Jo Prestia

Dans l’épisode événement de la série « Commissaire Moulin », « Kidnapping », notre Johnny national est  « guest-star ». Jean-Philippe Smet est un monument national, incontournable, toujours dans l’actualité, « pipolisé », les plumes célèbres se battent pour lui écrire des textes. C’est devenu une institution, il a même ses produits dérivés ou accessoires de mode, c’est selon, comme sa femme Laeticia… Dernier avatar, son intérêt à faire « l’acteur » qui lui a valu le prix Jean Gabin 2002, consacré habituellement à une jeune révélation (sic !) pour « L’homme du train ». Reste que Johnny comédien n’est jamais très probant, dans la comédie « Quartier V.I.P. » ou même un sketch d’une émission de Pascal Légitimus « L’homme qui voulait passer à la télé » où il est carrément absent. En partance pour railler l’ensemble de ce « Heat » du pauvre, du genre ouarf, il y a même Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret, de sinistre mémoire, des zooms à la Jésus Franco, etc…, qu’est ce qu’il reste au final, il y a une « shooting star »… : Jo Prestia ! Et il vole toutes les scènes aux autres, dans un rôle qu’on ne lui connaît que trop, un truand ingérable, violent et violeur, déclenchant le grand courroux de notre Johnny national. Dans une ferme, tenue par sa mère corse, il manque de violer la fille du commissaire Moulin, séquestrée de force. Pour au moins sa cinquième collaboration dans cette série (au moins) avec Yves Rénier, on le cantonne encore dans un rôle de brute épaisse, monolithique et inquiétant. Et pourtant il arrive à tirer son épingle du jeu, installer un personnage. Difficile de croire que le sieur Smet serait capable de le rosser, on pouffe, il y a de l’abus…, de toute manière il est désintégré et n’impressionne même pas la pellicule face à Jo Prestia.

 

Il a marqué les esprits en jouant le violeur de Monica Bellucci, sympathiquement nommé le « Ténia ». On se souviendra longtemps de lui dans ce tunnel rouge, comme personnifiant l’effroi à l’état pur. Gaspar Noé lui avait confié ce rôle pour l’avoir vu dans ce personnage du « Petit voleur » contraignant Nicolas Duvauchelle à lui faire une fellation, il était déjà impressionnant. Ce sportif émérite et au palmarès brillant, voir lien Muaythaitv, est découvert par Érick Zonca dans le rôle de Frédo, un copain videur taciturne. Il joue souvent des malfrats en tous genres, tel l’homme de main du « cantique de la racaille ». Mais il peut faire preuve d’humanité. On le retrouve souvent dans des rôles d’amis sûrs, celui de Thierry Frémont dans « Livraison à domicile », où il le convainc de remonter sur le ring, dans « Agents secrets » il est l’ami du personnage joué par Vincent Cassel ou dans « Ze film » où il est un employé d’EDF qui s’improvise éclairagiste de film en employant l’éclairage public.  Dans ce registre il trouve un de ses meilleurs rôles dans « Fureur » de Karim Dridi, où il aide le personnage de Samuel Le Bihan. Dans « 13 tzameti » (2005) de Gela Babluani, il est un marginal vaguement truand, tentant de reprendre de l’argent à un ami qu’il avait aidé en lui payant un avocat, mais qui ne peut honorer ses dettes. Même si le personnage de Jo Prestia, nommé Pierre Bléreau  (sic) !, sait bien comment employer des méthodes radicales, il préfère se confier, déplorant être proche de la clochardisation, et promener un corps cassé sans avoir d’espoir. Un joli personnage qui prouve bien la gamme étendue du comédien. Toujours disponible pour de jeunes cinéastes pour des courts-métrages, et à l’aise pour imposer un personnage par sa seule présence (« 36, quai des orfèvres », « Les rivières pourpres ») il poursuit son petit bonhomme de chemin… Il convainc également en routier gréviste traduisant en italien à un petit groupe en colère les propos de Patrick Timsit dans « Par suite d’un arrêt de travail ». Il s’amuse visiblement avec son emploi habituel d’homme de main dans « Le mac » où il est sommé par José Garcia de se taire. Il compose avec Arsène Mosca un tandem réjouissant de gros bras. Il confirme également qu’il est l’un des rares comédiens français à être à l’aise dans des films de genre, tel « La horde ». Il faut le voir en dealer bagarreur soucieux de ne pas tâcher son costard quand il se bat avec des zombies. Comme le déclare avec justesse Yannick Dahan dans Brazil  N°26, « …Il est certain que faire une scène où Jo Prestia se bat contre deux zombies résonnera plus chez des gens qui le connaissent déjà… ». Retour au rôle de gros bras dans « Coursier », mais ce rôle apparaît plus complexe qu’il n’y paraît. Jo Prestia, c’est à la fois quelqu’un avec lequel on aimerait boire un verre mais à qui on rechignerait à demander l’heure. Assurément une des plus remarquables révélations de ces dernières années. Reste à savoir si la frilosité des cinéastes ne risque pas de lui coûter les grands rôles qu’il mérite. Allez amis cinéastes, encore un effort. On peut lire avec intérêt un entretien dans Le temps détruit tout, consacré à Gaspar Noé.

