray Harryhausen, un temps où la bête n’était pas réduite à être VRP pour voiture, ou le support de pléthore de produits dérivés, film qui reste un diamant noir inégalé.