 

Filmographie : 1994  Frères (Olivier Dahan) – Coup double (Bruno Delahaye, CM) – Raï (Thomas Gilou) – 1996  Hey Joe (Franck Coquelet, CM) – Salut cousin ! (Merzak Allouache) – 1997  Louise (Take 2) (Siegfried) – Cantique de la racaille (Vincent Ravalec) – La vie rêvée des anges (Érick Zonca) – 1998  Chili con carne (Thomas Gilou) – Le petit voleur (Érick Zonca) – 1999  Les déclassés  (Tony Baillargeat) – Les pierres qui tombent du ciel (Isabelle Ponnet, CM) – Le timide (Fabien Michel, CM) – Ligne 208 (Bernard Dumont) – Total western (Éric Rochant) – Cinéma (Xavier Gojo, CM) – 2000  Les morsures de l’aube (Antoine De Caunes) – Pas d’histoires ! [épisode « Petits riens] (Xavier Durringer, CM) – Grégoire Moulin contre l’humanité (Artus De Penguern) – Requiem (Hervé Renoh) – 2001 Yamakasi les samouraïs des temps modernes (Ariel Zeïtoun) – Femme fatale (Brian De Palma) – Irréversible (Gaspar Noé ) – 2002  Le labyrinthe (Pierre Courrège, CM) – Fureur  (Karim Dridi) – Livraison à domicile (Bruno Delahaye) – Lovely Rita, sainte patronne des cas désespérés (Stéphane Clavier) – 2003  Les rivières pourpres 2 : Les anges de l’apocalypse (Olivier Dahan) – Grande école (Robert Salis) – Vendetta (Richard Aujard, CM) – Agents secrets (Frédéric Schoendoerffer) – Calvaire (Fabrice Du Welz) – 2004  36 quai des Orfèvres (Olivier Marchal) – Ze film (Guy Jacques) – 2005  J’ai vu tuer Ben Barka (Serge Le Péron) – Dernier cri (Grégory Morin, CM) – 13 tzameti (Gela Babluani) – Incontrôlable (Raffi Shart) – Ennemis publics (Karim Abbou et Kader Ayd, inédit) – Le sixième homme (Julien Lacombe & Pascal Sid, CM) – 2006  Vent mauvais (Stéphane Allagnon) – Madame Irma (Didier Bourdon) – 2007  Par suite d’un arrêt de travail… (Frédéric Andréi) – La fille de Monaco (Anne Fontaine) – Plus loin encore (Stéphane Derderian, CM) – 2008  Babylone (Simon Saulnier, CM) – La horde (Yannick Dahan & Benjamin Rocher) – Le baltringue (Cyril Sebas) – La blonde aux seins nus (Manuel Pradal) – 2009  Baby boom (Tony Lorenzi, CM) – Le mac (Pascal Bourdiaux) – Coursier (Hervé Renoh) – L’étranger (Franck Llopis) – 2011  En pays cannibale (Alexandre Villeret & Aymeric de Heurtaumont). Comme réalisateur : 2008  Faux frères (CM).

Télévision : (notamment) 1995  Commissaire Moulin : Cité interdite (Yves Rénier) – 1999  Les duettistes : une dose mortelle (Alain Tasma) – 2001  Navarro : Marchand d’hommes (Patrick Jamain) – 2002  Commissaire Moulin : Les moineaux (Klaus Biedermann) – 2003  Aventure et associés (Adventure Inc.) : The price of the Oracle (Dennis Berry) – Quai N°1 : 24h Gare du Nord (Patrick Jamain) – Commissaire Moulin : Commando quatre pattes (Gilles Béhat) – 2004  Commissaire Moulin : Les lois de Murphy (Yves Rénier) – 2005  Commissaire Moulin : Kidnapping (Yves Rénier) – Léa Parker : Combats clandestins – Joseph (Marc Angélo) – Commissaire Moulin : Sous pression (José Pinheiro) – 2006  S.O.S. 18 : Sur les chapeaux de roue (Bruno Garcia) – 2007  Greco : Contact (Philippe Setbon) – 2008  Avocats & associés : Guacamole (Bruno Garcia) – R.I.S. Police scientifique : Tirs croisés (Klaus Biedermann) – Pas de secrets entre nous (plusieurs épisodes) – 2009  Clara Brunetti : Piste noire (Didier Delaître).

Théâtre  : Footeur de merde, de Grégoire Audebert / Celui qui dit a fait, de Philippe Pillon 

Mise à jour du 14/03/2011